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Partie 3 – Comment enrayer le phénomène de logements vacants ?

3.3 Outils et dispositifs existants pour réhabiliter le parc privé ancien :

3.3.4 Les outils coercitifs :

Si les outils incitatifs et les outils de substitution ont en commun la caractéristique de reposer sur la bonne volonté des propriétaires privés et d’être essentiellement financiers, les outils coercitifs reposent quant à eux principalement sur des procédures juridiques. Car il ne s’agit plus d’inciter, mais bien de contraindre le propriétaire à l’action.268

a. L’arrêté d’insalubrité ou de péril

Le maire et les préfets peuvent exercer des pouvoirs de police administrative en matière de sécurité et de salubrité publique. L’arrêté d’insalubrité ou de péril permet de mettre en demeure un propriétaire de réaliser les travaux indispensables et, en cas de carence, de les effectuer d’office à la charge du propriétaire. Les travaux prescrits ne peuvent toutefois (à moins qu’il s’agisse d’un monument classé) dépasser ce qui est nécessaire à la sortie de péril ou d’insalubrité, ce qui limite considérablement la portée de cet outil en matière patrimoniale.

L’arrêté d’insalubrité est de la compétence du préfet : lié par l’avis du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST) qui se prononce sur l’état d’insalubrité constaté par le Service communal d’hygiène et de sécurité (SCHS) ou par l’Agence régionale de santé (ARS). Lorsque ces services constatent un danger imminent, le préfet – qui se situe alors dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire – peut prescrire les mesures qu’il juge nécessaires sans avoir recours à l’avis du CODERST.

L’arrêté de péril : intervient en cas de danger pour la sécurité des occupants et/ou du public. Il relève du règlement sanitaire départemental (RSD) et la procédure est mise en oeuvre par le maire. Les services de l’Etat ont toutefois pour responsabilité d’aider et d’accompagner les communes et, en cas

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DEVERNOIS, Nils et alii. Gestion du patrimoine urbain et revitalisation des quartiers anciens : l’éclairage de

l’expérience français. Collection à savoir n°26 AFD, 2014, 218p.

Logements vacants : conséquence ou révélateur des inégalités territoriales ? p135/204 de défaillance du maire, le préfet se substitue à ce dernier). Lorsque le danger est réel et immédiat, une procédure de «péril imminent» peut être engagée.

A noter que dans la majorité des cas, les désordres évoqués dans les plaintes "habitat" ne relèvent pas de l'insalubrité mais du RSD.

Les arrêtés d’insalubrité et de péril produisent les mêmes effets, à savoir : - la suspension immédiate des loyers des occupants ;

- la prescription de travaux obligatoires (dans la limite de ce qui est nécessaire à la sortie de péril ou d’insalubrité) ;

- l’obligation, pour le propriétaire, de prendre en charge le relogement de ses locataires ;

- l’obligation, pour l’autorité publique, de prendre en charge les travaux d’office et le relogement en cas de carence du propriétaire. La responsabilité en revient logiquement au maire. Le propriétaire ne bénéficiant pas du droit de délaissement, l’autorité ayant pris en charge les travaux et le relogement, peut recouvrir les travaux de sortie du péril ou de l’insalubrité auprès de lui.

A noter que l’arrêt d’insalubrité (ou sa menace) et ses conséquences juridiques, financières et éventuellement pénales relèvent de la police et non de l’aménagement.

Il évite le transfert, sur la collectivité, des coûts d’expropriation et de relogement des occupants.

b. L’ORI de droit commun

L’opération de restauration immobilière est un outil coercitif permettant d’obliger les propriétaires d’immeubles dégradés à mettre en œuvre des travaux de restauration et de mise en état d’habitabilité, sous peine d’expropriation. Lorsqu’elles ne sont pas prévues par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé, les ORI doivent être déclarées d’utilité publique.

L’ORI permet d’engager une déclaration d’utilité publique (DUP) et de contraindre les propriétaires à réaliser les travaux prescrits sous peine d’expropriation.

Les ORI concernent des opérations financièrement très importantes. Elles s’adressent donc plus à des promoteurs qu’à des propriétaires individuels. Ces opérations modifient sensiblement le visage d’une ville. Ainsi, à partir d’un constat d’importantes dégradations, de risques pour la population ou plus largement d’un problème de cadre de vie, la collectivité lance un diagnostic, réalise une analyse juridique de la situation et travaille avec les promoteurs qui souhaitent réhabiliter des îlots entiers. Une fois les travaux prescrits, le propriétaire doit les réaliser dans un délai de deux ans.

Cet outil coercitif est utilisé pour amorcer une dynamique de revalorisation dans des quartiers très dégradés où les propriétaires sont parfois insolvables ou introuvables. 269

Dans le cas où le propriétaire fait défaut, la commune peut procéder à l’expropriation et mener l’ORI en régie ou en concession (en général, le passage par un opérateur de type SEM ou EPL est préféré pour des raisons de trésorerie). Mais la commune a souvent avantage, notamment pour des raisons de coûts, à faire réaliser les travaux par les propriétaires eux-mêmes. La combinaison OPAH-ORI peut alors s’avérer un outil intéressant dans la mesure où elle permet, d’une part, d’inclure l’ORI dans un dispositif plus vaste de conduite de projet et d’accompagnement des habitants et, d’autre part, de coupler les caractères coercitif et incitatif (les subventions ANAH étant majorées en périmètre OPAH). Cette combinaison peut également être envisagée en AVAP ou secteurs sauvegardés, l’OPAH permettant, dans ce cas, d’ouvrir des aides aux propriétaires moins nantis tirant peu avantage de la fiscalité Malraux.

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c. La taxe d’habitation sur les logements vacants

La mobilisation du parc existant passe par des mesures incitatives mais aussi contraignantes et punitives telle la taxe annuelle sur les logements vacants (TLV). L'idée du législateur est, dans un contexte de nécessaire mobilisation du parc existant, de sanctionner les propriétaires qui laissent volontairement des logements inoccupés en les frappant d'une taxe. Instituée par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, la taxe a été renforcée depuis le 1er janvier 2013 (extension des zones concernées, durcissement de la notion de vacance et augmentation du taux de la taxe) pour une plus grande efficacité. La taxe est perçue au profit de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et du budget général de L'État.

Depuis 2007, les communes non concernées par la TLV, peuvent décider de soumettre les logements vacants à la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV), à condition qu’ils soient inoccupés depuis 5 années consécutives au janvier de l’année d’imposition.

Code général des impôts, CGI., Article 232 :

«I.- La taxe annuelle sur les logements vacants est applicable dans les communes appartenant à une

zone d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, qui se caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d'acquisition des logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée.

II.- La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins une année, au 1er janvier de l'année d'imposition.»

Code général des impôts, CGI., Article 1407bis :

«Les communes autres que celles visées à l'article 232 peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues à l'article 1639 A bis, assujettir à la taxe d'habitation, pour la part communale et celle revenant aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre, les logements vacants depuis plus de deux années au 1er janvier de l'année d'imposition.»

Les résultats sont mitigés. Pour le cas du Grand Angoulême, par exemple, cela a entraîné une baisse des logements vacants, surtout au cours de la première année du dispositif. Mais cette taxe fait aussi l’objet de contentieux, les contribuables contestant le recouvrement, ce qui participe à augmenter considérablement les frais de gestion.270