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Chapitre IV - Corrosion atmosphérique

de revêtements alumino-formeurs

oxydés à haute température

Assez peu d’auteurs se sont intéressés aux phénomènes de dégradation des couches protectrices provoqués par l’eau à l’état liquide ou vapeur (humidité relative), après oxydation à haute température puis refroidissement jusqu’à température ambiante de systèmes alumino-formeurs. Quelques résultats intéressants ont cependant été publiés ces dernières années, mettant en évidence le rôle de l’eau sur la durée de vie des systèmes étudiés. L’objectif du présent chapitre sera donc de préciser le mode d’action de l’eau sous ses formes liquide et vapeur. Ces différents états sont en effet susceptibles d’intervenir lors de l’utilisation des turbines aéronautiques dans des conditions réelles, les moteurs connaissant successivement des phases de fonctionnement et d’arrêt. Dans le dernier cas, on peut effectivement observer la présence d’eau liquide, résultant de la liquéfaction de la vapeur d’eau présente dans la chambre de combustion (produite par la réaction oxygène-kérosène), ou provenant de l’environnement : pluies, éclaboussures en mode aérofrein …

Table des matières

A. ETAT DE L’ART ... 123

A.1 EFFET DE L’EAU SUR LES SUPERALLIAGES ET COUCHES DE LIAISON ... 123

A.1.1 Mise en évidence du phénomène ... 123 A.1.2 Importance du taux de soufre initial ... 124 A.1.3 Quantification de l’écaillage retardé (ou « delayed spallation ») ... 125

A.2 INFLUENCE DE L’EAU SUR LES SYSTEMES BARRIERE THERMIQUE COMPLETS A TEMPERATURE AMBIANTE ... 126

A.2.1 Observation du phénomène ... 127 A.2.2 Seuil critique d’observation de l’écaillage retardé ... 129

A.3 INFLUENCE DU TEMPS D’EXPOSITION ET DU TAUX D’HUMIDITE ... 130 A.4 MOTIVATIONS DE L’ETUDE ... 132

B. OXYDATION DE SYSTEMES ALUMINO-FORMEURS SOUS ATMOSPHERE SECHE ... 133

B.1 DEMARCHE EXPERIMENTALE ... 133

B.1.1 Oxydation à 1100°C pour différentes fréquences de cyclage thermique... 133

B.1.2 Détermination des épaisseurs des couches d’oxydes ... 135 B.1.3 Vieillissement des systèmes à température ambiante ... 136

B.2 OXYDATION CYCLIQUE SOUS AIR LABORATOIRE ... 138

B.2.1 Aluminures de nickel ... 138 B.2.2 Système barrière thermique élaboré à partir de microparticules d’Al ... 140 C. CORROSION ATMOSPHERIQUE HUMIDE ... 141

C.1 INFLUENCE D’UNE GOUTTE D’EAU (ANGLE DE CONTACT) ... 141 C.2 CINETIQUE D’ECAILLAGE ... 144

C.2.1 Influence de l’atmosphère de vieillissement ... 145 C.2.2 Influence de la durée d’oxydation ... 146

C.3 CARACTERISATION MICROSTRUCTURALE ... 150

C.3.1 500h d’oxydation ... 150 C.3.2 1000h d’oxydation ... 155 D. RESUME ET CONCLUSION INTERMEDIAIRE ... 162 E. REFERENCES ... 165

Chapitre IV – Corrosion atmosphérique de revêtements alumino-formeurs oxydés à haute température

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A. Etat de l’art

A.1 Effet de l’eau sur les superalliages et couches de liaison

A.1.1 Mise en évidence du phénomène

Lors d’un cyclage thermique, les systèmes comportant un revêtement alumino-formeur et une barrière thermique sont, d’une part, le siège de contraintes liées à la croissance des oxydes (palier isotherme) et, d’autre part, de contraintes thermiques (montées et descentes en température) dues à la différence des coefficients d’expansion thermique des différents éléments constitutifs (superalliage, revêtement de diffusion, couche d’oxyde de liaison, barrière thermique) [1]. Lors du refroidissement brutal des échantillons, le revêtement de diffusion et le superalliage se contractent plus que l’oxyde formé en surface, qui se retrouve alors en compression [1, 2].

A partir d’une durée critique d’oxydation, ces effets thermomécaniques peuvent provoquer la mise à nu de la couche de diffusion par un écaillage plus ou moins important de la couche d’oxyde, avec pour corollaire un endommagement de la barrière thermique [3]. Si on considère, par exemple, le cas d’une couche d’alumine en croissance à 1100°C sur un revêtement d’aluminure de nickel conventionnel, la contrainte thermique dans l’oxyde est maximale (σth = -1,8 GPa) lorsque la température est revenue à l’ambiante (équation <4.1>) :

ߪ௧௛ಲ೗మೀయషଵିఔ ಿ೔ಲ೗

ಲ೗మೀయ Ǥ

D

ܶǤ ܧ஺௟ <4.1> Avec :

ߙ஺௟ = 10.10-6 K-1 : coefficient d’expansion thermique de α-Al2O3 à 1100°C ߙே௜஺௟ = 13,2.10-6 K-1 : coefficient d’expansion thermique de α-Al2O3 à 1100°C

ܧ஺௟≈ 390 GPa : module d’Young de α-Al2O3

ߥ஺௟= 0,24 : coefficient de Poisson de α-Al2O3

Dܶ = T – Tamb = 1100 – 20°C = 1080°C : amplitude thermique subie pendant le refroidissement à l’air Cependant, il a souvent été observé que la « ruine » des systèmes alumino-formeurs n’intervenait pas directement après le cyclage thermique, une fois les échantillons revenus à température ambiante (DCTE maximale), mais se produisait après une période « d’incubation » de durée variable (minutes, heures, jours). Ainsi, Sigler a reporté, pour la première fois, l’influence de l’humidité de l’air ambiant sur l’augmentation de l’écaillage de couches d’alumine formées à haute température sur des alliages FeCrAl, après 24h sous atmosphère N2 + CO2 + H2O [4]. Une autre étude a montré que l’humidité exerçait une influence sur le taux d’écaillage des couches d’oxydes après tests de pliage, dans le cas de superalliages à base nickel à forte teneur en soufre [5]. Par ailleurs, il a été observé que le dépôt, après oxydation, d’une goutte d’eau à la surface de systèmes alumino-formeurs pouvait provoquer un écaillage massif des couches d’alumine [6].

Enfin, Tolpygo et Clarke ont relevé que la relaxation des contraintes dans les couches d’oxydes s’étendait sur plusieurs jours et ont relié ce phénomène à l’humidité ambiante [7, 8]. Ces études semblent donc montrer que la présence d’eau (état liquide, humidité relative) comme les conditions physico-chimiques à l’interface oxyde-métal, en particulier la ségrégation de soufre, jouent un rôle essentiel sur la tenue mécanique des couches d’oxyde thermique développées sur les substrats métalliques (revêtement ou superalliage).

A.1.2 Importance du taux de soufre initial

Smialek et Morscher sont les premiers à avoir étudié, dans le cas du superalliage René N5 dopé à l’yttrium et recuits sous H2, l’influence du taux de soufre, en réalisant des oxydations de différentes durées puis en immergeant les échantillons oxydés dans l’eau [9]. Comme dans le cas de l’oxydation à haute température sous vapeur d’eau [10], la résistance des couches à l’écaillage en présence d’eau et à température ambiante semble dépendre de la cohésion de l’interface métal/oxyde. En effet, l’humidité n’aurait que très peu d’effet sur le comportement des couches formées sur des superalliages désulfurés et dopés à l’yttrium, contrairement aux systèmes présentant une plus forte concentration de soufre à l’interface. Cet élément est supposé provoquer l’allongement et l’affaiblissement des liaisons Al-O [11], ce qui faciliterait la pénétration des molécules d’eau dans les régions contaminées par le soufre, entraînant la formation de liaisons faibles Al-OH, réduisant la cohésion et favorisant ainsi l’écaillage des couches d’oxydes [9].

L’effet du soufre a été étudié en détail sur un superalliage PWA 1480 soumis à une oxydation cyclique à 1100°C pendant différents temps (fig. 1) [12]. Différents traitements thermiques de recuit sous hydrogène avaient permis de désulfurer à des degrés divers le matériau (la désulfuration est caractérisée par le rapport 4Ds.t/x2, avec Ds le coefficient de diffusion du soufre à une température donnée, t le temps et x l’épaisseur de l’échantillon).

Figure 1 : Effet du taux de soufre sur l’écaillage des couches d’oxydes en relation avec l’humidité ambiante, après oxydation cyclique à 1100°C d’un alliage PWA 1480 pour différents temps d’oxydation [12].

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En dessous d’un seuil critique évalué à 0,4 ppm (correspondant à une monocouche de soufre ségrégé), aucun écaillage retardé (« delayed spallation ») n’a pu être observé, quel que soit le temps d’oxydation. En revanche, lorsque le taux de soufre augmente et que les couches d’oxydes atteignent de plus grandes épaisseurs, des écaillages importants se produisent [12].

Les observations micrographiques réalisées confirment l’effet de l’immersion dans l’eau sur le comportement des couches d’oxyde formées sur le superalliage, en relation avec la teneur en soufre (fig. 2). Une grande partie de la couche d’oxyde est en effet écaillée pour le superalliage contenant 1,2 ppm de soufre alors qu’aucun écaillage ne se produit si [S] £ 0,01 ppm.

Figure 2 : Macrographie avant (en haut) et après (en bas) immersion dans de l’eau liquide, montrant l’augmentation de l’écaillage des couches d’oxyde formées sur un superalliage PWA 1484 brut (à gauche) et désulfuré (à droite), après

800 cycles à 1100°C sous air sec [12].

A.1.3 Quantification de l’écaillage retardé (ou « delayed spallation »)

Comme on l’a vu précédemment, laisser un matériau oxydé au contact de l’humidité ambiante ou dans l’eau peut provoquer la délamination progressive de la couche d’alumine formée [9, 11]. Smialek [13] a alors proposé une méthode originale destinée à quantifier l’influence de l’humidité ambiante sur l’écaillage des couches d’alumine développées sur un revêtement Ni(Pt)Al. Il a comparé les résultats obtenus pour une oxydation cyclique classique (1h à 1150°C, 20 min à température ambiante) à ceux d’une oxydation incluant, après le palier haute température de chacun des cycles, un maintien de 24h à l’air ambiant du laboratoire. Les courbes données (fig. 3) démarrent à 750 cycles, moment à partir duquel les couches s’écaillent spontanément. Dans le cas du cyclage « classique » (fig. 3.a), l’écaillage des couches reste négligeable.

En revanche, lorsque les échantillons sont laissés 24h à l’air ambiant après chaque période à chaud (fig. 3.b), on observe un taux d’écaillage constant pour l’échantillon non désulfuré (1150-2), phénomène non observé sur l’échantillon désulfuré (1150-4). Après 2000 cycles, une immersion dans l’eau liquide provoque pour les deux types de cyclage un écaillage supplémentaire.

Figure 3 : Ecaillage retardé cumulé lors de l’oxydation cyclique (1h/1150°C et 20min/Tamb) d’un revêtement Ni(Pt)Al brut (1150-2) et désulfuré (1150-4) : a) Sans période de vieillissement ; b) Après un vieillissement de 24h à l’air humide

du laboratoire [13].

Cette expérience a permis de montrer que les résultats d’un cyclage thermique peuvent varier selon le protocole expérimental mis en œuvre : la température atteinte pour chaque période « froide » d’un cycle conditionne en effet le taux d’humidité « vu » par les échantillons, la durée de cette période où les échantillons sont dans les conditions ambiantes peut conduire à une augmentation du taux d’écaillage des couches et donc à des pertes de masse plus importantes. Une attention particulière sera donc portée à cette problématique dans le paragraphe A.3 (« influence du temps d’exposition et du taux d’humidité »).

A.2 Influence de l’eau sur les systèmes barrière thermique