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les cellules épithéliales coliques

1. Oxydation/détoxication de H2 S dans les mitochondries

L’oxydation mitochondriale de H2S a été bien étudiée chez les organismes marins

vivants dans des milieux riches en H2S. Chez ces organismes, les électrons générés par

l’oxydation de H2S rejoignent la chaîne de transport des électrons selon les espèces étudiées

au niveau du pool de l’ubiquinone, du complexe III (ubiquinol-cytochrome-c oxydoreductase) ou au niveau du cytochrome c jusqu’à la cytochrome c oxydase avec l’oxygène représentant l’accepteur final d’électrons (Grieshaber and Volkel, 1998; Powell and Somero, 1986; Volkel and Grieshaber, 1996). Il s’en suit ainsi une production d’ATP mais également de thiosulfate (Volkel and Grieshaber, 1996). L’oxydation de H2S est ainsi couplée à la phosphorylation

oxydative de la chaîne de transport des électrons et à la production d’ATP. Il est intéressant cependant de souligner, que ce couplage -autrement dit le transfert des électrons générés

par l’oxydation de H2S vers la chaîne de transport des électrons et le pompage de protons

nécessaire à la production d’ATP- ne se fait qu’en présence de faibles concentrations de H2S

ne dépassant pas les 10 ou 20µM selon les espèces étudiées. Ce couplage diminue en présence de fortes concentrations de H2S jusqu’à l’inhibition complète observée à 50µM

(Volkel and Grieshaber, 1996).

Une oxydation mitochondriale similaire de H2S couplée à la production d’ATP a été

mise en évidence dans des études relativement récentes dans le foie de poulet. Ce résultat a laissé les auteurs suggérer que ce phénomène intervenait dans de nombreuses espèces

indépendamment de l’adaptation aux environnements riches en H2S (Yong and Searcy,

2001). De plus, une oxydation mitochondriale de H2S a été également décrite chez les

mammifères, dans des hépatocytes et des colonocytes de rat mais aussi dans des cellules coliques humaines (Furne et al., 2001; Goubern et al., 2007; Hildebrandt and Grieshaber, 2008b).

Les données de la littérature traitant l’oxydation mitochondriale de H2S permettent de

faire ressortir deux composantes importantes de cette fonction commune à de nombreuses espèces vivantes. On a d’une part, la chaîne respiratoire qui a pour rôle de transférer les électrons issus de l’oxydation de H2S vers les différents accepteurs de la chaîne. Et on a

d’autre part, les trois enzymes de détoxication de H2S qui semble agir en une seule unité

fonctionnelle qu’on peut qualifier de « sulfide oxidation unit » (ou unité d’oxydation du H2S)

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frontières entre les notions d’oxydation et de détoxication de H2S restent a priori difficiles à

définir.

1.1. Implication de la chaîne respiratoire mitochondriale

Chez les mammifères, l’accepteur des électrons issus de l’oxydation de H2S est le

coenzyme Q, l’intermédiaire entre le complexe I et le complexe III. L’oxydation d’une

molécule de H2S libère 2 atomes d’hydrogènes (2 électrons et 2 protons) qui, via la réduction

du coenzyme Q va permettre le transfert des 2 électrons jusqu’à l’atome d’oxygène qui est

réduit à son tour en H2O au niveau de la cytochrome c oxydase (figure 28) (Goubern et al.,

2007). Goubern et al. (2007) ont proposé la présence de deux sites de consommation d’oxygène lors de l’oxydation mitochondriale de H2S par les colonocytes. D’une part une

utilisation de l’oxygène par la chaîne respiratoire pour la production d’eau au niveau de la cytochrome c oxydase (complexe IV), et d’autre part une utilisation de l’oxygène pour la

formation des composés soufrés oxygénés par les enzymes de détoxication du H2S. La

stœchiométrie de consommation d’oxygène par la chaîne mitochondriale a une valeur

théorique de 0,5 (0,5 atome d’oxygène ou 1/2 O2 est consommé pour oxyder une molécule

de H2S ) (Goubern et al., 2007)..

1.2. Implication des enzymes de la « Sulfide oxidation unit »

L’oxydation mitochondriale se fait en plusieurs réactions. Les réactions permettent la conversion de H2S en persulfide, sulfite (SO32-), thiosulfate (S2O32-) et sulfate (SO42-). Le

sulfate représente entre 77 et 92% du soufre total dans les urines (Beauchamp et al., 1984). La première étape de la voie d’oxydation est catalysée par la SQR (Sulfide quinone oxydoreductase), une flavoprotéine de la membrane interne mitochondriale qui oxyde H2S en

persulfide liée au résidu cystéine de la protéine (SQR) et transfère les 2 électrons au pool d’ubiquinone (Hildebrandt and Grieshaber, 2008b; Theissen and Martin, 2008; Vande Weghe and Ow, 1999). La deuxième étape de la voie d’oxydation fait intervenir les enzymes de la matrice mitochondriale : la sulfure dioxygénase (ETHE1) et la thiosulfate sulfure transférase (TST) (une des isoformes de la rhodanese). La ETHE1 nécessite la présence de l’oxygène

moléculaire (O2) et d’une molécule d’eau pour 2 molécules de H2S. Cette activité catalytique

génère à partir des persulfides produits par la SQR des sulfites. Cette réaction constitue le deuxième site d’utilisation de l’oxygène. La TST rajoute un second persulfide au sulfite pour donner le produit final qui est le thiosulfate. Des thiols de faible poids moléculaire tels le glutathion ou le dihydrolipoate peuvent être impliqués dans le transfert du groupement persulfide de la SQR à la sulfure dioxygénase (Hildebrandt and Grieshaber, 2008b). De plus,

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il a été montré in vitro que le persulfide glutathion pouvait être un substrat pour la ETHE1

(Tiranti et al., 2009).

La SQR a été récemment caractérisée chez Arenicola. marina (Theissen and Martin, 2008). Des gènes similaires au gène codant la SQR d’A. marina ont été décrits dans le génome de souris et chez l’Homme (Theissen et al., 2003). Cependant, au moment du commencement des travaux de cette thèse, aucune étude n’avait examiné le rôle fonctionnel

de la SQR de mammifères ou de la SQR humaine. La SQR de foie de rat a un Km pour le H2S

relativement faible (2,9±0,3µM) (Hildebrandt and Grieshaber, 2008b) et donc une bonne affinité pour son substrat. Ce qui suggère un catabolisme efficace de ce substrat dans les cellules de mammifères (Kabil and Banerjee, 2010).

La ETHE1 est une protéine de la matrice mitochondriale contenant un groupement

fer non héminique. Une mutation au niveau du gène ethe1 codant pour la sulfure dioxygnase

entraîne une encéphalopathie éthylmalonique, une pathologie à transmission autosomique récessive (Tiranti et al., 2004). La perturbation génétique de la ETHE1 entraîne chez la souris

une accumulation de H2S ainsi qu’une réduction du niveau et de l’activité de la cytochrome c

oxydase de certains tissus (colonocytes, muscle et cerveau). De plus, l’accumulation de H2S

suite à un déficit en expression de ETHE1 est à l’origine d’une inhibition du métabolisme énergétique aérobie et peut expliquer certaines manifestations cliniques liées à l’encéphalopathie éthylmalonique tel l’acrocyanose et les altérations vasculaires (Tiranti et al., 2009). La ETHE1 purifiée catalyse la consommation d’oxygène dépendante du glutathion persulfide. Elle interagit physiquement avec la rhodanese suggérant que les deux enzymes agissent en un seul complexe pour convertir le persulfide liée à la SQR en thiosulfate (Kabil and Banerjee, 2010). A cette argumentation s’ajoute la présence de fusion entre les gènes codant pour les deux enzymes dans le génome de certaines bactéries (Tiranti et al., 2009).

La TST a été d’abord décrite pour avoir un rôle dans la détoxication du cyanure

(Westley et al., 1983). Récemment, le rôle de cette enzyme dans la détoxication de H2S dans

les cellules coliques humaines a été démontré (Picton et al., 2002; Ramasamy et al., 2006; Wilson et al., 2008). Picton et.(2002) avaient proposé un rôle de la rhodanèse dans la détoxication de H2S. Selon ces mêmes auteurs, cette enzyme catalyserait la formation de

thiocyanate à partir de cyanure et de H2S (Picton et al., 2002). Il est à présent consensuel de

considérer que le rôle de cette enzyme de détoxication de H2S dans les cellules coliques

humaines est indépendant de la présence de cyanure considéré par de nombreux auteurs comme non physiologique (Wilson et al., 2008). Cependant, le travail de Ramasamy et al. (2006) a rapporté que des deux iso enzymes décrites pour la sulfure transférase, à savoir la

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thiosulfate sulfure transferase (TST) et la mercaptopyruvate sulfure transferase (MST), seule la TST est impliquée dans la détoxication de H2S dans les cellules coliques humaines

(Ramasamy et al., 2006). D’autres auteurs suggèrent au contraire l’implication de la MST mais aussi de la CAT (une autre enzyme du catabolisme de la cystéine) dans l’oxydation

mitochondriale de H2S. Cependant, l’accepteur naturel du groupement sulfure n’est pas

connu avec certitude mais il pourrait s’agir de la thioredoxine dans le cas de la MST (Nandi and Westley, 1998; Westrop et al., 2009).

Le sulfite, produit de la réaction de la sulfure dioxygénase peut être oxydé directement en sulfate par la sulfite oxydase. De façon alternative, le sulfite peut être convertit en thiosulfate par la rhodanese, thiosulfate qui pourrait ensuite être métabolisé en sulfate via l’action de la thiosulfate réductase et de la sulfite oxydase (Hildebrandt and Grieshaber, 2008b; Muller et al., 2004). Une métabolisation du thiosulfate en sulfate a été également rapportée dans les mitochondries de foie de rat (Bartholomew et al., 1980; Cohen et al., 1972).

La sulfite oxydase est une hémoprotéine contenant un groupement molybdoptérin. Un déficit d’expression de la sulfite oxydase entraîne des perturbations neurologiques sévères (Mudd et al., 1967).