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Outils de mesure du stress et de l’anxiété

2 Méthode d’expertise

2.4 Qualité méthodologique des études

2.4.5 Outils de mesure du stress et de l’anxiété

Les outils actuellement disponibles afin de mesurer le stress émotionnel et psychologique peuvent être rangés en trois grandes catégories, selon les approches considérées. Les outils de mesure peuvent être centrés sur l’évaluation des facteurs de stress (approche environnementaliste), sur les réponses subjectives individuelles à ces facteurs (perception des facteurs de stress, de leurs contraintes, évaluation subjective des réponses de l’organisme, etc.), ou sur les réponses biologiques aux stresseurs (outils centrés sur l’évaluation objective, mesurable, des systèmes physiologiques activés en réponse aux facteurs de stress) (Koop et al. 2010).

Classiquement, en épidémiologie, l’approche du stress psychologique ou émotionnel se fait grâce à des questionnaires spécifiques le plus souvent auto-administrés ; cette approche, par l’auto-déclaration, privilégie l’expression du vécu et des signes subjectifs ressentis.

D’une manière générale, ce sont des questionnaires courts qui sont retenus pour des études sur de larges cohortes ; cependant, un compromis est nécessaire entre la rapidité de renseignement de ces questionnaires et leur précision pour l’évaluation du stress, c’est pourquoi un minimum de 4-5 questions semble nécessaire (Connor et al. 2007). Les questionnaires administrés par des entretiens en face à face restent rarement utilisés en raison de leur coût, de l’importance de l’apprentissage préalable pour leur administration, et de la longueur de leur traitement.

2.4.5.1 Les questionnaires environnementalistes.

Différents questionnaires ont été proposés dont les plus utilisés sont :

- le SRLE (Survey of Recent Life Experiences) (Dohrenwend et al. 1984 , Kohn et al.

1992). Ce questionnaire permet de collecter des informations sur plusieurs facteurs de contrainte émotionnelle, liés à la vie familiale, professionnelle, relationnelle (amis, intégration sociale, etc.) et matérielle. Suivant la version, le questionnaire comporte 51 ou 41 items regroupés en 6 catégories, les difficultés socio-culturelles, liées au travail, à la pression temporelle, les problèmes financiers, d’intégration sociale et le ressenti de victimisation sociale. La collecte des informations nécessite de 15 à 20 minutes. Les résultats obtenus avec ce questionnaire ont été mis en relation avec les résultats d’autres questionnaires mesurant le stress psychologique ou les effets ressentis du stress ; les corrélations sont en général bonnes, et le SRLE est considéré comme étant un bon outil de mesure des contraintes engendrées par l’environnement socio-culturel et professionnel ;

- le BSRS (Bergen Social Relationships Scale) (Mittelmark et al. 1999). Ce questionnaire est centré sur l’approche du stress d’origine sociale chez les adolescents et les adultes ; il est auto-administrable, contient 6 items, et nécessite 5 à 10 minutes pour être renseigné. Cet outil est considéré comme étant valide pour mesurer le stress chronique d’origine sociale, aussi bien dans la population générale que dans des groupes fragiles comme les personnes âgées (Kopp et al. 2010) ; - le JCQ (Job Content Questionnaire) (Karasek et al. 1985). Ce questionnaire est

spécialement conçu afin d’évaluer les risques pour la santé mentale de professions à de fortes charges psychologiques et de mesurer les contraintes psychologiques et sociales des métiers. Le questionnaire classiquement utilisé comporte 49 items qui permettent d’évaluer 21 aspects différents des métiers, regroupés en 5 domaines, ceux de la liberté de décision et de contrôle des prises de décisions, des contraintes psychologiques, du soutien social au sein du milieu professionnel, des contraintes physiques, et de la sécurité d’emploi. Le questionnaire est auto-administrable et nécessite 15 à 20 minutes pour être renseigné. Il a été validé dans de nombreux pays aux cultures différentes (Etats-Unis, Pays-Bas, Japon, Espagne, France, etc.), chez des hommes et des femmes exerçant près de 85 métiers différents.

Les évaluations de certains domaines ont été mises en relation avec des marqueurs de la santé mentale, et c’est ainsi qu’on a pu montrer que l’évaluation des contraintes psychologiques par le questionnaire était un bon prédicteur de la survenue d’épuisement psychologique et de burn-out, alors que l’évaluation de la liberté de décision était prédictive de signes cliniques d’intolérance des facteurs de stress comme la dépression et l’anxiété (Karasek et al. 1988).

- le ERI-Q (Effort-Reward Imbalance Questionnaire) (Siegrist et al. 1986). Ce questionnaire est aussi destiné à mesurer les effets chroniques du stress professionnel, partant de l’hypothèse que l’un des facteurs déterminants du stress psychologique au travail, c’est l’absence de retour favorable aux efforts consentis. Il repose sur une double approche, d’une part celle de l’origine extrinsèque du stress, liée à l’absence de retour positif et de gratifications au travail consenti, qui explore les relations entre les exigences de l’emploi et les retours favorables, et d’autre part celle de son origine intrinsèque, basée sur le niveau d’investissement du sujet à son emploi (et la détection d’états de sur-investissement). Ces deux origines peuvent avoir des conséquences sur le stress professionnel, de manière totalement indépendante, ou en étant intriquées.

Le questionnaire comporte 23 items dans sa version classique et 16 dans sa version courte (Siegrist et al. 2009), la durée d’administration varie de 10 à 15 minutes. Il a été validé dans de très nombreux pays, dont la France. Les résultats du

questionnaire sont exprimés par le rapport E/R qui représente le déséquilibre entre les efforts consentis au poste de travail (E) et les récompenses et satisfactions tirés de l’investissement (R). Des valeurs supérieures à 1 traduisent un investissement supérieur à la reconnaissance obtenue.

De nombreuses études ont démontré que le ERI-Q était un outil intéressant pour évaluer le risque d’effets secondaires de situations de stress professionnel, affectant l’état de santé physique et mentale.

2.4.5.2 Les questionnaires dits psychologiques

Ces questionnaires évaluent les conséquences psychologiques individuelles d’états de stress émotionnel. Les principaux de ces questionnaires sont :

- le PSS (Perceived Stress Scale) (Cohen et al. 1983) est l’un des plus utilisés afin d’évaluer la perception individuelle du stress émotionnel ; il mesure la manière dont un individu évalue une situation comme étant « stressante ». Les questions sont de nature très générale, ce qui fait que ce questionnaire peut être appliqué à de multiples situations ; il comporte entre 10 et 14 items à renseigner en répondant sur une échelle en 5 points, et est très rapide à administrer (5-7 minutes).

- La validité de ce questionnaire, sa fiabilité et sa répétabilité ont été évaluées au cours de multiples expérimentations, avec toujours des résultats très satisfaisants. Il a été traduit dans différentes langues et aucune spécificité culturelle ne lui a été reconnue, ce qui le rend utilisable dans tous les pays. Cet outil est donc utile aussi bien en épidémiologie chez des sujets sains qu’en clinique, et chez des sujets de différents niveaux socio-économiques.

- le BDI (Beck Depression Inventory) (Beck et al. 1996) permet d’évaluer la présence et la sévérité de signes de dépression chez les adolescents et les adultes. C’est un questionnaire auto-administrable qui comporte 21 items et nécessite 10-15 minutes pour être renseigné ; il permet de détecter la présence de signes somatiques, de perturbations affectives et cognitives associées à la dépression. Les réponses aux items se font sur une échelle en 4 points et le score global qui est obtenu en considérant les 21 items, permet d’estimer le niveau de gravité des signes de dépression. La dernière version de ce questionnaire est en cohérence avec les critères de signes de dépression grave tels que reportés dans le manuel diagnostique et statistique des maladies mentales (DSM-IV) (Beck et al. 1996).

Le BDI a été validé par de nombreuses études réalisées chez des adolescents et des adultes, sains ou porteurs de pathologies psychiatriques ou d’organes (maladie de Parkinson, troubles du comportement alimentaire, addictions, état d’anxiété). C’est un outil intéressant d’évaluation des signes de dépression, même si certains items ne sont pas spécifiques de ces états.

- le BSCI (Brief Stress and Coping Inventory) (Rahe et Tolles 2002) permet d’apporter des informations importantes sur différents domaines du stress émotionnel et les stratégies d’accommodation au stress (« coping »). Le questionnaire comporte près de 180 items et nécessite 30 minutes pour être renseigné. Ces items permettent d’estimer 5 échelles du stress (prenant en considération les manifestations psychologiques, physiques du stress émotionnel, les modifications comportementales) et 5 échelles de stratégies d’accommodation au stress (habitudes de vie, support social, techniques de maitrise du stress, motifs de satisfaction de vie, etc.). Chacune de ces composantes (de caractéristiques du stress et de « coping ») est quantifiée, normalisée ; le score global de BSCI représente l’ensemble des scores de caractérisation du stress auquel on soustrait le score de « coping ». Un score négatif traduit un niveau de stress supérieur aux capacités de défense de l’individu.

Le BSCI est un outil parfaitement validé, qui tient une place importante pour mettre en relation les facteurs de stress individuels liés à l’environnement socio-professionnel et les stratégies d’accommodation au stress.

En conclusion, il existe différents outils d’évaluation des facteurs de stress (approche environnementaliste), ou des réponses subjectives individuelles à ces facteurs (évaluation subjective des réponses de l’organisme) sous forme de questionnaires utilisables en épidémiologie. Ces questionnaires ont tous une spécificité propre, ce qui les indique en fonction des objectifs précis des enquêtes. A ce propos, il existe des outils spécifiques de l’évaluation des facteurs de stress dans le monde du travail, et des réponses individuelles des employés soumis à ces régimes de pressions physiques et psychologiques (Tabanelli et al. 2008). L’évaluation objective des réponses aux facteurs de stress, centrée sur des mesures des systèmes physiologiques (mesure du cortisol salivaire, plasmatique, des catécholamines, etc.), reste circonscrite aux travaux de recherche clinique.