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L’ouverture du compte capital en Tunisie

Chapitre 2: Compte capital, qualité institutionnelle et croissance économique dans les

I. Le développement du secteur financier et l'Intégration financière en Tunisie

I.4. L’ouverture du compte capital en Tunisie

Les autorités tunisiennes ont élaboré un plan en trois phases pour libéraliser le compte capital. La première phase consiste tout d'abord à supprimer la majorité des restrictions sur les flux d’investissements directs étrangers (IDE) entrants ; puis à accorder une autorisation limitée aux non résidents pour entreprendre des investissements dans des titres publics, en monnaie locale, et dans des placements privés, particulièrement dans les sociétés cotées et les institutions non financières ; et enfin, à libéraliser totalement les emprunts extérieurs pour les institutions financières et assouplir les exigences de ces emprunts pour les institutions non financières. La deuxième phase implique : (i) la libéralisation des flux d'IDE sortants, (ii) la possibilité aux investisseurs institutionnels d’effectuer des placements à l’étranger, et (iii) l'abolition des obstacles à l’entrée d'investissements de portefeuille, c’est-à-dire que les non résidents peuvent acquérir librement des titres de créance sur le marché tunisien. La troisième phase de réformes repose sur la notion de « la convertibilité totale de la monnaie». Cela implique la libéralisation complète de toutes les formes de mouvement de capitaux entre résidents et non résidents. Dans ce cadre, l'expérience des dernières décennies a montré que les régimes conventionnels de taux de change fixes n’étaient pas adaptés à une politique de libéralisation du compte capital. En effet, le libre flottement de la monnaie permet une plus grande capacité de répondre aux chocs exogènes, surtout en ce qui concerne les mouvements des flux de capitaux privés à court terme. Néanmoins, certaines fluctuations du taux de change nominal peuvent entraîner des risques économiques80.

Seulement la première phase de réformes est quasiment accomplie. En effet, avant les années 1990, les autorités monétaires exerçaient un contrôle étendu sur les recettes d'exportation et

80

Sole et al (2007) “Financial sector reforms and prospects for financial integration in Maghreb countries” International Monetary Fund (No. 7-125).

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les opérations en compte capital, à l’exception des flux entrants d’IDE, qui étaient autorisés et encouragés dans certains cas. Toutefois, en 1992, la Tunisie a assoupli les dispositions relatives au contrôle de changes sur les transactions courantes c’est-à-dire l'instauration de la convertibilité courante du dinar. Alternativement, les flux entrants des investissements de portefeuille ont été partiellement libéralisés en 1995.

La libéralisation reste limitée dans les années ultérieures, principalement à cause des règles administratives sur les recettes d’exportations et les sorties d’IDE. En effet, les transferts de fonds sont soumis à l'approbation de la Banque Centrale de Tunisie. Uniquement les non résidents ont la possibilité de rapatrier le capital investi –ainsi que le produit net de cet investissement– en monnaie étrangère (cf. tableau 4). Parallèlement, le niveau des flux d'investissements de portefeuille, qui représente un bon indicateur des restrictions subsistantes sur les flux de capitaux, demeure faible en Tunisie. Les entrées nettes de FP n’ont pas dépassé le seuil de 0,2% du PIB entre 2000 et 2014.

Tableau III.4. Les restrictions sur le compte capital en Tunisie

Les transactions

en capital Sujet à des contrôles

Investissements de portefeuille

Il existe des contrôles sur les investissements de portefeuille et les instruments du marché monétaire. Les investisseurs étrangers peuvent avoir, à hauteur de moins de 50%, des participations en portefeuille dans des entreprises tunisiennes cotées ou non cotées en Bourse.

Opérations de crédit

Les crédits des résidents aux non-résidents nécessitent l'approbation de la banque centrale, à l'exception de certains crédits accordés sur le marché monétaire.

Les crédits des non résidents aux résidents sont plafonnés. Par exemple les banques et les entreprises tunisiennes peuvent emprunter annuellement 10 MDT et 3 MDT (Million de Dinar Tunisien), respectivement

Investissements directs étrangers

Les sorties d’investissements directs étrangers sont soumis à l'approbation de la banque centrale. Les étrangers peuvent investir librement dans la plupart des secteurs économiques.

Source: IMF, Annual Report on Exchange Arrangements and Exchange Restrictions et BCT En outre, bien que la Tunisie ait contribué à rendre le taux de change plus flexible, l'instauration de la convertibilité totale du dinar reste loin d'être achevée.

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II. La relation entre la libéralisation du compte capital et le

développement financier : revue de la littérature

Contrairement aux nombreux travaux qui ont traité la relation entre le développement financier et la croissance, la littérature portant sur le lien entre la libéralisation du compte capital et / ou l'ouverture financière et le développement financier est relativement faible. De Gregorio (1999) a examiné la question connexe de savoir si l'intégration croissante des économies reflétait un niveau de développement plus important. Ainsi, il a choisi quatre variables pour mesurer l’intégration financière à savoir :

IAPM (Levine et Zervos, 1996) : cet indicateur est calculé sur la base du modèle «International Arbitrage Pricing Model » ;

ICAPM (Levine and Zervos, 1998): cet indice est fondé sur le modèle « Intenational Capital Asset Pricing Model » ou Modèle d’Evaluation des Actifs Financiers (MEDAF) ; En employant les deux premiers indicateurs, De Gregorio (1999) a voulu mesurer le niveau d’intégration relatif au marché financier. En effet, les marchés sont dits parfaitement intégrés si les actifs ayant le même risque sont rémunérés de la même façon dans tous les pays. En revanche, si les marchés sont strictement segmentés, les actifs détenus par les investisseurs dans deux pays distincts peuvent avoir des rendements différents. L’un des facteurs qui détermine la segmentation des marchés financiers est le contrôle de capitaux.

GFR (Montiel, 1994): cette variable correspond à l’ampleur des flux bruts de capitaux en pourcentage de PIB. La valeur 1 est attribuée pour les pays avec un taux supérieur à 20%, 2 pour des valeurs comprises entre 15 et 20%, 3 pour une fourchette comprise entre 10 et 15%, 4 pour un intervalle compris entre 5 et 10%, et enfin 5 pour les valeurs en dessous de 5% ;

CLAS (Montiel, 1994): cette mesure prend la valeur 3 pour les pays hautement intégrés au niveau international, 2 pour les pays moyennement intégrés, et 1 pour une faible intégration.

Alternativement, l’auteur a utilisé quatre variables pour évaluer le développement financier. Ces variables sont :

CREDIT: le total des ressources financières fournies au secteur privé. Cette variable est un bon indicateur de l'intermédiation faite par le système bancaire.

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MCAP: la capitalisation boursière en pourcentage du PIB. Ainsi, cette mesure indique la taille du marché boursier.

TVT: les actions transigées qui désignent la valeur totale des actions échangées au cours d’une période par rapport au PIB. Cet indicateur montre si la taille du marché est soutenue par les échanges.

VOL: la volatilité qui est mesurée par l'écart-type sur une période de douze mois en utilisant une régression de rendements boursiers.

L’équation utilisée par De Gregorio (1999) s’écrit de la façon suivante :

= + + ℎ

En utilisant la technique de coupes transversales pour un échantillon incluant des pays en développement et industrialisés, l’auteur trouve que les variables mesurant le développement du marché boursier (MCAP et TVT) sont en général corrélées positivement avec les indices d'intégration financière. Parallèlement, ces derniers sont fortement associés à des marchés boursiers moins volatils. Par ailleurs, les indicateurs IAPM, ICAPM et GLAS stimulent positivement le développement du marché bancaire (CREDIT). In fine, De Gregorio (1999) soutient l’hypothèse selon laquelle l'augmentation de l'intégration financière conduit à accroître le développement financier.

De leur côté, Klein et Olivei (2008) ont étudié à la fois le lien entre le développement financier et la croissance économique, ainsi que le lien entre l’ouverture du compte capital et le développement financier. Nous allons nous intéresser à la deuxième relation.

Ainsi, ces chercheurs ont utilisé deux indicateurs de développement financier. Le premier,

LLY « Liquid Liabilities Indicator » est calculé par le rapport entre la masse monétaire M2 et le PIB (M2 /PIB). Cette variable reflète la taille globale de l'intermédiation du secteur financier. De plus, les auteurs ont employé l’indicateur PRIVY qui est mesuré par le rapport entre les crédits attribués au secteur privé et le PIB. Dans ce cadre, le modèle utilisé par les chercheurs se présente de la manière suivante :

= + + + є

Avec FD : indique le développement financier moyen pour le pays i pour la période qui s’étale de 1991 à 1995 et qui est calculé par LLY ou PRIVY, KALIB: indique l’indice de

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pourcentage de Share81 pour mesurer l’ouverture du compte capital, X : représente le vecteur des autres variables explicatives du développement financier comme la variable Trade (commerce) évaluée par le rapport de la somme des exportations et des importations d'un pays au PIB, є : le terme d’erreur.

In fine, Klein et Olivei (2008) trouvent que la libéralisation du compte capital favorise le développement financier. Toutefois, la corrélation identifiée est valable uniquement pour les pays développés dans leur échantillon. En d'autres termes, il n'y a pas de relation détectable entre la libéralisation et le développement pour les pays moins développés.

Par ailleurs, Hausmann et Fernandez-Arias (2000) ont étudié la relation entre le développement financier (mesuré par l’encours de crédit au secteur privé) et le volume des flux de capitaux entrants. Pour ce faire, ils ont pris un échantillon englobant la quasi-totalité des pays, pour la période qui s’étale de 1996 à 1998. En utilisant les coupes transversales et les moindres carrés ordinaires, les auteurs trouvent deux résultats importants. Le premier est que le volume total de capitaux entrants est lié positivement au degré de développement financier, alors que le second souligne l’existence d’une relation négative entre la part des IDE dans les flux entrants et le développement financier. Autrement dit, les investissements directs étrangers se dirigent vers les pays, dont les marchés de capitaux sont souvent les moins développés.

Ben Naceur et al (2008), quant à eux, ont étudié les conséquences de la libéralisation des flux de capitaux sur le développement du système financier. Ces chercheurs ont pris un échantillon de 11 pays de la région MENA sur la période qui s’étale de 1979 à 2005. Leurs résultats montrent que la libéralisation du marché boursier semble avoir un impact négatif immédiat sur le développement du marché boursier, mais cet impact devient positif et significatif sur le long terme.

À leur tour, Baltagi, Demetriades et Hook Law (2009) ont utilisé l’équation suivante:

,

= + γ In

,

+ In

,

+ In

,

+ In

,

+

In

,

× In

,

+

,

81

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Avec FD est un indicateur de développement financier, Y est le revenu par tête, TO est l’ouverture commerciale, FO est l’ouverture financière, et u le terme d’erreur incluant l’effet spécifique pays et l’effet spécifique temporel.

Les facteurs spécifiques pays qui interviennent dans le temps tels que la géographie, le climat, les caractéristiques ethniques, ainsi que tous les facteurs économiques et politiques sont invariables. De plus, les auteurs ont introduit un indicateur de la qualité institutionnelle comme mentionné dans la littérature (Acemoglu et al. 2005; Andrianova et al. 2008). En outre, le terme d’interaction entre l’ouverture commerciale et financière nous renseigne sur l’hypothèse de l’ouverture simultanée. Cette dernière suggère que l'effet marginal de l'ouverture commerciale ne doit pas être positif lorsque le compte capital est relativement fermé. De même, l’effet marginal de l'ouverture financière doit être négatif ou nul lorsque l'économie est fermée au commerce. Ainsi, il y aura toujours des appels à la répression financière pour protéger les entreprises locales et le secteur industriel, ce qui empêcherait le développement financier de décoller (Rajan et Zingales 2003).

Les chercheurs ont exploité la mesure « de facto » de Lane et Milesi-Ferretti (2007) et la mesure « de jure » de Chinn et Ito (2002) pour mesurer le degré d’ouverture du compte capital. De plus, ils ont employé un indice de la libéralisation financière construit par Abiad et Mody (2005), sur une base annuelle pour un échantillon de 34 pays développés et en développement, et pour la période qui s’étale de 1980 à 1996. Cet indice prend une valeur comprise entre 0 et 18, en se basant sur six aspects différents de la libéralisation, à savoir le contrôle de crédit, le contrôle des taux d'intérêts, les barrières à l'entrée, la réglementation, la privatisation et les transactions internationales.

En employant la Méthode des Moments Généralisés « GMM » en panel dynamique, les auteurs trouvent que le commerce et l’ouverture financière ont des effets positifs sur le développement financier (en termes de crédit bancaire et de capitalisation boursière). Egalement, le terme d’interaction entre l’ouverture commerciale et financière stimule négativement le développement financier. Cela s'explique par le fait que le développement du secteur bancaire et boursier exige l’ouverture du compte courant et du compte capital. En outre, les économies qui sont relativement fermées, jouissent davantage de l'ouverture commerciale ou financière.

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III. Libéralisation du compte capital et développement financier en