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Chapitre 2: Compte capital, qualité institutionnelle et croissance économique dans les

III. Libéralisation du compte capital et croissance économique dans la région MENA :

III.1. Méthodologie

III.1.1. Présentation des données

Nous mettons en œuvre des estimations économétriques portant sur un panel de 11 pays de la zone MENA qui sont : l’Algérie, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, l’Egypte, l’Iran, la Jordanie, le Maroc, Oman, le Soudan, la Tunisie et la Turquie ; sur la période qui s’étale de 1986 jusqu’à 2012. Nous avons choisi cette période, et seulement ces onze pays, afin d'avoir une source continue et complète de données63 pour tous les pays, mais aussi pour éviter le problème des valeurs manquantes (missing values). En outre, plusieurs données pour les pays de la région MENA ne sont pas disponibles ou ne sont pas communiquées à partir de 2012.

La variable endogène est le taux de croissance annuelle du PIB réel par habitant. Les variables explicatives englobent les variables de contrôle, les indicateurs de la libéralisation du compte capital et les mesures institutionnelles.

III.1.1.1. Les variables de contrôle

A partir de la revue de la littérature théorique et empirique, nous avons sélectionné six variables de contrôle, agissant sur la croissance économique, qui sont : le taux de scolarisation de l’enseignement primaire qui nous informe sur le stock de capital humain des pays

(EDUC), le taux de croissance de la population qui nous informe sur le taux de fertilité dans les pays (POP), le taux d’investissement par rapport au PIB (INV) qui nous renseigne sur la formation brute de capital fixe de tous les agents économiques [gouvernement, entreprises et ménages], le taux d’inflation (INF) calculé par l’indice des prix à la consommation (IPC), la variable de l'ouverture commerciale (TRADE) qui est mesurée par le ratio des exportations et des importations au PIB[( + )/ ] et la variable de la consommation publique (GOVC) qui est calculée par le ratio de la consommation réelle des administrations publiques par rapport au PIB.

III.1.1.2. Les indicateurs de la libéralisation du compte capital

Nous allons employer deux indicateurs de la libéralisation du compte capital, à savoir la mesure de jure et de facto, respectivement. Ainsi, Chinn et Ito (2008) se sont basés sur une analyse en composante principale (ACP) pour bâtir un indicateur dynamique connu sous le

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La fréquence de nos données est annuelle. Pour plus de détails sur les définitions et les sources de données, voir l'annexe II.2.

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nom de KAOPEN (mesure de jure), qui a pour objectif de mesurer le degré des restrictions sur les opérations financières du pays. Cet indicateur repose sur quatre variables binaires publiées par le rapport annuel du FMI (AREAER). Ces variables sont :

: variable indiquant la présence d’un taux de change multiple (ligne B2),

: variable indiquant la présence des restrictions sur les transactions du compte courant (ligne E1),

: variable indiquant la présence des barrières sur les opérations du compte capital (ligne E2),

: variable indiquant la présence de restrictions lors du rapatriement des bénéfices par les exportateurs (ligne G2).

Chacune de ces variables prend la valeur 0 en cas de présence de restriction et 1 si non. Dans ce cadre, la variable K est remplacée par qui est calculé comme suit :

= ( , , , , , )

La variable présente la moyenne sur les cinq années où les restrictions ne sont plus effectives (le compte du capital est ouvert) avant l’année t. Sans oublier que l’intégration des autres variables à savoir , dans la mesure de l’indice de KAOPEN permet de cerner correctement le degré d’intensité réelle des contrôles des capitaux.

Par ailleurs la mesure de facto est développée par Lane et Milesi-Ferretti (2007). Ces chercheurs ont construit une mesure basée sur le volume de l'intégration financière internationale appelée IFIGDP et qui représente l’ouverture du compte capital de facto tel que :

IFIGDP

,

=

, ,

,

Avec FA (FL) qui désigne le stock étranger des actifs (passifs)64 par rapport au GDP qui définit le produit intérieur brut du pays i à l’instant t.

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Les actifs étrangers sont la somme des avoirs sur : les investissements en portefeuille, les investissements directs étrangers, les crédits accordés et les réserves (sans compter l’or puisqu’il ne constitue pas un passif d'un autre pays lorsqu’il est détenu par une banque centrale).

Les passifs étrangers sont la somme des engagements sur : les investissements en portefeuille, les investissements directs étrangers et les crédits reçus de l’étranger.

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En outre, nous allons décomposer cette mesure en deux indices ; le premier est le stock brut d’avoirs extérieurs rapportés au PIB (Assets) et le deuxième est le stock brut d’engagements extérieurs rapportés au PIB (Liabilities). Ces deux mesures vont nous permettre de détecter l’impact des afflux et reflux des capitaux sur la croissance économique. De plus, la mesure des investissements directs étrangers (FDI) représente les rentrées nettes d'investissement pour acquérir une participation durable (10 % ou plus des actions avec droit de vote) dans une entreprise opérant au sein d'une économie autre que celle de l'investisseur.

III.1.1.3. Les mesures du développement institutionnel

Les mesures du développement institutionnel, tirées de la base des données de l’International Country Risk Guide (ICRG), sont :

La représentation démocratique (Democ) qui évalue comment le gouvernement réagit avec sa population. Cette mesure est comprise entre 0 et 6. Le maximum des points est attribué au pays qui se base sur des élections libres et un système judiciaire protégeant les libertés individuelles, alors que le minimum des points est attribué au pays dans lequel le leadership de l’État est porté par un seul individu (l’autocratie).

La corruption (Corrupt) qui se manifeste par des gratifications spéciales et des versements illégaux aux agents de l’État sous la forme de « pots-de-vin ». Cette mesure s’établit sur une échelle de 0-6: plus la note est basse, plus la corruption est élevée. Dans notre étude économétrique, nous avons inversé l’échelle de l’indice de corruption en soustrayant la valeur de l’ICRG de 6, de sorte que les valeurs élevées notifient un niveau de corruption élevé. Cette démarche, qui était utilisée par Kunieda et al (2014), permet de faciliter l’interprétation des résultats empiriques.

La qualité de la bureaucratie (Bureau) qui mesure la capacité de l’administration à mener des affaires courantes sans des changements radicaux dans les politiques majeures ni interruption des services publics. Cet indice est compris entre 0 et 4. La valeur 0 signifie que la qualité de la bureaucratie est mauvaise et corrompue, tandis que la valeur 4 indique que l’administration est efficace.

III.1.2. Méthode d’estimation

Nous allons utiliser la régression multi variables sur des données de panel puisque nous avons deux paramètres qui varient à savoir i et t, qui présentent respectivement le nombre de pays et

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le temps. En effet, les données de panel présentent divers avantages sur les données transversales et les séries temporelles. Ces gains surviennent de l’analyse d’une information plus riche. En outre, cette étude utilise une méthodologie de données de panel dynamique65 pour estimer la régression de la croissance sur un ensemble de pays. Il s’agit de l’estimateur de la Méthode des Moments Généralisés en panel dynamique, noté (GMM). Cette méthodologie permet de contrôler les effets spécifiques de chaque pays et de tenir compte de l'endogénéité potentielle des variables explicatives. De plus, les techniques économétriques standards comme les MCO, le modèle à effets fixes et le modèle à effets aléatoires ne permettent pas d’obtenir des solutions aux problèmes de biais de simultanéité, de causalité inverse et de variables omises puisque la variable dépendante retardée log ( , ) figure dans la partie droite de l’équation. Sans oublier que la méthode des GMM sur panel dynamique présente la faculté de régénérer les instruments à partir des variables indépendantes contrairement à d’autres méthodes traditionnelles de variables instrumentales (2SLS, ou 3SLS), qui sollicitent la sélection de mesures, corrélées avec les variables explicatives et non corrélées avec la variable dépendante.

Dans le modèle à estimer, l’utilisation des variables retardées comme instruments diffère selon la nature des variables explicatives :

 Pour les variables exogènes, leurs valeurs courantes sont utilisées comme instruments.  Pour les variables prédéterminées ou faiblement exogènes (des variables qui peuvent

être influencées par leurs valeurs passées de la variable dépendante, mais qui restent non corrélées aux réalisations futures du terme d’erreur), leurs valeurs retardées d’au moins une période peuvent être utilisées comme instruments.

 Pour les variables endogènes, seules leurs valeurs retardées d’au moins deux périodes peuvent être des instruments valides.

On distingue deux types d’estimateur de GMM en panel dynamique : l’estimateur GMM en première différence et l’estimateur GMM en système. Le premier est issu de la méthode d’Arellano et Bond (1991) tandis que le deuxième est dérivé de la méthode de Blundell et Bond (1998).

65

Un modèle dynamique est un modèle dans lequel un ou plusieurs retards de la variable dépendante figurent comme variables explicatives.

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III.1.2.1. Estimateur d’Arellano et Bond (1991)

L’estmateur en première différence d’Arellano et Bond (1991) consiste à prendre pour chaque période la première différence de l’équation à estimer pour éliminer les effets spécifiques pays, et puis à instrumenter les variables explicatives de l’équation en première différence par leurs valeurs retardées d’une période ou plus.

Nous avons :

, = , + , + μ, (1) μ, = + ,

Avec = l'hétérogénéité individuelle et , = le terme d'erreur A l’instant t-1 nous avons :

, = , + , + μ, (2) L’équation en différence première est la suivante :

,, = ( ,, ) + ( ,, ) + ( ,, ) (3)

Ces chercheurs ont exprimé le modèle en différence première pour éliminer l'hétérogénéité individuelle.

Pour t=3 nous avons :

− = ( − ) + ( − ) + ( ) (4)

y est un instrument valide puisqu’il est fortement corrélé avec (y − y ) et non corrélé avec le terme d’erreur (v − v ).

Pour t=4 nous avons :

− = ( − ) + ( − ) + ( ) (5)

y et sont des instruments valides ; est fortement corrélé avec (y − y ) et non corrélé avec le terme d’erreur (v − v ).

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,, = ( ,, ) + ( ,, ) + ( ,, ) (6) Pour la période T, les instruments convenables sont , ... , .

Le problème avec cet estimateur est qu’il souffre de la faible corrélation des instruments avec les variables du modèle, ce qui déclenche des résultats biaisés dans des échantillons finis. L'estimateur GMM en différence première présente alors des limites. Ces insuffisances peuvent être soulevées en utilisant l'estimateur GMM en système.

III.1.2.2. Estimateur de Blundell et Bond (1998)

Les auteurs combinent les équations en première différence avec les équations en niveau. Les instruments dans l’équation en différences premières sont exprimés en niveau, et vice versa.

,

,

=

,

( ,

+

,

,

+

,

,

(7)

Dès lors, Blundell et Bond (1998) admettent que l'estimateur GMM en système est plus efficient que l'estimateur GMM en différence première. Ainsi, l'estimation par le GMM en système sera retenue dans notre étude.

III.1.2.3. Les tests économetriques

L’importance d’un estimateur « GMM » en système se fonde principalement sur deux tests primordiaux: i) le test de sur-identification de Sargan et/ou Hansen, ii) le test d’autocorrélation sur le terme d’erreur ( , ).

Le test de Sargan/Hansen

Le test de suridentification de Sargan/Hansen permet de tester la validité des variables retardées comme instruments. Il est construit sur l'hypothèse que le terme d'erreur ne doit pas être corrélé avec l'ensemble des variables exogènes si les instruments sont valides.

0

1

Si la p-value trouvée dépasse 1%,5% ou 10%, l’hypothèse nulle de validité des instruments ne sera pas rejetée.

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Le test d’auto-corrélation d’ordre 1 et d’ordre 2

Pour le test AR(1), l’hypothèse nulle signale l’absence d’auto-corrélation de premier ordre des erreurs de l’équation en niveau. Pour le test AR(2), l’hypothèse nulle indique l’absence de corrélation sérielle de second ordre des erreurs en différence.

0 é

1 é

Si la p-value trouvée est supérieur à 1%,5% ou 10% l’hypothèse d’absence d’auto-corrélation des erreurs sera acceptée.

III.1.3. Les modèles à estimer

Cette étude adoptera deux modèles pour mesurer l’influence de l’ouverture du compte capital sur la croissance économique. Le premier, utilisera seulement les variables de contrôle et les variables de l’ouverture du compte capital comme variables explicatives. Le deuxième, quant à lui, déploiera les termes d’interaction entre les mesures institutionnelles et la mesure de la libéralisation des flux de capitaux. Le principe de l’étude empirique repose sur l’équation (1). Ainsi, Islam (1995) et Weeks et Yao (2003) ont introduit un terme autorégressif afin de traduire l’aspect dynamique de la croissance.

Ln ( ) – Ln ( ) = f ( , ′ )

(1)

L’équation (1) peut s’écrire de la manière suivante :

,

,

= +

,

+

,

+

,

+ + + є

,

(2)

i = 1...11, t = 1...27 Avec :

 y, est logarithme népérien du PIB réel par habitant dans le pays i à la période t,  , est logarithme népérien du PIB réel par habitant dans le pays i à la période t-1,  ,, est le taux de croissance du PIB réel par habitant,

 X, est la matrice des variables de contrôle,

108  U est l’effet spécifique pays,

 V est l’effet spécifique temporel,  є, est le terme d’erreur.

La théorie suggère que le développement institutionnel affecte significativement la croissance du PIB réel par habitant [Knack and Keefer, 1995; Mauro, 1995; Dollar and Kraay, 2001]. Dans ce contexte, nous allons intégrer trois variables institutionnelles. En outre, Klein (2005) constate que l'impact de la libéralisation du compte capital sur la croissance économique n'est pas monotone, et dépend du niveau de qualité institutionnelle. Nous explorons empiriquement cette hypothèse, en introduisant un terme d'interaction entre le développement institutionnel et la variable KAOPEN de la libéralisation du compte capital. Par conséquent, l'équation (3) peut être spécifiée comme suit :

,

,

= +

,

+

,

+ + +

(KAOPEN* INST) + + + є

,

(3)

i = 1...11, t = 1...27 Avec :

 y, est logarithme népérien du PIB réel par habitant dans le pays i à la période t,  , est logarithme népérien du PIB réel par habitant dans le pays i à la période t-1,  ,, est le taux de croissance du PIB réel par habitant,

 X, est la matrice des variables de contrôle,

 INST présente les mesures utilisées pour désigner le niveau de développement institutionnel,

 KAOPEN est la variable indiquant l’ouverture du compte capital,

 KAOPEN* INST est le terme d’interaction entre la qualité institutionnelle et l’ouverture du compte capital,

 U est l’effet spécifique pays,  V est l’effet spécifique temporel,  є, est le terme d’erreur.

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