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L’expérience du Chili

Chapitre 1: La libéralisation du compte capital : concepts et expériences

IV. Les leçons tirées de la libéralisation du compte capital

IV.1. L’expérience du Chili

Dans les années 1970, le Chili était le pays le plus développé d’Amérique latine sur le plan institutionnel. Cependant, il s’est caractérisé par un déséquilibre macroéconomique à savoir l’inflation qui atteignait les 500%, le déficit public qui était de l’ordre de 21% de PIB en 1973 et la faiblesse de l’épargne nationale et l’investissement. Au début des années 1980, les banques et les sociétés chiliennes s’endettaient, à court terme, en devises (dollar américain) sans qu’elles ne soient en capacité d’honorer leurs engagements. Ainsi, l’explosion de la dette extérieure imputable au secteur privé et la fuite des capitaux étaient à l’origine de la

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Graphique I.7. Flux net des crédits bancaires internationaux vers les pays en développement (Milliards de dollars)

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dévaluation forcée du peso de 50% en juin 1982. Suite à l’échec de la libéralisation du compte capital de 1982 et face à l’ampleur de la crise bancaire, l’Etat a amélioré la régulation financière sur la période 1985-1996.

Au cours de la période qui s’étale de 1985 à 1989, le Chili a adopté un processus graduel des réformes afin de libéraliser le secteur financier externe. Ces réformes étaient la restructuration du système bancaire, la mise en place des méthodes indirectes de contrôle monétaire, la réorientation du commerce, le développement des opérations bancaires, l’indépendance de la Banque centrale de Chili20 et la libéralisation sélective concernant les entrées des investissements directs étrangers et les investissements de portefeuille. Ainsi, l'activité du marché des capitaux est devenue plus mûre en 1985 puisque les fonds de pension pouvaient investir une partie de leurs actifs sur les marchés locaux. De plus en 1989, la taxe additionnelle sur le rapatriement des bénéfices par les investisseurs étrangers, en vertu de la loi, a été réduite de 40% à 35%. En ce qui concerne la politique monétaire, la banque centrale a abandonné la politique de dépréciation réelle du taux de change en faveur de l’élargissement de la bande de fluctuation. À partir de 1990, les autorités ont commencé à libéraliser les sorties de capitaux suite aux entrées massives de flux de capitaux. Par ailleurs, la négociation de contrats à terme a été insérée et plusieurs mesures ont été mises en œuvre afin d'élargir et d'améliorer l'efficacité et la compétitivité du marché boursier local 21.

Les phases ultérieures de réformes, de 1991 à 1996, étaient le développement des marchés financiers, l'adoption d'une approche plus flexible pour le taux d’intérêt et le taux de change, et l'allégement de contrôles sur les entrées et les sorties de capitaux. En 1991, les résidents ont été autorisés, pour la première fois, à ‘utiliser des devises obtenues sur le marché non officiel, pour investir à l'étranger. Les non-résidents, quant à eux, ont été autorisés à rapatrier leur capital initial après trois ans au lieu de cinq ans. En outre, les systèmes de négociation et de règlement sur écran électronique ont commencé à fonctionner en 1993. De son coté, la banque centrale a renforcé sa capacité à mener des opérations monétaires en élargissant la gamme des instruments et les échéances utilisées dans les opérations d'open-market. En 1994, les sorties des investissements de portefeuilles ont été encouragées en permettant aux banques locales d’investir dans des établissements financiers étrangers, et aux particuliers l'accès au marché de change formel pour un ensemble limité d'opérations en capital.

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En 1989, la loi établit l'autonomie juridique de la banque centrale.

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Johnston, R. B., Darbar, S. M., & Echeverria, C. (1997). Sequencing capital account liberalization: lessons from Chile, Indonesia, Korea, and Thailand. IMF Working Paper 97/157 (Washington: International Monetary Fund).

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Source : Johnston, R. B., Darbar, S. M., & Echeverria, C. (1997), p.50.

Les différentes mesures prises par la banque centrale du Chili ont permis de stabiliser l’inflation qui est passée de 30,7% en 1985 à 7,4% en 1996, et de soutenir le taux de croissance de PIB réel avec une moyenne de 6,6% entre 1985 et 1996 (cf. graphique 8). Les flux nets d’investissements directs étrangers, quant à eux, sont passés de 142 millions de dollars en 1985 à 3 Milliards de dollars en 1996. En effet, les sorties d’IDE ont atteint une valeur de 1,1 milliard de dollars en 1996, alors que les entrées d’IDE ont enregistré une valeur de 4,1 milliards de dollars. De plus, les entrées d’investissements de portefeuille et les prêts bancaires internationaux vers le Chili ne cessent d’augmenter. Ainsi, les flux nets de capitaux ont connu une hausse considérable, qui a atteint 6,3 milliards de dollars, soit une valeur de 9 pour cent du PIB en 1996 (cf. graphique 9).

Source : Johnston, R. B., Darbar, S. M., & Echeverria, C. (1997), p.50.

0 5 10 15 20 25 30 35 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 Graphique I.8. Indicateurs Macroéconomiques du Chili (en

pourcentage)

Croissance de PIB réel Inflation

-3000 -2000 -1000 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 Graphique I.9. Flux Net de Capitaux vers le Chili (en Millions de

dollars) Autres investissements Net

IP Net IDE Net

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La libéralisation sélective des capitaux au Chili s’est manifestée par le soutien à l'entrée de capitaux, notamment de capitaux à long terme. Autrement dit, les autorités chiliennes ont mis en place une obligation de dépôt non rémunéré ou taxation flexible sur les afflux de capitaux financiers à court terme. Cette garantie a permis à la banque centrale (i) d’absorber les flux entrants ; (ii) de soutenir les équilibres macroéconomiques ; et (iii) d’avoir une forme d’autonomie de la politique monétaire22.

Le chili a ainsi réussi son pari en matière d’ouverture du compte capital via :  le programme cohérent de réformes économiques,

 le développement de la supervision et de la réglementation,

 la privatisation des grandes entreprises d’utilité publique, de télécommunications et de transport,

 la libéralisation de l’investissement direct étranger (les sociétés chiliennes sont devenues d’importants investisseurs en Argentine, au Brésil et au Pérou),

 l’effet d’apprentissage au processus de la libéralisation,  la robustesse du cadre institutionnel et juridique.

Ces différentes mesures témoignent de l’état d’avancement de la libéralisation de l’économie chilienne par rapport au reste de la région (les pays d’Amérique Latine).