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haute température sous vapeur d’eau de revêtements alumino-formeurs

A. Etat de l’art sur l’oxydation sous vapeur d’eau à haute température

A.2 Cinétiques d’oxydation et dégradation des couches d’oxyde

A.2.1 Généralités

A haute température, l’existence dans une atmosphère gazeuse de plus d’une espèce oxydante apparaît susceptible d’induire une modification des cinétiques d’oxydation des matériaux. La présence de vapeur d’eau, en plus du dioxygène, semble ainsi exercer une influence sur le comportement en oxydation des métaux et céramiques [6-9]. Dans le cas des alliages et revêtements « alumino-formeurs », les différentes études menées aboutissent, en ce qui concerne l’effet de la vapeur d’eau, à des conclusions contradictoires [1]. Cette disparité des résultats est à mettre en relation avec les paramètres suivants :

- le régime d’oxydation (isotherme ou cyclique),

- la composition du substrat (teneur en soufre, dopage par éléments réactifs RE …) et/ou du revêtement (activité en Al de la couche de liaison, enrichissement en Pt et/ou RE…), - la composition de l’atmosphère (influence du taux de vapeur d’eau, montage utilisé …). Les résultats des études comparant le comportement en oxydation, sous atmosphère sèche ou humide, d’alliages de nickel revêtus ou non sont reportés dans le tableau 1.

On peut noter que, la vapeur d’eau sembler exercer sur les cinétiques d’oxydation une influence plus marquée en régime cyclique qu’en régime isotherme. Or, les conditions cycliques sont celles qui se rapprochent le plus de celles observées en conditions de service. Il est également important de souligner que l’effet de H2O varie en fonction du type de superalliage ou de revêtement étudié. En effet, un système dont le comportement en oxydation sèche est satisfaisant ne sera que peu ou pas affecté par la présence supplémentaire de vapeur d’eau, tandis que ce gaz accentuera la dégradation d’un système déjà peu résistant en conditions sèches [10].

Les effets induits par la vapeur d’eau et communément admis par la communauté scientifique sont : - la modification des cinétiques d’oxydation (objet de ce chapitre),

- le changement de morphologie des couches d’oxyde lié à la croissance d’alumines de transition (formation de « whiskers ») lors des premiers instants de l’oxydation [8, 10-23]. (objet de ce chapitre),

- un écaillage accru des couches d’oxyde, en relation avec une moindre cohésion à l’interface métal/oxyde [10, 22, 24-27]. (cf. chapitres 4 et 5),

- une dégradation des systèmes par un mécanisme proche de la corrosion sous contrainte (« Stress Corrosion Cracking ») [10, 28, 29]. (cf. chapitre 6).

Chapitre III – Oxydation isotherme à haute température sous H2O(g) de revêtements alumino-formeurs

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Tableau 1 : Résumé des études d’oxydation à haute température sous vapeur d’eau réalisées sur des systèmes alumino-formeurs à base nickel.

Substrat Revêtement Conditions Température Atmosphère Observations Ref.

Nimonic 75 NiCoCrAlY Isotherme 1080°C 1100°C

Mélange H2/H2O sous faible p(O2)

Cinétiques d’oxydation supérieures sous H2/H2O, diminués lorsque le taux

de Cr augmente. [11] Ni-22Cr-33Fe- 1,5W-0,7Si-0,8Ti, Ni-28Cr-6Al-0,4Y

NiCrAlY, NiCrAlY + YSZ Isotherme 1050°C O2 + 5 vol.% H2O

Cinétique linéaire sous O2 + 5% vol. H2O et parabolique sous O2. Formation de α-Al2O3, NiCr2O4, Cr2O3, NiO sous air

+ vapeur d’eau.

[30, 31]

IN 100 NiPdAl Isotherme 900-950°C Air laboratoire / Air sec

La faible teneur en H2O(g) de l’air laboratoire influence la microstructure,

favorisant la formation d’alumines de transition (aiguilles) et l’écaillage.

[23]

NiAl massif Isotherme 950°C O2 + 15 vol.% H2O

La vapeur d’eau accélère la transformation θ-α lors des premiers

instants de la réaction. θ -Al2O3 plus stable sous O2 sec.

[12]

K403 CoCrAlY + YSZ Isotherme 1100°C O2 + 15 vol.% H2O

La couche d’oxyde en croissance comporte de l’ α-Al2O3 et du spinelle (Ni,Co)(Cr,Al)2O4 sous vapeur d’eau et uniquement α-Al2O3 sous O2 sec.

[32]

NiAl, NiAlHfx massifs Isotherme et

Cyclique 1100°C

Ar+20 vol.% O2 Ar+ 15 vol.% H2O + Ar + 17%O2 + 15

vol.% H2O

La vapeur d’eau produit des porosités à l’interface oxyde/substrat et accélère

l’écaillage si aucun dopage Hf. Une pré-oxydation annihile l’effet de

H2O(g).

[13]

René N5, PWA 1484,

Ni-8Cr-6Al

Néant, NiAl, NiPtAl Isotherme et

cyclique 1100°C

Air + 10 vol.% H2O Air + 50 vol.% H2O

La vapeur d’eau diminue la cohésion de l’interface α-Al2O3/superalliage. Augmentation de l’écaillage sous vapeur d’eau lorsque la cohésion de

l’interface est faible sous air sec.

[10]

PWA 1484, CM 186, MarM 247, René N5

Néant Cyclique 700 – 1100°C Air + 10 vol.% H2O Air + 30 vol.% H2O

La vapeur d’eau provoque une phase transitoire d’oxydation plus longue

avant l’établissement de α-Al2O3. Fragilisation de l’interface α-Al2O3/superalliage, due à la dissociation

de H2O en ions OH- et H+ ?

[22]

PWA 1480,

1484, CMSX4 Néant, NiAl Cyclique 1100°C Air + 10 vol.% H2O

Effet de la vapeur d’eau dépendant du superalliage. Ecaillage des couches

d’oxyde à l’interface α Al2O3/superalliage

[24]

René N5, René 142

NiAl (massif), NiPtAl, NiAl + xHf et xY,

NiCrAlYHf

Cyclique 1100°C Air + 10 vol.% H2O Air + 50 vol.% H2O

Peu d’effet de H2O (g) pour les aluminiures dopés au Hf et Y. Effet d’écaillage prononcé pour les systèmes

alumino-formeurs non dopés qui augmente avec le % vol. H2O (g).

[26]

Massifs NixAlyPtzIraHfb (g/g’) Cyclique 1200°C Air + 12 vol.% H2O

Ecaillage des couches d’oxyde important et déplétion d’Al rapide. Pt

réduit légèrement l’écaillage. Hf améliore la résistance à l’écaillage sous atmosphère humide si la quantité

de Pt est suffisante.

[25]

René N5 β(Ni,Pt)Al ou g/g’

NiPtAl + YSZ Cyclique 1150°C

Air + 10 vol.% H2O Air + 90 vol. % H2O

Diminution de la durée de vie de β(Ni,Pt)Al + YSZ sous air + 10% vol. H2O

mais durée de vie similaire à l’air sec sous air + 90% vol. H2O.

[33]

CMSX4 MCrAlY (HfSi) + YSZ Cyclique 1100°C O2 + 10 vol.% H2O O2 + 50 vol.% H2O

L’introduction de la vapeur d’eau (10 ou 50 % vol. H2O) diminue de 20% la

durée de vie des systèmes BT.

[34]

MarM247 CVD et barbotine NiAl Cyclique 950°C

Air + 10 vol.% H2O NiAl par CVD plus protecteurs que les systèmes élaborés par barbotine [27]

René N5 Pt (g/g’), β NiPtAl + YSZ Cyclique 1150°C

Air + 10 vol.% H2O Air + 50 vol.% H2O Air + 90 vol.% H2O

Peu d’effet de l’augmentation du taux de % vol. H2O de 10 à 90. Peu de différences morphologiques dans l’alumine avec ou sans vapeur d’eau.

A.2.2 Comportement lors des premiers instants de l’oxydation (régime isotherme)

a) Aluminures bruts

La protection des superalliages contre l’oxydation à haute température est assurée par le développement d’une phase protectrice (dense et continue) d’alumine α en surface de l’aluminure (revêtement riche en aluminium). En début de réaction se développent, pendant une durée qui dépend de la température, des alumines de transition telles que γ-Al2O3, d-Al2O3 et q-Al2O3 [36, 37]. La croissance de ces alumines métastables résulte d’une diffusion externe rapide des cations Al3+, avec pour corollaire le développement à l’interface métal/oxyde de pores issus de la coalescence des lacunes métalliques [38]. Par la suite, la transformation de ces phases de transition en alumine a s’accompagne de contractions volumiques induisant l’apparition de contraintes dans l’oxyde [39]. Ces dernières, lorsqu’elles atteignent une valeur critique, conduisent à l’apparition de fissures [40] et à la décohésion des couches d’oxyde, réduisant ainsi la résistance à l’oxydation.

L’ajout d’éléments réactifs (Y, Zr, La, Hf) dans le métal (enrichi ou non en Al) a permis de limiter la formation de ces pores grâce à un changement du mécanisme de croissance des couches d’oxyde, passant d’un régime majoritaire de diffusion externe des cations Al3+ à une diffusion interne des anions O2- ou à un régime mixte [41]. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène, en particulier celle de la ségrégation des éléments réactifs aux joints de grains limitant la diffusion externe de l’aluminium (« Reactive Element Effect ») [42]. Ces éléments sont aussi susceptibles de ralentir [43-46] ou d’accélérer [47-51] les transformations de phase des alumines métastables, de nombreux désaccords subsistant, selon les systèmes oxydés, sur ce point.

Une atmosphère chargée en vapeur d’eau peut également modifier les cinétiques de ces transformations. Un tel effet a été observé avec différents types de substrats métalliques [8, 10-21, 52]. Cependant, une fois de plus, l’influence de la vapeur d’eau sur l’accélération ou le retardement de la transformation des alumines de transition en α-Al2O3 est sujette à controverses.

Une étude a récemment été menée, par spectroscopie de photoluminescence (fig. 2), sur les cinétiques de transformation de phases d’alumine sous atmosphère humide (O2 + 15% H2O) [12]. La présence de vapeur d’eau promeut effectivement, lors de l’oxydation isotherme à 950°C de NiAl, la transformation de la phase q-Al2O3 en α-Al2O3. Les analyses n’ont toutefois été effectuées que sur une seule zone de la surface, non nécessairement représentative.

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Figure 2 : Spectre de photoluminescence de l’extrême surface des couches d’oxydes formées lors de l’oxydation d’un massif NiAl à 950°C sous deux atmosphères : (a) O2 + 15% H2O ; (b) O2 [12].

L’observation (fractographie) des couches d’oxyde montre la présence d’aiguilles (« whiskers ») et d’épées (« blades ») dans le cas de l’oxydation humide (fig. 3.a). Ce type de morphologie correspond à la formation de la phase q-Al2O3 (croissance externe) [43, 53, 54]. En revanche, le même système donne, lorsqu’il est oxydé sous atmosphère sèche, une morphologie de type cellulaire densifiée, caractéristique de la phase α-Al2O3 (fig. 3.b).

Les mêmes auteurs [13] ont récemment obtenu des résultats contradictoires, toujours dans le cas de NiAl mais oxydé à 1100°C sous atmosphères Ar/O2, Ar/O2/H2O et Ar/H2O. La stabilisation de l’alumine sous sa forme a est en effet retardée lorsque l’atmosphère s’enrichit en vapeur d’eau.

Figure 3 : Fracture des couches d’oxydes développées sur des massifs NiAl après 16h d’oxydation à 950°C : (a) O2 + 15% H2O ; (b) O2 [12].

En résumé, les résultats donnés dans la littérature dépendent fortement des systèmes étudiés et des conditions expérimentales mais aussi des dispositifs mis en œuvre pour introduire la vapeur d’eau dans l’atmosphère d’oxydation (type de montage vapeur d’eau, % volumique ajouté). Il s’avère donc difficile d’utiliser comme référence les résultats des études précédemment citées.

Par ailleurs, si de nombreuses études ont porté sur le comportement de systèmes métalliques lors des premiers instants de l’oxydation sous atmosphère humide, le cas des systèmes « alumino-formeurs » déjà recouverts d’une couche d’alumine n’a jusqu’alors pas été considéré, même si les

performances des systèmes barrières thermiques reposent en réalité sur la stabilité de cette couche qui sert de liaison entre la barrière thermique et le substrat.

b) Effet d’une pré-oxydation

La pré-oxydation d’un métal ou d’un alliage peut s’avérer bénéfique pour son comportement ultérieur en conditions d’oxydation à haute température. Différents auteurs ont en effet cherché à démontrer l’intérêt d’un tel traitement d’oxydation préalable au placement des systèmes dans un environnement agressif. Dans le cas des matériaux alumino-formeurs, l’étape de pré-oxydation conduit au développement d’une couche d’alumine protectrice contre la corrosion de type II [55], la carburation [56] et le métal « dusting » [57], ou encore l’érosion [58]. Une étape de pré-oxydation a, par exemple, permis d’augmenter la durée de vie d’un système NiCoCrAlY + YSZ [59] alors que de faibles cinétiques d’oxydation ont été obtenues pour un aluminure modifié platine pré-oxydé avant le dépôt de la barrière thermique en zircone yttriée [60].

Dans la mesure où une étape de pré-oxydation est généralement réalisée sous atmosphère sèche (air, argon, vide) pour la plupart des systèmes barrières thermiques [32], il semble intéressant de déterminer l’effet éventuel de la vapeur d’eau sur la TGO ainsi formée, d’autant plus que la porosité des barrières thermiques, destinée à diminuer leur conductivité thermique, peut favoriser la pénétration de la vapeur d’eau jusqu’à l’interface BT/TGO (via les porosités ouvertes).

Saunders et al. [1] ont suggéré que la présence à la surface du substrat d’une couche adhérente et continue de α-Al2O3 pourrait limiter l’influence de la vapeur d’eau. Une étude très récente (2013), portant sur un substrat NiAl dopé ou non par Hf [13], a montré que les couches d’oxydes se comportaient de manière similaire en présence d’une atmosphère comportant ou non de la vapeur d’eau. D’autres études portant sur des systèmes barrière thermique complets ont été réalisées, sans pour autant s’intéresser aux premiers instants de l’oxydation et à la stabilité des alumines.

A.3 Objectifs du chapitre 3

Ce chapitre s’intéresse, dans une première partie, à l’influence de la vapeur d’eau lors des premiers instants (10h) de l’oxydation isotherme à haute température de différents revêtements « alumino-formeurs » élaborés par procédé APV (basse activité), sur substrat modèle nickel puis sur superalliage base nickel CM247. La première étape a consisté en l’étude des cinétiques de croissance des couches d’oxydes et en la caractérisation des oxydes développés en surface des aluminures de nickel (phases, morphologie). Ces systèmes ont ensuite été pré-oxydés sous atmosphère sèche afin de favoriser le développement, en surface des aluminures, d’une couche d’alumine α de faible épaisseur. L’effet de la vapeur d’eau sur ces systèmes a alors été testé. Les résultats ont été discutés sur la base d’analyses combinées MEB/EDS et micro-spectrométrie Raman locale.

La seconde partie de ce chapitre a été consacrée au comportement sous atmosphère humide de deux nouveaux revêtements récemment développés au laboratoire LaSIE. Le premier système, de type « barrière thermique » [61], a été élaboré à partir d’une barbotine contenant des particules d’aluminium. Pour le second, un film superficiel de cérine a été déposé par voie électrochimique [62]. Dans les deux cas, la barrière thermique est constituée d’une céramique très poreuse (Al2O3 et

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CeO2 respectivement) qui autorise un accès facile de la vapeur d’eau à la surface de la couche d’alumine interfaciale préalablement formée (TGO).

Remarque : on fera dans ce chapitre abstraction de l’effet du soufre, considéré comme négligeable en régime isotherme. Celui-ci sera abordé plus tard, pour le régime cyclique.

B. Oxydation isotherme de systèmes alumino-formeurs pré-oxydés ou