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Partie 2 Logements vacants : conséquence ou révélateur des inégalités

2.3 Conclusion partie 2

Le changement des modes de vie et l’accroissement de la mobilité, malgré les coûts croissants de l’énergie, ont profondément modifié l’équilibre entre les petites communes et les agglomérations urbaines en éloignant les pratiques sociales des habitants par rapport au centre des communes dans lesquelles ils vivent. Avec la concentration des activités sur les pôles principaux, certaines communes rurales connaissent un manque d’attractivité et de vitalité. Indéniablement, le rôle du centre-bourg dans la vie sociale des communes a changé. Les habitants vieillissent, les commerces se délocalisent ou se déplacent en périphérie. Les pratiques sociales se diversifient et les lieux traditionnels de rassemblement ont perdu de leur capacité à fédérer. Malgré cela, les centres-bourgs sont encore aujourd’hui au coeur de l’image des communes et de l’identité de leurs habitants. Cette image est ancrée dans l’histoire, mais désormais davantage liée au patrimoine, à l’architecture, au paysage et cadre de vie, plutôt qu’à l’usage qu’en font les habitants.194

Le développement urbain réalisé sous forme de lotissements en périphérie, au gré des opportunités foncières, constitue toujours encore le modèle traditionnel de développement pour ces communes. Or, ce modèle s’avère fortement consommateur d’espace et ne consolide pas l’attractivité du centre.

la nécessité de changer de paradigme… ?

Le parc privé ancien représente un véritable enjeu pour l’urbanisme de l’existant. A ce titre, les centres anciens des villes petites et moyennes constituent de longue date déjà l’un des terrains d’action favoris des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH). Ils illustrent l’articulation entre une préoccupation pour la mise à niveau du parc de logements et un souci plus global de redynamisation de centres souvent concurrencés par l’habitat périurbain et le grand commerce de périphérie. 195

L’objectif est de donner une nouvelle attractivité à ces quartiers à forte valeur patrimoniale, tant pour y travailler ou y consommer que pour y résider. C’est là un défi de taille pour beaucoup de villes centres dont le rôle moteur au sein de leurs agglomérations se trouve fragilisé par un déclin démographique dont les conséquences sont multiples, y compris sur le plan fiscal.

La problématique pour les centres-bourgs des communes périurbaine ou rurales plus éloignées est identique. Comment faire en sorte qu’ils acquièrent des atouts concurrentiels face à l’offre pavillonnaire périphérique ?196

Sur notre territoire d’étude du Niortais, les aspirations des ménages restent dirigées vers l’habitat individuel qui demeure un horizon très largement partagé. Dans cette échelle d’agglomération, l’émergence d’un mode de vie urbain est relativement lente : les ménages sont à la recherche d’un environnement maîtrisé, et d’un besoin de réassurance sociale quand leur avenir professionnel ou familial demeure incertain.197

Cependant, certaines observations donnent à penser l’arrivée d’un changement de paradigme. La population vieillissante sur le territoire Niortais sera à la recherche d’un environnement social et urbain différent, proposant de la proximité de commerces et de services. Les obligations environnementales s’imposent déjà sur le plan normatif (Lois «Grenelle» ou ALUR), mais elles sont aussi de plus en plus intégrées par les individus. De même, le coût de l’étalement urbain sera de plus en plus difficile à assumer par les ménages et les collectivités.

194 Fiche action n°2-2-5, Maintenir des centres-bourgs attractifs et dynamiques, Parc naturel régional

d’Armorique, 2015, 4p.

195 DRIANT, Jean Claude. Conférence «l'habitat privé : essentiel pour les politiques locales», 2013. 196

Ibid.

Logements vacants : conséquence ou révélateur des inégalités territoriales ? p100/204 C’est peut-être aussi avec l’affirmation des principes du développement durable, la réduction de l’espace foncier consommable et l’augmentation des coûts de construction, que l’idéal de la maison individuelle pourrait être remis en cause, inversant ainsi la tendance de flux migratoires venus chercher un espace de vie moins dense qu’en ville.198

Les ressources et usages des territoires ruraux ont un impact qui dépasse le cadre local et qui s’etend aux aires urbaines, ils bénéficient à l’ensemble du territoire. Ces territoires recèlent en leur sein des éléments qui nous sont à tous essentiels: l’alimentation avec les terres agricoles, l’énergie renouvelable notamment avec la forêt, la biomasse, le réseau hydraulique et les vastes surfaces exposées aux vents, la biodiversité avec les sites naturels et le maillage des trames verte et bleue; les matières premières notamment pour la construction et l’industrie...199

Les aménagements des zones rurales peuvent avoir des effets sur la modulation du réchauffement climatique200 et sur la réduction de la vulnérabilité des territoires aux risques d’inondation (Cas de la région de Tours où des communes rurales prennent acte de l’inconstructibilité et développent des activités de loisirs et de tourisme de proximité, au bénéfice des villes voisines, en échange de la solidarité métropolitaine). 201

La prise en compte de ces ressources et services devrait permettre et aboutir à une solidarité entre les territoires urbains et ruraux, y compris en terme financier.

Ce changement de paradigme économique peut paraître utopique sur le territoire Niortais, au regard du poids économique que représente le secteur des mutuelles d’assurances en termes de flux financier… Pourtant, c’est un territoire ancré dans l’économie sociale et solidaire, qui a été le berceau de la solidarité paysanne à la suite de la catastrophe du phylloxéra dans les années 1850- 1880. Au début du 20e siècle, il voit naître le premier syndicat agricole, la première boulangerie coopérative, une coopérative de battage et la première caisse d'assurances agricoles.202

L’enjeu est bien d’ordre politique, au sens «jeu institutionnel et décisions portées par les élus» et aussi au sens de notre «capacité collective à débattre, inventer, évaluer, agir et influer sur le devenir de nos territoires.»203

Les territoires ruraux sont en droit et devoir de revendiquer une force de projet et une capacité d’action qui leur soit propre. 204 «Retrouver une dynamique qui repose sur ses propres ressources est vital pour l’économie, mais aussi vital culturellement et politiquement.» (BONNET, 2016)

«Demain, les espaces de faible densité représenteront peut-être un atout décisif dans un monde où la gestion durable des ressources naturelles fournira la base d’une nouvelle richesse des nations». (ESTEBE, 2015)

198 Quelles politiques d’accueil pour quelle attractivité durable des territoires ruraux ? Collectif Ville Campagne,

2008, 84p

199 BONNET, Frédéric. Aménager les territoires ruraux et périurbains, Ministère du Logement, de l’Égalité des

territoires et de la Ruralité, 2016, 129p.

200 Projet Grand Paris d’Alfred Peter, qui propose un reboisement massif aux franges urbaines pour générer une

baisse des températures dans l’aire urbaine parisienne.

201

BONNET, Frédéric. Aménager les territoires ruraux et périurbains, Ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, 2016, 129p.

202 http://wiki-niort.fr/

203

BONNET, Frédéric. Aménager les territoires ruraux et périurbains, Ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, 2016, 129p.

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… Les quartiers anciens ne sont-ils pas les écoquartiers de demain ?

205

Les politiques de l’habitat s’inscrivent dans un développement résidentiel soutenable d’un point de vue environnemental et social. Préoccupation croissante des institutions publiques, elle a été réaffirmée par la loi du 12/07/2010 dite «engagement national pour l’environnement» (Grenelle 2) qui a fait de la lutte contre l’étalement urbain et la réduction de la consommation d’espace un objectif central du développement économique et résidentiel. Il existe donc bien une nouvelle chance pour de l’habitat individuel dense : les centres bourgs, qui redeviennent des secteurs à enjeux de lutte contre la vacance. L’attractivité de l’habitat dépend de plus en plus des aménités de l’environnement : il faut dorénavant penser le logement comme un des éléments constitutifs d’un projet urbain.206

Si les centres-bourgs sont des exemples de formes urbaines compactes et qualitatives, ils permettent aussi de développer une qualité de l’espace public et des structures urbaines mixtes (socialement, économiquement, fonctionnellement….). Même s’ils ont perdu de leur attractivité, ils ont conservé de véritables pratiques de la gouvernance partagée, des modes de consommation locale, la possibilité de circuler à pieds et à vélo, autant de moyens qui peuvent amener à proposer la rencontre et permettre aux habitants de construire ensemble des quartiers et des voisinages. 207 Derrière le slogan volontairement «marketing» de la question, il faut relever la volonté des collectivités, organismes institutionnels publiques et élus de faire projet autour de la lutte contre la vacance. Car il s’agit bien d’un enjeu de Développement Durable, l’habitat recouvrant bien les trois piliers en termes d’enjeu social, économique et environnemental. Les centres-bourgs ont tous les atouts du Développement Durable, sur lesquels il va falloir s’appuyer pour mettre en oeuvre un urbanisme durable, et au dela, redynamiser un territoire rural en déprise.

«La ville n’est par définition pas durable, elle ne doit pas être figée, elle se transforme en permanence. Trop souvent, le souci de l’environnement prend la place du social. C’est très bien de faire des quartiers économes en énergie, mais la durabilité ne doit pas être un surcoût pour les plus pauvres. L’urbanisme du développement durable n’est pas une recette unique, il doit pouvoir s’appliquer à la ville dense comme aux lotissements, aux tours comme aux maisons individuelles, aux autoroutes comme aux transports collectifs. La Ville durable doit être un compromis entre les exigences économiques, sociales et environnementales.» (ASCHER, 2009)

L’urbanisme du développement durable s’appliquera-t-il aux centres-bourgs anciens des communes rurales ?

205 En référence aux rencontres régionales de l’aménagement et de l’habitat en Poitou-Charentes du 17

septembre 2015 sur le thème «Quartiers anciens, écoquartiers de demain»

206 PLH 2016-2021, CAN, Orientations stratégiques à horizon 2030, Novembre 2015, 137p.

207

Etude de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France, Renouvellement urbain des centres-bourgs, Vers une innovation sociale et économique, 2015, 42p.

Logements vacants : conséquence ou révélateur des inégalités territoriales ? p102/204

Partie 3 – Comment enrayer le phénomène de logements