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Outils de dimensionnement

Comme présenté dans la sous-section précédente, les roues aubagées sont astreintes à de nombreux phénomènes de vibration pouvant entrainer de la fatigue vibratoire voire, dans le pire des cas, la rupture de la pièce et donc la perte d’une aube. Afin de prédire ces phénomènes vibratoires et ainsi la ruine par fatigue des aubages, plusieurs outils de dimensionnement vibratoire linéaire sont employés. Ceux-ci visent principalement à di-mensionner la structure face aux excitations synchrones qui sont plus aisées à prédire que les excitations asynchrones pour lesquelles le dimensionnement se base davantage sur le retour d’expérience du motoriste et les essais.

3.2.1 Diagramme fréquences / diamètres

Le diagramme fréquences / diamètres permet de suivre l’évolution des fréquences propres de chaque mode de vibration d’une roue aubagée en fonction du nombre de dia-mètres nodaux pour une vitesse de rotation fixée ; la notion de diamètre nodal ayant été abordée en section I.2. Le diagramme fréquences / diamètres théorique de la soufflante exploitée pendant la campagne d’essais réalisée sur le module structure PHARE#1 pour une vitesse de rotation de 50 % est donné en figureI.17. À noter que les vitesses de rotation sont exprimées en pourcentage du régime nominal de la soufflante et que les fréquences propres de celle-ci sont normalisées pour des raisons de confidentialité industrielle.

Dans le cas de cette soufflante composite, il est possible de remarquer que les fréquences propres varient très peu en fonction du nombre de diamètres nodaux. Contrairement au diagramme fréquences / diamètres d’autres types de roues aubagées, par exemple un disque aubagé monobloc (à l’instar de celui présenté dans le mémoire de thèse de Laxalde [122])

3. Dimensionnement des roues aubagées 35

Figure I.17 – Diagramme fréquences / diamètres théorique de la soufflante étudiée pour lequel les fréquences propres peuvent fortement varier en fonction du nombre de diamètres nodaux et particulièrement pour les premiers diamètres nodaux. Cette forte évolution traduit l’importante contribution en raideur du disque pour les déformées cor-respondant aux premiers diamètres nodaux.

Sur ce type de représentation, il est également possible d’identifier des zones de veering qui correspondent à un rapprochement des courbes associées à deux familles de modes de vibration. Ce phénomène de veering entraîne un couplage entre les modes en question et peut entraîner d’importantes amplitudes de vibration pouvant rapidement mener à la destruction de l’aubage.

3.2.2 Diagramme de Campbell

Afin d’anticiper tout risque de coïncidence fréquentielle entre l’une des fréquences propres de la roue aubagée et la fréquence d’excitation des sources de vibration, déve-loppées en sous-section I.3.1, le tracé du diagramme de Campbell de la roue demeure un outil indispensable pour le dimensionnement des aubages face aux phénomènes d’excitation synchrone qu’ils soient mécaniques ou aéroélastiques. Ce diagramme représente l’évolution des fréquences propres de la roue aubagée pour un diamètre nodal fixé en fonction de sa vitesse de rotation ainsi que les harmoniques de la vitesse de rotation, appelés ordres mo-teur (engine order en anglais). Ce type de représentation permet de mettre en évidence les risques de résonance lorsqu’une des droites représentant les ordres moteur croise une ou plusieurs fréquences propres dans la plage de fonctionnement de la turbomachine. Il est ainsi préférable de ne pas positionner un point de fonctionnement du moteur aux abords de l’une des coïncidences. Le diagramme de Campbell théorique de la soufflante, exploitée en essais, est tracé pour un mode à deux diamètres nodaux en figure I.18; les vitesses de rotation étant toujours exprimées en pourcentage du régime nominal de la soufflante et les fréquences propres de celle-ci toujours normalisées.

La coïncidence entourée sur le diagrammeI.18représente l’interaction entre le premier mode de flexion (1F) et le deuxième harmonique moteur de la soufflante. Compte tenu de l’importante densité modale des structures à symétrie cyclique, il est possible qu’un grand nombre de coïncidences fréquentielles apparaissent sur le diagramme de Campbell. Cepen-dant, toutes les coïncidences fréquentielles ne sont pas nécessairement menaçantes pour la

36 Chapitre I. Dynamique des roues aubagées

Figure I.18 – Diagramme de Campbell théorique de la soufflante du banc PHARE#1 ( mode de vibration et ordre moteur)

machine. Pour qu’une coïncidence soit considérée dangereuse, la condition d’appropriation modale doit également être satisfaite. Cette condition est représentée graphiquement par le diagramme zigzag.

3.2.3 Diagramme zigzag

Le diagramme zigzag, aussi nommé diagramme SAFE [201] (pour Singh’s Advanced

Frequency Evaluation), représente la condition d’excitabilité d’un mode de vibration par un ordre moteur. Dans le cas d’une roue aubagée, cette condition est nommée condition d’appropriation modale et correspond à la règle de repliement de spectre des harmoniques spatiales en nombre de diamètres nodaux équivalents [234]. Plus directement, pour qu’un mode à diamètres d’une roue parfaitement symétrique, comprenant N secteurs identiques, soit excité par un ordre moteur EO, la relation (I.61) nécessite d’être satisfaite.

EO ± k = pN (I.61)

avec k le nombre de diamètres du mode et p un entier naturel.

3. Dimensionnement des roues aubagées 37 L’expression (I.61) peut se représenter graphiquement sur un diagramme zigzag, celui de la soufflante comprenant 18 secteurs et exploitée en essais est donné en figure I.19. Cet exemple permet de constater le phénomène de repliement qui permet aux modes à diamètres d’être excités par les ordres moteurs supérieurs àN/2 et qui réduit grandement le nombre de coïncidences susceptibles d’être préjudiciables pour la roue aubagée.

3.2.4 Diagrammes de dimensionnement en fatigue vibratoire

Bien que les outils à disposition soient performants pour dimensionner les roues auba-gées face aux vibrations et ainsi anticiper les risques de résonance en fonctionnement dans le cas de phénomènes de vibration synchrone, la rupture par fatigue vibratoire reste l’une des causes principales d’endommagement des aubes. Il est donc nécessaire de dimensionner les roues aubagées par rapport à ce phénomène de fatigue vibratoire. Ce dimensionnement repose principalement sur deux outils empiriques : les courbes de Wöhler et le diagramme de Haigh qui sont brièvement abordés dans la suite de cette sous-section.

Courbe de Wöhler. Les courbes de Wöhler permettent de caractériser le phénomène de fatigue vibratoire à travers la représentation du niveau de contrainte alternée σa en fonction du nombre de cycles Nr jusqu’à la rupture du matériau. Ces courbes sont issues de campagnes de caractérisations expérimentales reflétant le comportement statistique en fatigue vibratoire d’un matériau donné. Compte tenu de leur aspect statistique, les courbes de Wöhler sont tracées pour un certain niveau de probabilité de rupture, en général 95%. Il est donc possible d’extraire la durée de vie théorique ou limite d’endurance théorique d’un matériau à l’aide de ces courbes. La figure I.20propose un exemple de courbe de Wöhler sur laquelle apparaît une limite d’endurance σ∞, représentant la valeur de contrainte alternée en deçà de laquelle le matériau ne rompt théoriquement pas. Cette propriété est caractéristique de certaines familles de matériaux telles que les aciers.

Figure I.20 – Courbe de Wöhler

Cependant, les travaux de Wöhler ne prennent pas en compte le chargement statique induit par le champ centrifuge dû à la rotation de la roue aubagée, nommé contrainte statique ou moyenne σm. Dans le cas de roues aubagées subissant une contrainte moyenne non-négligeable, la limite d’endurance obtenue à l’aide des courbes de Wöhler n’est plus admissible. Par conséquent, d’autres modèles sont employés et sont consignés dans le paragraphe suivant.

38 Chapitre I. Dynamique des roues aubagées

Diagramme de Haigh. Plusieurs modèles permettent de contourner la limitation prin-cipale des courbes de Wöhler. En effet, les modèles de Goodman, Soderberg, ou Gerber autorisent l’estimation de l’effet de la contrainte moyenne sur la durée de vie du maté-riau. Ces différents modèles sont généralement représentés sur un diagramme de Haigh. Celui-ci trace la contrainte alternée σa, entraînant la rupture de la structure, en fonction de la contrainte moyenne σm pour un nombre fixé de cycles. Comme représentée sur la figure I.21, la droite de Goodman relie la limite d’endurance à contrainte moyenne nulle

σd à la limite de rupture statique Rm. De même, la droite de Soderberg joint cette même limite d’endurance à contrainte moyenne nulle σd à la limite élastique statique Re et offre ainsi une marge de sécurité plus grande que la droite de Goodman. La courbe de Gerber est une parabole qui raccorde les mêmes points que la droite de Soderberg. Un point de fonctionnement est acceptable lorsqu’il se situe sous la courbe du modèle considéré. En pratique, un coefficient de sécurité, plus ou moins important selon la criticité de la pièce, est appliqué en complément de ce critère.

Figure I.21 – Diagramme de Haigh

Bien que ces différents outils soient performants pour dimensionner une roue aubagée dont le comportement dynamique a été linéarisé, le développement d’un turboréacteur requiert de nombreux essais au sol et en vol afin d’obtenir une autorisation de vol qui est délivrée par l’une des autorités de régulation à la suite d’essais de certification, ces derniers marquant la fin du développement du turboréacteur.

4 Bilan

Ce chapitre introductif a permis de poser le cadre de ce travail de thèse concernant la dynamique des roues aubagées de turboréacteur et plus particulièrement de la soufflante. Les turboréacteurs, dont le principe de fonctionnement a été exposé en début de chapitre, demeurent des structures complexes dont la conception et la modélisation impliquent de nombreux domaines d’étude en plus de la mécanique. La modélisation dynamique de leurs parties tournantes fondamentales, à savoir les roues aubagées, a ainsi été abordée à travers la mise en équation d’un problème dynamique en rotation et des différentes non-linéarités pouvant affecter la dynamique du système. D’un point de vue plus technologique, les ou-tils de dimensionnement vibratoire des roues aubagées face aux phénomènes vibratoires synchrones ont été dévoilés permettant de dimensionner les roues aubagées face aux phé-nomènes vibratoires d’origine aéroélastique et mécanique. La notion de désaccordage de la structure a aussi été abordée afin de souligner les effets que celle-ci peut occasionner sur la dynamique de la structure.

4. Bilan 39 La présence de non-linéarités dans la structure implique une modélisation particulière de celles-ci, décrite dans ce chapitre, mais surtout une résolution spécifique du problème faisant appel à un solveur itératif. Ces différentes méthodes de résolution sont détaillées dans le chapitre suivant en mettant en évidence la méthode de l’équilibrage harmonique, employée dans la suite de ce mémoire pour évaluer des réponses forcées en dynamique non-linéaire ainsi que les solutions du problème non-linéaire autonome.

Chapitre II

Étude fréquentielle non-linéaire

Ce chapitre est consacré à l’emploi des techniques de recherche de solutions périodiques ou pseudo-périodiques dans le cas de systèmes non-linéaires autonomes et non-autonomes. Les équations non-linéaires possédant ce type de solutions sont décrites dans le chapitreI. Les travaux exposés dans ce mémoire exploitent une technique fréquentielle très per-formante et polyvalente, dont la théorie et l’implémentation numérique sont détaillées : la méthode de l’équilibrage harmonique. La notion de mode non-linéaire, fortement as-sociée à la résolution de systèmes non-linéaires autonomes, est exposée dans la troisième sous-section ainsi que le calcul des modes complexes non-linéaires. Cette technique de cal-cul permet d’évaluer les modes non-linéaires de systèmes non-conservatifs à partir d’une technique de résolution dérivée de la méthode de l’équilibrage harmonique. Un exemple illustratif, employant ces deux méthodes, permet de mettre en lumière certains phéno-mènes non-linéaires pouvant apparaître dans le cas d’aubes de soufflante.

Sommaire

1 Méthode de l’équilibrage harmonique . . . . 42 1.1 Méthodes de résolution du problème dynamique non-linéaire . . . . . 42

1.2 Aspects théoriques . . . . 44

1.3 Implémentation et résolution . . . . 45

1.4 Évaluation des termes non-linéaires . . . . 47

1.5 Techniques de continuation . . . . 49

1.6 Condensation dans le domaine fréquentiel . . . . 53

2 Solutions périodiques d’un système non-linéaire autonome . . . . 55 2.1 Analyse modale linéaire . . . . 56

2.2 Modes normaux non-linéaires . . . . 56

2.3 Modes complexes non-linéaires . . . . 59

3 Exemple illustratif . . . . 63 3.1 Construction du modèle . . . . 64

3.2 Réponses forcées du modèle illustratif . . . . 67

3.3 Illustration des modes complexes non-linéaires . . . . 71

4 Bilan . . . . 73

42 Chapitre II. Étude fréquentielle non-linéaire

1 Méthode de l’équilibrage harmonique

Plusieurs méthodes de résolution permettent d’évaluer la solution de l’équation ma-tricielle différentielle du second ordre régissant la dynamique non-linéaire d’un système non-autonome, développée dans le chapitre Iet rappelée dans l’équation (II.1)1.

M¨x(t) + C ˙x(t) + Kx(t) + fnl(x(t), ˙x(t)) = g(t) (II.1) Ces diverses techniques permettent d’évaluer la solution périodique non-linéaire du régime permanent en exploitant une approche temporelle ou fréquentielle. Un état de l’art de celles-ci est proposé dans la première partie de cette section. La suite de cette section est consacrée au développement des aspects théoriques de la méthode de l’équilibrage harmonique ainsi qu’à son implémentation pratique en programmation. La résolution du système d’équations y est notamment décrite ainsi que la procédure d’évaluation des termes non-linéaires nécessaire au calcul de la solution. Différentes méthodes de continuation sont présentées, celles-ci permettant de suivre l’évolution de la solution du système en fonction d’un paramètre. De plus, deux méthodes de condensation dans le domaine fréquentiel, permettant de réduire le nombre d’équations à résoudre, sont détaillées dans la dernière sous-section.

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