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1. INTRODUCTION

1.5. RELATIONS ENTRE CAPACITES DEVELOPPEES EN LANGUE DES SIGNES ET EN LANGUE

1.5.1. Apport de la connaissance d’une langue des signes pour l’apprentissage d’une langue écrite :

1.5.1.2. Outils pédagogiques spécifiques

Prinz et Strong (1998) répertorient différentes techniques qui ont été développées dans le cadre pédagogique spécifiquement pour faciliter le passage entre langue des signes et langue écrite et s’appuyer ainsi sur les capacités développées en modalité signée pour développer la lecture/écriture. Ces techniques se regroupent sous quatre catégories:

• les formes signées de langues orales (Mayer & Akamatsu, 1999; Mayer & Wells, 1996)

la technique de glossing (Singleton et al., 1998)

la technique de chaining (Padden & Ramsey, 1998, 2000)

Nous pouvons y ajouter également :

• les techniques de traduction (Lelièvre & Dubuisson, 1998)

• les comparaisons inter-langues explicites (Vercaingne-Ménard, 2002)

Formes signées de langues orales

Les formes signées des langues orales (signed English, English-based sign, français signé, etc.) ont été créées dans les milieux scolaires afin de représenter les systèmes linguistiques dans une modalité facilement accessible pour les sujets sourds. Ces systèmes de communication artificiels consistent à produire des signes appartenant à une langue des signes dans l’ordre syntaxique de la langue orale apparentée. Dans certaines versions sont ajoutés des signes spécifiques pour rendre compte des connecteurs et différentes formes verbales (Singleton et al., 1998; Virole & Martenot, 1996). Utilisés parfois comme principal mode de communication et d’instruction, ces systèmes peuvent être aussi employés lors de situations particulières, comme outil pour comparer les deux langues (Biederman, 2003) ou de manière plus générale, comme pont entre les deux langues lors des situations d’apprentissage de l’écrit (Mayer & Akamatsu, 1999; Mayer & Wells, 1996).

Technique de glossing

Singleton et al. (1998) mentionnent plusieurs expériences pédagogiques recourant à des formes de glossing (voir ci-dessous) comme intermédiaire entre les productions signées et écrites. Par exemple, Neuroth-Gimbrone et Logiodice (1992) présentent un modèle pour enseigner l’anglais écrit à des adolescents sourds fondé sur le renforcement des compétences en ASL, le développement des capacités métalinguistiques en ASL et en anglais, et des

traductions de leurs propres productions. Les adolescents produisent d’abord des narrations en ASL, filmées en vidéo. Ils réalisent ensuite différentes sortes de traductions en anglais, en utilisant notamment leur propre système de notation (glosses) pour transcrire l’ASL en anglais écrit. Cette étape intermédiaire permet de mieux comparer les deux langues et de discuter des points particuliers de traduction. Singleton et al. (1998) rapportent également qu’une technique similaire utilisée par Mozzer-Mather (1990) avec trois élèves de 5ème année a eu pour résultat des productions en anglais de meilleure qualité, comportant davantage de mots, des verbes complexes et moins d’erreurs grammaticales. De même, Supalla et Wix ont utilisé dans le cadre d’une recherche-action avec des élèves de classe élémentaire la vidéo pour filmer les productions signées des enfants et ont mis au point un classeur de références établissant des liens entre glosses en ASL et productions écrites en anglais. Ils rapportent que ces outils ont permis aux élèves d’améliorer leurs productions écrites en terme de longueur et de complexité.

Technique de chaining

La technique de chaining consiste à associer différentes représentations d’un même référent (mot écrit, dactylologié, signé) en les produisant de manière consécutive. Par exemple, l’enseignant peut montrer au tableau un mot écrit, donner sa signification en langue des signes puis le dactylographier, ou lors d’une narration en langue des signes faire une pause et dactylologier le mot qui vient d’être signé (Padden & Ramsey, 1998). Cette technique a pour but de renforcer les liens entre les différents systèmes de représentation.

SignWriting

Une série d’expériences récentes menées dans différents pays (USA, Brésil, Nicaragua, Allemagne, Suisse, et France notamment) proposent d’aborder l’écrit d’abord en langue des signes, en recourant à des systèmes de transcription spécifiques (SignWriting, Sutton, voir http://www.signwriting.org pour plus de détails), afin de développer des stratégies de traitement de l’écrit dans une langue déjà bien maîtrisée avant d’aborder celui-ci dans la langue majoritaire dont la connaissance est encore très lacunaire (Boyes-Braem, communication personnelle 2001; Singleton et al, 1998).

Techniques de traduction

Une recherche de Akamatsu et Armour (1987, cité par Lelièvre & Dubuisson, 1998) rapporte qu’un entraînement à la traduction de l’ASL vers l’anglais écrit permettrait en l’espace de quelques semaines d’améliorer la production écrite des élèves.

Comparaisons inter-langues

D’autres travaux suggèrent également d’exploiter explicitement les comparaisons inter- langues dans le cadre de l’enseignement de l’écrit afin de permettre aux élèves sourds de se créer des repères concernant les structures de la langue écrite par contraste avec les structures de la langue des signes (Vercaingne-Ménard, 2002; Lelièvre, Dubuisson, & Daigle, 1998; Strong & DeMatteo, 1990). Vercaingne-Ménard (2002) rapporte que cette technique fonctionne bien pour les enfants de 3P observés, qui parviennent à faire la différence entre les deux langues au niveau du lexique et de certaines structures morphosyntaxiques, tandis que pour les plus jeunes la langue des signes est essentiellement un support à la compréhension de l’écrit.

Quelques auteurs ont décrit de manière plus concrète les interactions observables dans les contextes de ces programmes bilingues et qui font intervenir la langue des signes lors de situation d’apprentissage de l’écrit. Biederman (2003) notamment, dans sa thèse récente, analyse les interventions d’une enseignante dans un contexte bilingue en Nouvelle-Zélande et le rôle de la langue des signes dans les situations d’apprentissage. Du côté des élèves, elle relève plusieurs fonctions de la langue des signes, en particulier pour solliciter ou proposer de l’aide concernant l’orthographe d’un mot, les règles de ponctuation, des problèmes de traduction, pour évaluer et comparer les connaissances en écrit des autres élèves, et pour comparer les deux langues. Ces interactions sont très comparables à celles décrites par Swain (2000) dans le cadre des programmes bilingues pour entendants anglais-français au Canada et laissent penser que ces enfants pourront en tirer tout autant de bénéfices. Mayer et Akamatsu (2000) relèvent quant à eux des différences individuelles dans les stratégies utilisées par trois sourds âgés de 12 à 14 ans, suivant un programme scolaire qui intègre ASL, anglais signé et anglais écrit, lors des processus de production écrite. Le premier des sujets dit penser et planifier son texte directement en anglais, le deuxième dit penser par séquences linéaires de signes et signe/dactylologie pour lui-même lorsqu’il écrit, alors que le troisième se représente mentalement un tableau imagé avant de rechercher une séquence en anglais qui pourrait rendre le même contenu. C’est une telle diversité de moyens que Nelson (1998) suggère d’encourager pour chaque élève, afin que chacun trouve la combinaison personnelle qui lui conviendra le mieux.

1.5.2. Relations entre capacités en langue des signes et capacités en langue écrite :