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Non-linéarités des roues aubagées

Les turboréacteurs sont des structures de plus en plus complexes d’un point de vue technologique et particulièrement les roues aubagées qui forment une importante partie des éléments rotatifs de la machine. Cette conception complexe des composants constituant les turboréacteurs peut induire des comportements non-linéaires dans les composants eux-mêmes et dans leurs liaisons. Afin de modéliser le plus fidèlement possible la structure, il est essentiel d’incorporer ces non-linéarités dans les modèles et les intégrer dans les simulations dynamiques numériques. Un terme non-linéaire fnlest alors ajouté à l’équation du mouvement (I.34) pour former l’équation matricielle non-linéaire

M¨u(t) + C ˙u(t) + Ku(t) + fnl(u(t), ˙u(t)) = g(t) (I.35) où les notations employées sont identiques à celles de la sous-section précédente. Les termes dépendant de la rotation du solide ne sont pas explicitement écrits mais peuvent être di-rectement ajoutés à l’équation (I.35).

Dans un turboréacteur, les effets figurant dans le terme non-linéaire fnl demeurent d’origines diverses. Cette sous-section se concentre sur les non-linéarités pouvant affecter les roues aubagées et notamment les soufflantes à large corde, à savoir les non-linéarités géométriques en grands déplacements et les non-linéarités de contact / frottement. 2.2.1 Non-linéarités géométriques en grands déplacements

En dynamique des structures, les simulations numériques sont fondées, dans la plupart des cas, sur une linéarisation du modèle au moyen de l’hypothèse des petites perturba-tions. Néanmoins, les vibrations des roues aubagées peuvent atteindre des amplitudes importantes invalidant cette hypothèse des petites perturbations. Il est alors nécessaire de considérer l’expression complète du tenseur des déformations pour décrire précisément la structure. Les efforts non-linéaires contenus dans le terme fnl font alors intervenir des termes polynomiaux cubiques et quadratiques et engendrent une nouvelle phénoménologie par rapport au cas linéaire [72,73] abordée dans le chapitreII.

De nombreux travaux en dynamique des structures traitant des non-linéarités géo-métriques en grands déplacements ont été accomplis sur des structures minces ou élan-cées [40, 214] mais peu sur des problèmes nécessitant une modélisation en trois dimen-sions [72] à cause de la part de degrés de liberté de la structure affectée par la non-linéarité et de la difficulté engendrée par la réduction du modèle numérique.

20 Chapitre I. Dynamique des roues aubagées

2.2.2 Non-linéarités de contact / frottement

Les phénomènes de contact / frottement sont une source de non-linéarité très impor-tante en mécanique et en dynamique puisque ceux-ci sont présents dans tout système assemblé. Ces phénomènes de contact / frottement peuvent paraître néfastes puisqu’ils entraînent une perte d’énergie (minime comparée à l’énergie de propulsion) et donc de rendement, cependant ils s’avèrent être prépondérants en termes de contrôle vibratoire des structures telles que les roues aubagées grâce à l’amortissement apportée à la struc-ture.

Le contact / frottement peut prendre différentes formes sur une roue aubagée : il peut être subi dans le cas d’un contact entre l’aube et le carter (voir section I.3) ou être in-tentionnel afin d’apporter un amortissement maîtrisé plus important à la structure. Ce second cas peut se rencontrer lors d’un contact frottant entre aubes adjacentes par l’inter-médiaire de nageoires ou encore dans le cas d’un contact frottant entre le pied de l’aube et le disque. Il est d’intérêt pour les travaux rapportés dans ce mémoire de thèse puisque la soufflante composite à large corde, étudiée et testée pendant la campagne d’essais réalisée sur le module structure PHARE#1, présente ce type de non-linéarité.

Les roues aubagées à aubes rapportées, telle la soufflante étudiée dans ces travaux, se présentent comme un assemblage d’aubes montées sur un disque. La zone d’attache entres les aubes et le disque est une région où de fortes contraintes s’exercent en plus d’un contact frottant. Ce dernier est assuré par la force centrifuge qui vient caler le pied de l’aube dans l’alvéole du disque. En fonction du type d’aubes (soufflante, compresseur ou turbine), ces zones de contact peuvent être de formes différentes : en pied de sapin [99] ou en queue d’aronde (comme présentée en sectionI.1). Il s’agit principalement du nombre de surfaces de contact, aussi nommées portées, qui différencie ces deux technologies d’attache : deux pour la queue d’aronde et quatre ou plus pour le pied de sapin.

La modélisation des phénomènes de contact / frottement est un enjeu considérable afin d’optimiser l’amortissement de la structure [29] ou prévoir l’usure qu’ils engendrent [190]. À la différence des non-linéarités géométriques en grands déplacements (explicitées ci-dessus), le contact / frottement est une non-linéarité localisée ce qui signifie que celle-ci n’affecte pas tous les degrés de liberté de la structure permettant ainsi de réduire plus facilement le modèle numérique de la structure tout en conservant les degrés de liberté non-linéaires. Cette technique est notamment employée dans le chapitreIIIdans un dessein de réduction du modèle numérique. De plus, le contact / frottement est aussi une linéarité non-régulière puisque les efforts de contact sont discontinus. De multiples lois de contact et de frottement ont été développées dans la littérature, certaines discontinues se rapprochant de la physique réelle d’un contact frottant, d’autres régularisées afin d’améliorer l’intégration dans les méthodes de résolution et la convergence de l’algorithme de résolution. Parmi ces lois, plusieurs sont présentées dans la suite de cette sous-section en dissociant contact et frottement.

Lois de contact. Les lois de contact permettent d’identifier le statut du contact, à sa-voir la séparation ou la jonction entre les deux solides (sa-voire l’amplitude de pénétration pour certaines lois). À partir de ce statut, les efforts de contact peuvent être évaluées au moyen de ces mêmes lois de contact. Ces dernières font intervenir les déplacements et les efforts normaux au contact entre les deux sous-structures.

2. Modélisation des roues aubagées 21 La représentation classique du contact demeure la loi de contact unilatéral qui assure la non-pénétration entre les solides. Cette loi, fortement non-régulière, est difficilement implémentable dans les différentes méthodes de résolution numérique d’un problème non-linéaire et ne peut être utilisée qu’à l’aide de multiplicateurs de Lagrange. Cette loi de contact unilatéral est illustrée en figureI.10aet décrite par l’équation

(

fn = 0 si δn<0

δn= 0 si fn>0 (I.36)

dans laquelle fn est l’effort normal au contact et δn représente la pénétration entre les solides.

Dans le but de s’affranchir des problèmes numériques causés par les lois non-régulières, la loi de contact unilatéral peut être régularisée linéairement par morceaux en ajoutant une raideur à l’interface de contact [175]. Cette dernière est couramment employée puisqu’elle permet le calcul direct de la force de contact en fonction du déplacement relatif grâce à la raideur de contact. Cette loi régularisée est représentée en figure I.10b et explicitée à l’aide de l’équation

fn = (

0 si δn<0

knδn si δn≥0 (I.37)

dans laquelle kn est la raideur de contact.

D’autres lois régularisées ont été développées parmi lesquelles la loi exponentielle com-portant plus de paramètres mais qui est aussi plus régulière que la loi linéaire par morceaux. La loi exponentielle est illustrée en figureI.10c.

(a) Unilatérale (b) Linéaire par morceaux (c) Exponentielle Figure I.10 – Lois de contact

Lois de frottement. Les lois de frottement permettent d’exprimer la valeur de l’effort de frottement en fonction de l’effort de contact normal à la surface de l’interface entre les sous-structures. Ces lois font intervenir les déplacements et les efforts tangentiels, à savoir ceux contenus dans le plan du contact entre les deux sous-structures.

22 Chapitre I. Dynamique des roues aubagées La loi de Coulomb est la loi classique régissant un frottement entre solides. Le modèle standard de Coulomb indique qu’aucun mouvement relatif n’est possible si l’effort tangen-tiel équivalent fteq est inférieur à l’effort limite de Coulomb ftcou. Son cycle d’hystérésis est donné en figureI.11a. De plus, elle est définie à l’aide de l’équation

( ˙δt= 0 si fteq ≤ ftcou ft= −µ|fn| ˙δt

k ˙δtk si k ˙δtk >0 (I.38) où δt est le vecteur des déplacements relatifs tangentiels, ˙δtle vecteur des vitesses relatives tangentielles, ftle vecteur des efforts tangentiels, µ le coefficient de frottement, fteq = kftk l’effort tangentiel équivalent et ftcou= µ|fn|, l’effort limite de Coulomb.

À l’image des lois de contact, il est possible de régulariser la loi de Coulomb en ajoutant une raideur tangentielle supplémentaire ce qui autorise un déplacement relatif tangentiel non nul (δt) lorsque l’effort tangentiel est inférieur à la limite de Coulomb. La formulation du problème devient alors

(

ft = −ktt− z) si fteq≤ ftcou ft = −µ|fn| ˙δt

k ˙δtk si k ˙δtk >0 (I.39) avec z le vecteur correspondant au déplacement relatif tangentiel du point de contact et kt la raideur tangentielle. Ces deux variables sont déterminées afin que la force de frottement ainsi exprimée n’excède pas la force limite de Coulomb.

Cette formulation permet ainsi un glissement élastique lorsque l’effort tangentiel à l’interface est inférieur à la limite de Coulomb. Son cycle d’hystérésis est illustré en fi-gure I.11b.

La loi de frottement suivant une évolution arc-tangente permet aussi de régulariser facilement la loi de Coulomb. Cette dernière sera détaillée puis exploitée sur un modèle phénoménologique dans le chapitre II.

De nombreux autres modèles de frottement enrichissent la littérature sur le sujet parmi lesquels le modèle différentiel de Bouc-Wen [20,233], dont le cycle d’hystérésis est repré-senté en figure I.11c, et qui permet de représenter des comportements microscopiques (de type micro-glissement) par l’intermédiaire de modélisations macroscopiques. Il est aussi possible de citer les lois de Dahl ou de LuGre utilisées principalement en dynamique des structures et se présentant sous une forme différentielle plus simple que celle du modèle de Bouc-Wen.

(a) Coulomb (b) Glissement élastique (c) Bouc-Wen Figure I.11 – Lois de frottement

2. Modélisation des roues aubagées 23 Les codes de calcul éléments finis, tel ANSYS®, emploient des méthode de résolution de ces lois de contact / frottement complexes pour des modèles numériques en trois di-mensions comme la méthode de pénalité ou des Lagrangiens augmentés, tous deux décrits dans la thèse de Salles [190].

La méthode de résolution employée sur des modèles numériques de taille industrielle dans la suite de ce travail est la méthode des Lagrangiens dynamiques (aussi connue sous le nom de DLFT pour Dynamic Lagrangian Frequency-Time method en anglais) proposée par Nacivet et al. [151,152]. Celle-ci est inspirée des stratégies de résolution de problèmes contraints par multiplicateurs de Lagrange assurant l’exactitude de la solution conver-gée. Le calcul des composantes fréquentielles des déplacements et efforts non-linéaires de contact et de frottement est effectué au moyen d’une méthode d’alternance fréquence / temps (présentée en détail dans le chapitre II) selon les lois de contact unilatéral et de Coulomb, respectivement pour le contact et le frottement. L’utilisation de cette méthode permet ainsi de s’affranchir de la régularisation de l’interface de contact par l’ajout de raideurs de pénalité, généralement difficilement quantifiables, grâce à son formalisme ex-ploitant des multiplicateurs de Lagrange. À la suite de son développement, la technique des Lagrangiens dynamiques fut notamment reprise pour étudier l’apport des amortisseurs non-linéaires sur les roues aubagées monoblocs [122], pour l’étude du frottement en pied d’aube [29] ainsi que l’étude de l’usure liée au frottement en pied d’aube [190]. La méthode des Lagrangiens dynamiques est explicitée plus en détails en annexeA.

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