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C. Dégradation des matériaux à haute température

C.2.3 Dégradations de la couche d’oxyde

a) Contraintes thermiques

Au cours de leur vie, les aubes de turbines sont soumises à des variations de température dues aux changements de régime moteur (décollage, croisière, atterrissage, etc.).

Afin de se rapprocher, à l’échelle du laboratoire, des conditions réelles de vol, des cycles thermiques simplifiés sont appliqués, caractérisés par une montée rapide en température, un maintien à température élevée en conditions d’oxydation, puis un retour rapide à température ambiante. La figure 15, donnée à titre d’exemple, permet de comparer un cycle réel avec celui appliqué au laboratoire.

Chapitre I – Généralités sur l’oxydation à haute température

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Figure 15 : cyclage thermique - comparaison cycle réel et cycle laboratoire (d’après [13]).

En raison de la différence des coefficients d’expansion thermique entre les différentes couches [106], l’application d’un cyclage thermique s’avère très agressif pour les systèmes barrière thermique, dont la performance repose essentiellement sur l’intégrité mécanique de l’oxyde thermique interfacial. En effet, lors d’un refroidissement brutal, le revêtement de diffusion se contracte plus que l’oxyde formé à sa surface, qui est alors en compression et doit supporter des contraintes comprises entre 3,5 et 6 GPa [107]. De même, la différence entre les coefficients de dilatation thermique du substrat et de NiAl peut générer des contraintes supplémentaires [106, 108].

La croissance des oxydes génère elle-même des contraintes mécaniques plus faibles, principalement dues à la différence de volume entre l’oxyde et le métal, qui peuvent être évaluées à l’aide du rapport de Pilling et Bedworth. Quand celui-ci est supérieur à 1, comme c’est le cas pour la formation d’alumine sur NiAl (1,77), sur Ni3Al (1,87), et de NiO sur Ni (1,94), la croissance des oxydes génère des contraintes de compression pouvant atteindre 200 MPa [108]. La contrainte globale peut, lorsqu’elle dépasse une certaine valeur critique, être accommodée par différents mécanismes de relaxation comme la fissuration, le cloquage, l’écaillage ou encore par déformation plastique de la couche d’oxyde (rumpling) [24]. Ces différents phénomènes conduisent à la perte provisoire ou définitive du caractère protecteur de la couche d’oxyde.

Selon la fréquence de cycle appliquée, la valeur des contraintes cumulées peut varier et donc influencer les mécanismes d’écaillage des couches d’oxydes et d’inter-diffusion. Ce paramètre sera étudié dans le chapitre 4.

b) Cavités

Lors de l’oxydation des systèmes barrière thermique, des cavités finissent par être observées à l’interface métal/oxyde. L’apparition de ces cavités résulte des différences de vitesse de diffusion des éléments Al et Ni au sein du superalliage, qui conduisent à la formation de lacunes (effet Kirkendall [109]), celles-ci finissant par coalescer [104].

La croissance rapide des alumines de transition par diffusion cationique externe engendre le développement de cavités, de même que les contraintes de croissance dans la couche d’oxyde [110]. Cette association manque de matière/contraintes peut alors provoquer l’écaillage des couches d’oxyde.

c) Soufre

Le soufre est un élément introduit involontairement dans le substrat lors des étapes de mise en forme et d’aluminisation du superalliage. Sa présence, même en faible quantité (quelques dixièmes de ppm), est suffisante pour abaisser la résistance à l’oxydation des systèmes barrière thermique. Le soufre, élément de petite taille, diffuse en effet très rapidement lors de l’oxydation à haute température [111] et sa remontée du cœur du superalliage vers l’interface métal/oxyde va conduire à une diminution de l’adhérence des couches d’oxydes et favoriser leur décollement [87, 112]. Sa ségrégation à l’interface métal/oxyde est en effet susceptible de diminuer la résistance interfaciale. De plus, sa présence au niveau des cavités accélérerait leur développement [110].

A noter que des traitements de désulfuration du superalliage peuvent être réalisés à l’aide de traitements thermiques appropriés en présence de H2 [113]. En revanche, l’étape d’aluminisation provoque une augmentation de la teneur en soufre pouvant atteindre 200 ppm [114]. Du soufre peut également être introduit lors des étapes de platinisation et de sablage [115]. L’addition de Pt et/ou d’éléments réactifs permet de contrebalancer en partie les effets néfastes du soufre [116].

La présence de soufre semble donc jouer un rôle particulièrement important lors de l’oxydation sous vapeur d’eau et son effet sera détaillé dans le chapitre 6.

d) Effet de la composition

Le comportement en oxydation dépend très fortement de la composition du superalliage [36, 89] et pas seulement de la teneur en soufre. En effet, le titane, élément qui diffuse rapidement vers la surface, peut provoquer la formation de TiO2 (rutile), oxyde non protecteur et à croissance rapide. De plus, la ségrégation du titane favorise l’écaillage en particulier sous conditions de cyclage thermique [89]. Cet effet est d’autant plus prononcé que sa concentration est grande [117]. L’ajout de tantale permet de piéger le titane sous forme de carbures (Ta,Ti)C mais le mélange Ti, Ta peut aussi former des oxydes mixtes non protecteurs en surface [118].

L’addition en faible quantité et sous différentes formes d’éléments réactifs (Hf, Zr, Ce ...) permet d’améliorer les performances en oxydation, leur affinité pour l’oxygène étant plus élevée que celle de l’aluminium [119]. Ces éléments favorisent l’oxydation sélective de Al et modifient le mode de croissance des couches d’oxyde, conduisant à une amélioration de l’adhérence et de la plasticité des couches d’oxydes, liée à différents facteurs (diminution de la taille des grains, suppression des cavités à l’interface métal/oxyde, piégeage du soufre, ancrage mécanique à l’interface…) [119, 120].

Chapitre I – Généralités sur l’oxydation à haute température

Page 29 C.2.4 Interdiffusion

La différence de composition chimique entre la sous-couche β-NiAl et le substrat g-Ni/g’-Ni3Al induit, à température suffisamment élevée, des phénomènes d’inter-diffusion. En effet, en raison des gradients de concentration, le nickel et les autres éléments du substrat vont diffuser vers la sous-couche de NiAl tandis que l’Al va diffuser de la sous-sous-couche NiAl vers le substrat (fig. 16). Par ailleurs, la formation et le maintien de l’oxyde thermique Al2O3 à la surface du substrat métallique vont également contribuer à la consommation de l’aluminium de la sous-couche NiAl. L’appauvrissement en Al en résultant va se traduire par des changements de phase correspondant au diagramme binaire Ni-Al [27].

Ainsi, au cours du maintien en température, la phase NiAl évolue progressivement, en particulier au niveau des joints de grains, vers g’-Ni3Al [121], lorsque la teneur en Al devient inférieure à 25 at. % [103]. Ces changements de phase s’accompagnent de variations volumiques générant des contraintes internes et l’apparition de fissures [122]. Une des conséquences du phénomène d’inter-diffusion est donc la perte progressive de la capacité de résistance à l’oxydation du matériau par diminution de la teneur en aluminium du réservoir que constitue la sous-couche. Des oxydes moins ou non protecteurs (NiAl2O4, NiO) peuvent alors se former en lieu et place de l’alumine.

Figure 16 : schéma représentant les phénomènes d'inter-diffusion intervenant dans un système revêtement de diffusion/substrat.

Une zone de réaction secondaire (SRZ) se développe entre le revêtement NiAl et le substrat à haute température au-delà de la zone d’inter-diffusion. En effet, l’enrichissement en Al du substrat provoque l’apparition de précipités non solubles dans cette phase g’-Ni3Al enrichie en Al. Ces précipités appelés « TCP » (Topologically Closed Package) fragilisent l’ensemble substrat/revêtement en diminuant ses propriétés mécaniques à chaud [123].

Les revêtements d’aluminure de nickel présentant une taille de grains faible sont connus pour se dégrader plus rapidement, lors de l’oxydation à haute température, que les revêtements dont les grains sont plus gros [40, 124]. En effet, la diffusion de l’aluminium est d’autant plus importante que le nombre de joints de grains est élevé. De plus, la présence de précipités de métaux lourds dans la zone additive (revêtement « haute activité ») modifie les phénomènes d’inter-diffusion et provoque la remontée de ces éléments dans la couche d’oxyde en croissance.

L’influence de la composition et de la microstructure (taille des grains, présence de précipités) sur le comportement de différents revêtements de diffusion NiAl en oxydation avec ou sans eau sera étudiée dans les chapitres 4 et 5.

D. Introduction à l’oxydation aux hautes températures en présence de