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Mécanismes piézoélectriques

2 Formulation d’un problème piézomécanique linéaire. . . . 110 2.1 Lois de comportement piézoélectrique . . . .110

2.2 Formulation variationnelle . . . .112

2.3 Formulation éléments finis . . . .114

3 Condensation du problème piézomécanique . . . . 116 3.1 Condensation des degrés de liberté électriques . . . .116

3.2 Validation de la méthode de condensation . . . .118

4 Bilan . . . . 120

106 Chapitre IV. Modélisation piézomécanique

1 Éléments de piézoélectricité

La piézoélectricité est la propriété que possèdent certains matériaux de se polariser électriquement sous l’action d’une contrainte mécanique et réciproquement de se déformer lorsqu’un champ électrique leur est appliqué. Le premier effet est appelé effet piézoélec-trique direct et le second, effet piézoélecpiézoélec-trique inverse.

La première démonstration de l’effet piézoélectrique direct est le résultat des travaux des frères Curie, Jacques et Pierre, présenté en 1880 [38]. L’existence de l’effet inverse fut prouvée l’année suivante par Gabriel Lippmann qui s’est appuyé sur les lois de la thermo-dynamique [130]. La même année, les frères Curie démontrèrent expérimentalement cet effet sur des cristaux piézoélectriques [38].

Les matériaux piézoélectriques ont trouvé de nombreuses applications au fil du temps en commençant par l’utilisation de leurs effets direct et inverse dans un sonar sous-marin développé par Paul Langevin pendant la première guerre mondiale. Cette utilisation eut pour effet de catalyser la recherche sur le sujet. L’effet direct des matériaux piézoélec-triques est utilisé dans de nombreux capteurs, par exemple des capteurs de pression ou d’accélération utilisés dans des applications diverses et variées. Des actionneurs et moteurs piézoélectriques bénéficient de l’effet inverse de ces matériaux et sont utilisés pour effec-tuer des mouvements précis dans des microscopes, des imprimantes à jet d’encre ou des appareils photos.

Les activités de recherche actuelles sur les applications piézoélectriques sont axées sur la récupération de l’énergie des vibrations mécaniques sous forme électrique (piezoelectric

energy harvesting en anglais) [184], les micro et nano résonateurs (MEMS et NEMS) [209] ainsi que la réduction des vibrations [131], par shunt piézoélectrique par exemple [81,217]. 1.1 Matériaux piézoélectriques

Il existe plusieurs types de matériaux piézoélectriques pouvant présenter des proprié-tés piézoélectriques à l’état naturel tels que les cristaux ou à la suite d’un processus de polarisation induite tels les céramiques, les polymères ou les composites.

Les cristaux. Les premiers matériaux piézoélectriques découverts furent les cristaux car offrant des propriétés piézoélectriques à l’état naturel tels que le quartz, la tourmaline, le sel de Seignette ou encore le sucre. Leurs caractéristiques piézoélectriques sont liées à leur structure asymétrique ainsi qu’à la présence de liaisons ioniques entre leurs atomes.

Les cristaux furent au départ la source exclusive de matériaux piézoélectriques. Ce-pendant leur fragilité, la difficulté à les mettre en forme ainsi que leur faible couplage piézomécanique pose problème pour la plupart des applications et particulièrement celles ayant pour objectif d’exciter dynamiquement une structure, c’est pourquoi d’autres ma-tériaux sont privilégiés de nos jours.

Les céramiques. Une céramique est composée de grains soudés entre eux par frittage, ce processus de fabrication permet de façonner le matériau piézoélectrique sous une variété de formes et de tailles bien plus importante que pour les cristaux. Les céramiques présentent un couplage piézomécanique élevé, en contrepartie, ces dernières sont fragiles. De plus, la majorité de leurs paramètres piézoélectriques sont sensibles à la température [88], et sont susceptibles d’évoluer au cours du temps. Cependant, il est possible de les repolariser (voir sous-section IV.1.2) périodiquement afin de compenser ce vieillissement. Actuellement, les céramiques sont la forme de matériaux piézoélectriques majoritairement fabriquée et utilisée.

1. Éléments de piézoélectricité 107 L’une des principales familles de céramiques piézoélectriques est celle des PZT (aussi appelée Lead Zirconate Titanate en anglais) dont la composition contient de l’oxyde de plomb, du zirconium et du titane. Leur formule générale s’écrit A2+B4+O32– où A est un ion métallique bivalent (comme le plomb ou le baryum) et B est un ion métallique tétravalent (tel que le titane ou le zirconium). Les PZT sont en général formés de cristaux de zirconate de plomb Pb2+Zr4+O32– et de titanate de plomb Pb2+Ti4+O32– frittés dont la proportion dépend du fabricant. Ces céramiques peuvent être dopées, en remplaçant certains ions Zr4+/Ti4+par des ions de valence différente, Fe3+ou Nb5+, pour obtenir des céramiques dites respectivement dures ou douces, ayant des propriétés piézoélectriques différentes [89]. Ces termes sont empruntés au magnétisme, où l’on classe de la même manière les matériaux ferromagnétiques. Une cellule élémentaire d’un matériau céramique PZT est représentée sur la figureIV.1.

(a) Structure cubique non-polarisée (T > TC) (b) Structure tétragonale polarisée (T < TC) Figure IV.1 – Cellule élémentaire d’un matériau céramique PZT (adaptée de [211])

Les matériaux céramiques PZT sont caractérisés par deux états cristallins qui diffèrent en fonction de la température du matériau. Au-dessus d’une température appelée tem-pérature de Curie notée TC (entre 200°C et 350°C pour les PZT [88, 178]), les cellules élémentaires ont une structure cristalline cubique, illustrée sur la figure IV.1a, dans la-quelle les centres de gravité des charges positives et négatives coïncident : elles ne sont alors pas polarisées. Néanmoins, pour un milieu polarisé et une température en dessous du point de Curie, ces cellules ont une structure tétragonale, exposée en figure IV.1b, dans laquelle l’ion B4+ n’est plus au centre de la structure. L’effet piézoélectrique provient de cette propriété de polarisation.

Après frittage du PZT et à température ambiante, les directions de polarisation des cellules élémentaires sont réparties aléatoirement1 et la polarisation est statistiquement nulle à l’échelle macroscopique. Pour être utilisable, le matériau céramique doit alors être polarisé dans son intégralité. Cette étape est décrite dans la sous-sectionIV.1.2.

Les polymères. Les matériaux polymères et principalement le polyfluorure de vinyli-dène (PVDF de formule chimique générale [ CH2 CF2]net ses dérivés sont utilisés dans l’industrie pour leurs propriétés piézoélectriques. Comme les céramiques, il est nécessaire de soumettre les polymères à un processus de polarisation afin de bénéficier de leurs ca-ractéristiques piézoélectriques.

Le PVDF est plus souple, plus léger, et supporte des déformations plus importantes que

1. Plus précisément, le matériau est organisé en plusieurs grains. Chaque grain comporte plusieurs domaines ferroélectriques (ou domaines de Weiss) qui, eux mêmes, incluent plusieurs cellules élémentaires contiguës de même direction de polarisation.

108 Chapitre IV. Modélisation piézomécanique les céramiques et les cristaux, ce qui les rend propice à une utilisation en tant que capteur grâce à l’effet direct. Cependant, les coefficients piézoélectriques et les couplages piézomé-caniques de ces polymères restent modestes et ne permettent pas facilement l’utilisation de leur effet piézoélectrique inverse en tant qu’actionneur.

Les composites. Les matériaux composites, comme leur nom l’indique, sont un as-semblage de plusieurs matériaux : un matériau piézoélectrique, souvent sous forme de céramique, et un non-piézoélectrique pouvant être une résine époxy. Les assemblages les plus courants sont composés de fibres en matériau piézoélectrique céramique noyées dans une résine époxy ou d’un empilement de couches de céramique et de résine tel que le patch piézoélectrique Midé QuickPack10W [210] constitué d’une couche de céramique PZT en-capsulée entre deux couches de polymide. Les propriétés mécaniques et piézoélectriques de l’assemblage composite dépendent alors de la répartition et des liaisons mécanique entre les différents matériaux.

1.2 Processus de polarisation

Au contraire des cristaux qui présentent une polarisation naturelle, les matériaux cé-ramiques et plus particulièrement les PZT nécessitent d’être polarisés afin de bénéficier des effets direct et inverse de la piézoélectricité. Comme énoncé précédemment, après frittage du matériau et à température inférieure à la température de Curie, le matériau céramique ne présente pas de direction de polarisation privilégiée. Cet état est illustré sur la figure IV.3aet est le point de départ no1 du cycle d’hystérésis décrit ci-dessous faisant intervenir la polarisation P (exprimée en C.m−2) en fonction du champ électrique E (ex-primé en V.m−1) de la figure IV.2a et l’évolution du tracé "papillon" de la déformation ε (sans dimension), dans la direction d’application du champ électrique, en fonction du champ électrique E de la figure IV.2b.

Un important champ électrique est appliqué au matériau par l’intermédiaire d’une tension v aux bornes des électrodes, placées de part et d’autres de celui-ci et représen-tées en vert sur la figure IV.3. Par ailleurs, la disposition de ces dernières par rapport au milieu piézoélectrique définit la direction de polarisation du matériau. La polarisation P à l’intérieur du matériau croît non-linéairement tel qu’indiqué sur la courbe rouge de la figure IV.2a.

La polarisation ainsi que le champ de déplacement électrique D (exprimé en C.m−2) augmente à l’intérieur du matériau jusqu’à ce que chaque cellule élémentaire soit polarisée dans la même direction que le champ électrique E. À l’intérieur de chaque cellule élé-mentaire, les ions B4+ se déplacent dans la direction de l’électrode négative. Des charges électriques q s’accumulent dans les électrodes et un transfert de charges s’opère entre les électrodes pendant ce processus. L’état de saturation du matériau, dépeint par la fi-gure IV.3b, est alors atteint. À l’approche de cet état de saturation, la polarisation cesse de croître en fonction du champ électrique appliqué pour atteindre le point no2 de la figure IV.2a. La valeur de polarisation de saturation Ps est alors atteinte. Dans le même temps, le matériau s’étire dans la direction d’application du champ pour parvenir au point no2 de la figureIV.2b, tout en se rétractant dans les directions orthogonales.

Par la suite, la différence de potentiel v entre les électrodes est diminuée jusqu’à zéro. Les cellules élémentaires ne s’organisent pas comme à l’état initial no1 : la plu-part conservent leur orientation avec une polarisation vers l’électrode négative. Il subsiste ainsi une polarisation rémanente Pr, un déplacement électrique rémanent Dr à l’intérieur du matériau ainsi que des charges libres rémanentes qr à la surface des électrodes assurant

1. Éléments de piézoélectricité 109 un champ électrique nul. Un état de déformation rémanente longitudinale et transverse dans le matériau est aussi observé. La figure IV.3c explicite cet état se situant au point no3 des figures IV.2a etIV.2b.

Pour de petites variations du champ électrique autour de cet état de polarisation réma-nente, une déformation linéaire du matériau est crée autour de la déformation rémanente (point no3) ce que décrit la figure IV.2b. Au niveau macroscopique, le matériau présente désormais un couplage piézoélectrique.

Il est utile de remarquer qu’il est possible d’inverser la polarité du matériau ou de le dépolariser électriquement (et donc d’enlever ses propriétés de couplage piézomécanique) si un fort champ électrique de direction opposée à la polarisation est appliqué [178,211]. Le champ électrique permettant cette dépolarisation est nommé champ coercitif et noté Ec; celui-ci est représenté sur la figureIV.2a.

(a) Cycle d’hystérésis diélectrique (b) Tracé papillon

Figure IV.2 – Courbes caractéristiques d’un cycle de polarisation piézoélectrique (adaptée de [178])

(a) État non-polarisé (b) État saturé (c) État polarisé Figure IV.3 – États de polarisation d’un élément piézoélectrique (adaptée de [48]) 1.3 Mécanismes piézoélectriques

Les différentes caractéristiques des matériaux piézoélectriques sont définies dans un repère cartésien adoptant la notation de Voigt, utilisée dans le chapitre Ipour définir les équations de la dynamique d’un solide en rotation et dans le standard de la piézoélectri-cité [95]. Dans la plupart des articles sur la piézoélectricité, la direction 3 (selon l’épaisseur du matériau piézoélectrique) est fixée comme direction de polarisation de l’élément pié-zoélectrique. En partant de cette direction de polarisation, trois effets piézoélectriques macroscopiques, dépeints sur la figureIV.4, peuvent être observés :

110 Chapitre IV. Modélisation piézomécanique — L’effet « 31 » est principalement mis à profit dans les applications d’excitation de structure élastique. Un champ électrique est imposé suivant la direction de polarisa-tion, des déformations sont alors induites grâce au matériau piézoélectrique dans les deux directions orthogonales (1 et 2). Cet effet permet ainsi de coupler le mouvement de flexion de la structure aux grandeurs électriques lorsque le matériau piézoélec-trique est placé sur la peau de la structure élastique. Cet effet est notamment employé expérimentalement par Charleux et al. [28] sur des aubes de compresseur en rota-tion dans le but d’exciter les premiers modes de flexion puis Laxalde et al. [123] pour exciter les modes d’ensemble à diamètres d’un disque aubagé monobloc (DAM) en rotation.

— L’effet « 33 » lie le champ électrique appliqué dans la direction de polarisation et la déformation de la structure selon cette même direction. Swedowicz et al. [207] l’ont employé dans le cadre de l’excitation d’aubes de turbine en rotation.

— L’effet « 15 » provoque un cisaillement de l’élément piézoélectrique : un champ électrique est imposé orthogonalement à la direction de polarisation de l’élément piézoélectrique qui est alors soumis à du cisaillement [44] (selon la direction 5, tou-jours en utilisant les notations de Voigt). Afin que cet effet soit efficace, l’élément piézoélectrique doit être placé au cœur de la structure.

(a) Effet « 31 » (b) Effet « 33 » (c) Effet « 15 » Figure IV.4 – Mécanismes piézoélectriques classiques (adaptée de [215])

2 Formulation d’un problème piézomécanique linéaire

À la suite de la section présentant les propriétés, le comportement et les effets des matériaux piézoélectriques, une modélisation de ces derniers est primordiale afin de les intégrer à la modélisation numérique des aubes composites étudiées sur le module d’ex-périence PHARE#1. Cette modélisation permet ainsi une représentation plus complète d’un matériau piézoélectrique à partir de ses propriétés mécaniques et piézoélectriques, par rapport à d’autres modélisations simulant l’effet piézoélectrique inverse au moyen d’une contrainte de type thermique ou à partir d’efforts ponctuels et de raideurs ajoutées [29,64]. La finalité de cette sous-section est de détailler les équations permettant l’obtention d’une formulation éléments finis piézoélectriques autorisant un couplage piézomécanique entre une structure élastique et des composants piézoélectriques. Cette formulation élé-ments finis repose sur une formulation variationnelle des équations couplées du problème piézomécanique linéaire qui elle-même est développée à partir des lois de comportement linéaire de la piézoélectricité [95].

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