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La question des dispositifs d’aide à la RI a fait l’objet de nombreux travaux de recherche depuis quelques années. En psychologie, les premiers travaux sur des dispositifs de guidage en environnement informatisé ont étudié comment des dispositifs métatextuels peuvent soutenir les activités de navigation et de compréhension ou compenser les difficultés des utilisateurs. Les dispositifs de guidage étudiés sont de nature variée et prennent par exemple la forme de signaux structurant l’information, d’éléments de mise en saillance pour guider l’attention de l’utilisateur, de diagrammes (cartes conceptuelles présentant le contenu de l’hypertexte et sa structure), ou de systèmes de prévisualisation des contenus via des escamots (Caro & Betrancourt, 1998 ; Bétrancourt & Caro, 2006).

Les recherches conduites se focalisent généralement sur la facilitation des processus de compréhension (aider les utilisateurs à repérer et extraire les informations pertinentes et à en élaborer une représentation mentale cohérente) (Bétrancourt & Caro, 2006) ou sur l’aide à la navigation (pour élaborer un chemin de navigation cohérent et permettre aux utilisateurs de naviguer entre des pages web sémantiquement liées et cohérentes entre elles) dans le cadre d’activités finalisées en situation d’apprentissage (Bétrancourt & Caro, 2006). De nombreux travaux se sont, par exemple, intéressés aux effets des outils d’aide à la RI pour de jeunes apprenants en classe (Gauducheau, Cuisinier, & Garitte, 2008). Toutefois, très peu de recherches ont à ce jour été menées auprès d’adultes âgés.

Puisque l’analyse de la tâche de RI avec moteur de recherche semble pointer que les difficultés des utilisateurs âgés sont principalement liées aux activités de reformulation et d’analyse des pages de résultats, le présent chapitre interroge deux types d’outils d’aide à la RI existants : les dispositifs d’aide à la reformulation (§3.1.1) et d’aide à l’élaboration d’une représentation mentale cohérente de l’environnement de recherche (§3.1.2)

73 3.1.1 Dispositifs d’aide à la reformulation de requêtes

En informatique, de nombreux dispositifs d’aide à la recherche d’informations avec moteur de recherche ont été investigués. Une grande partie des travaux menés s’articulent autour des dispositifs d’aide à la formulation et reformulation de requêtes (Anick, 2003 ; Jansen & Booth, 2009 ; Kim, Seo, Croft, & Smith, 2014 ; Martinsky & Navrat, 2012 ; Smith, Gwizdka, & Feild, 2017).

Les outils d’assistance à la reformulation consistent généralement en des suggestions de requêtes sémantiquement liées à celle(s) de l’utilisateur. Ces requêtes suggérées fournissent une extension sémantique de la requête en cours de l’utilisateur. Elles apparaissent à proximité de la barre de requête du moteur de recherche, et ce, soit après la validation de la requête par l’utilisateur, soit pendant que celui-ci entre sa requête (Martinsky & Navrat, 2012). Ces extensions se font sur la base de différentes méthodes (Chang, Ounis, & Kim, 2006 ; Jansen & Booth, 2009 ; Karisani, Rahgozar, & Oroumchian, 2015 ; Kim et al., 2014 ; Martinsky & Navrat, 2012 ; pour une revue des techniques, cf. Silvestri, 2009) :

 Par expansion sémantique : le moteur de recherche rassemble de nouveaux termes liés à ceux de la requête en s’appuyant sur des données recueillies auprès d’autres utilisateurs.

 Par traitement des données : le moteur de recherche homogénéise les termes utilisés dans la requête de l’utilisateur (e.g. réduire les termes utilisés à la racine, corriger les fautes d’orthographes, enlever la ponctuation, …)

 Par évaluation : le moteur de recherche évalue la pertinence des termes grâce à des règles internes (i.e. algorithmes) et propose de nouveaux termes jugés pertinents (en fonction des co-occurrences des termes, de la fréquence des termes, de la position des termes dans les résultats du moteur de recherche, du contenu des pages web et documents précédemment ouverts par l’utilisateur, etc).

L’objectif de ces différentes méthodes d’aide à la reformulation est de combler l’absence de termes pertinents dans la requête de l’utilisateur en lui suggérant des termes nouveaux qui pourraient ensuite l’aider à accéder à des documents web potentiellement pertinents pour lui. Il s’agirait donc de permettre aux utilisateurs de continuer à explorer de nouvelles pistes de l’espace-problème de la recherche en suggérant de nouvelles requêtes à moindre coût cognitif. Les résultats empiriques montrent cependant des résultats inconsistants sur les effets de ces outils d’aide sur l’activité. Pour certains travaux, ces techniques d’aide à la reformulation

74 améliorent les performances et le nombre de documents pertinents accessibles (Fonseca, Golgher, Possas, Ribeiro-Neto, & Ziviani, 2005), aident les utilisateurs à élaborer de nouvelles solutions et chemins de navigation pour trouver l’information cible (Kelly, Gyllstrom, & Bailey, 2009) et permettent l’élaboration de nouvelles stratégies de recherche (O’day & Jeffries, 1993 ; Teevan, Alvarado, Ackerman, & Krager 2004). Pour d’autres, ces techniques sont souvent mal utilisées par les utilisateurs et peu fructueuses (Meadow, Hewettt, & Aversa, 1982 ; Anick, 2003 ; Smith et al., 2017). Du point de vue de la psychologie cognitive et ergonomique, ces outils d’aide centrés sur le système et non sur l’utilisateur et ses besoins présentent de nombreux inconvénients :

 Ces outils ne prennent pas en compte les caractéristiques des utilisateurs, comme le niveau de connaissances sur le domaine de la recherche ou sur le système de recherche. Ainsi, les requêtes suggérées par l’outil peuvent être trop complexes pour les utilisateurs (termes sémantiquement techniques) ou les utilisateurs peuvent ne pas savoir comment utiliser ces outils ni à quel moment. Par exemple, voir une suggestion de requête s’afficher en parallèle de la sienne (et juste en dessous de sa propre requête) peut être perturbant pour un utilisateur ayant de faibles connaissances et peu d’expériences sur un système de recherche. Cet aspect serait particulièrement critique pour les adultes âgés qui sont moins flexibles et sont plus sensibles aux interférences provoquées par des informations compétitives que les adultes jeunes (Eppinger et al., 2007).

 Ces outils ne prennent pas en compte le contexte de la recherche. L’absence de prise en compte du contexte peut générer quelques problèmes dans les requêtes suggérées comme par exemple dans le cas de termes polysémiques ou de synonymes (Zazo, Figuerola, Berrocal, & Rodriguez, 2005). En outre, du fait même de l’absence de contexte, ces outils d’aide à la (re)formulation ne proposent des suggestions pertinentes que lorsque les utilisateurs formulent des requêtes longues contenant beaucoup de mots-clés (Zazo et al., 2005). Ainsi, plus les requêtes produites par les utilisateurs sont courtes, plus le moteur de recherche risque de mal interpréter son sens (Xu & Croft, 2000).

 Ces outils peuvent parfois prendre du temps et ralentir le fonctionnement du moteur de recherche (Martinsky & Navrat, 2012).

 Ces outils génèrent un coût cognitif supplémentaire pour son utilisateur. En effet, pour traiter la requête suggérée par l’outil d’aide, l’utilisateur doit allouer des ressources à

75 la compréhension de la requête et à l’évaluation du lien entre la requête suggérée par l’outil et celle formulée par l’utilisateur. L’évaluation de la proximité sémantique entre la requête de l’utilisateur et celle que le système d’aide à la reformulation lui suggère peut ainsi saturer les ressources disponibles en MDT et causer des difficultés, en particulier pour des utilisateurs novices (He, Erdelez, Wang, & Shyu, 2008) et/ou pour des utilisateurs âgés. De plus, la requête suggérée par ces systèmes d’aide peut ne pas être compatible avec le modèle mental du besoin informationnel élaboré par l’utilisateur. Cela pourrait entraîner une mauvaise utilisation de l’outil, une hausse de la frustration ressentie et nuire à l’activité (Jonassen & Erdelez, 2005 ; He et al., 2008). Des travaux en informatique montrent en effet que lorsque le système de recherche modifie la requête d’un utilisateur ou suggère une requête qui interfère avec la représentation mentale que l’utilisateur a élaborée de son besoin informationnel, l’activité de RI est dégradée (Muramatsu & Pratt, 2001).

 Ces outils exigent en outre que les utilisateurs traitent des informations (i.e. les requêtes suggérées) qu’ils n’ont pas forcément demandées. Or les travaux en RI montrent que les âgés sont particulièrement sensibles aux distracteurs et aux éléments qui interfèrent avec la tâche principale du fait du déclin de l’inhibition (Connelly et al., 1991). Ainsi, allouer des ressources au traitement des requêtes suggérées peut être une activité compétitive avec la tâche principale et peut augmenter la charge cognitive extrinsèque (Sweller, 1994) au détriment de l’activité de RI.

 Les travaux de recherche sur les outils d’aide à la reformulation de requêtes s’intéressent peu à l’utilisation effective de ces outils pendant l’activité de RI (i.e. comment et quand les utilisateurs se servent des requêtes suggérées). Niu et Kelly (2014) étudient l’évolution de l’utilisation des requêtes suggérées au fur et à mesure de l’activité de RI. Leurs résultats montrent que les utilisateurs se servent des outils d’aide à la reformulation en fin de RI (i.e. après avoir exploré par eux-mêmes leurs propres chemins de navigation). Des résultats contraires sont montrés dans les travaux de Smith et collaborateurs (2017) : les utilisateurs (jeunes étudiants) sont plus susceptibles d’utiliser les requêtés suggérées par le module d’aide en tout début de RI (lors de la première requête produite).

76 3.1.2 Dispositifs d’aide à la RI pour les adultes âgés par soutien aux interactions avec l’environnement de recherche

Une grande partie des travaux menés sur les dispositifs d’aide à la RI s’est intéressée aux dispositifs soutenant l’élaboration d’un modèle mental cohérent de l’hypertexte avec lequel les utilisateurs interagissent. Il s’agit alors de compenser les contraintes induites par la dématérialisation des documents électroniques qui imposent aux utilisateurs d’élaborer eux- mêmes un chemin de navigation le plus cohérent possible sans forcément disposer d’une structure linéaire (Amadieu, van Gog, Paas, Tricot, & Mariné, 2009 ; Dambreville, & Bétrancourt, 2001). Ces dispositifs prennent généralement la forme de cartes conceptuelles, de graphes, de plan ou tables des matières plutôt hiérarchisés et/ou sémantiquement cohérents (les cartes conceptuelles représentent les liens sémantiques entre les différentes pages web d’un hypertexte par exemple). Ces travaux de recherche sont intéressants car c’est une des rares pistes de recherche récemment développée pour soutenir l’activité de RI des adultes âgés. De récents travaux ont en effet investigué les effets d’un dispositif de prévisualisation des pages web sur les capacités des utilisateurs jeunes et âgés à planifier leur recherche (Djouani, Caro, Boucheix, Bugaiska, & Bergerot, 2011 ; Djouani, Caro Dambreville, & Boucheix, 2014). L’objectif de la première expérimentation conduite était de réduire le coût en MDT du traitement et de la manipulation des informations sur internet en permettant aux utilisateurs de pré-visualiser les pages web d’intérêt en transparence sans avoir à naviguer entre plusieurs pages web (Djouani et al., 2011). Dans cette étude, les auteurs demandaient à des participants (26 étudiants d’une moyenne d’âge de 20 ans et 10 adultes âgés d’une moyenne d’âge de 73 ans) de rechercher un appartement au sein d’un environnement hypertextuel expérimental présentant plusieurs logements. Le matériel consistait en un sommaire et une série de pages web structurées par critères de recherche d’appartement (ville, superficie, etc), dans des menus plus ou moins profonds. La tâche des participants était de trouver un appartement correspondant à plusieurs critères (jusqu’à 7 critères pour les tâches les plus complexes). Les utilisateurs recherchaient l’information cible soit de manière classique (groupe contrôle) en naviguant depuis le sommaire à travers les différents menus, soit grâce à une souris développée spécifiquement pour permettre les nouvelles interactions de prévisualisation (groupe expérimental). Cette souris expérimentale permettait, en pressant la paume de la main sur le corps et en effectuant un déplacement latéral de la souris sur un hyperlien, d’afficher une fenêtre escamotable présentant en transparence un aperçu du contenu de la page web. En relâchant la

77 pression de la main, la page web s’affichait comme si l’utilisateur avait classiquement cliqué sur le lien pour l’ouvrir.

Figures 3a et 3b : présentation de la modalité d’accès aux pages par prévisualisation en transparence

du contenu d’une page web; tirées de Djouani et al. (2011)

Les résultats n’ont pas mis en évidence d’interaction entre l’âge et la modalité de recherche (pré-visualisation en transparence vs contrôle) sur le temps passé à rechercher l’information et sur le nombre de pages web consultées. Toutefois, dans la condition « recherche en modalité de pré-visualisation en transparence », les utilisateurs étaient plus rapides, visitaient plus de pages web et déclareaint ressentir moins de charge mentale (évaluée par le Nasa TLX) que ceux du groupe contrôle. Ces résultats intéressants présentent des limites (outre le petit nombre de participants âgés) pointées par les auteurs. En effet, dans cette expérience, le seul fait d’accéder à l’information via un sommaire général (ici un plan global de l’hypertexte) permettait à moindre coût d’élaborer une représentation mentale du contenu et de l’organisation de l’hypertexte (ce qui n’était pas le cas de la condition contrôle où les utilisateurs ne pouvaient élaborer de représentation mentale de l’hypertexte qu’en naviguant à l’intérieur). Pour approfondir leurs investigations et pallier ces limites, les auteurs ont répliqué cette étude auprès de 31 jeunes adultes (M = 20 ans) et 28 adultes âgés (M = 70 ans) en manipulant trois conditions de recherche (Djouani et al., 2014) :

 Condition1 : L’utilisateur naviguait dans l’hypertexte depuis un sommaire hiérarchique général présenté sur la gauche de l’écran. Il naviguait ensuite dans l’hypertexte en ouvrant un ou plusieurs hyperliens (navigation classique proche d’une situation écologique).

 Condition 2 : L’utilisateur naviguait dans l’hypertexte depuis un plan détaillé présentant la structure de l’hypertexte (i.e. arborescence hiérarchique de toutes les pages web). Il

78 pouvait afficher à la demande (via un escamot) le contenu d’un lien en transparence en enfonçant le corps de la souris lorsque le curseur de la souris était sur un lien.

 Condition 3 : L’utilisateur naviguait dans l’hypertexte depuis un plan détaillé présentant la structure de l’hypertexte (i.e. arborescence hiérarchique de toutes les pages web). Mais il ne pouvait pas pré-visualiser le contenu d’un lien. Pour naviguer, il devait cliquer sur un lien (qui ouvre cette page web) et retourner en arrière s’il souhaitait consulter une autre page web.

Les auteurs ont ajouté à leur protocole des mesures des mouvements oculaires pour analyser en détails le parcours d’exploration visuelle de l’hypertexte. Les résultats ont montré que les adultes âgés passaient plus de temps que les adultes jeunes sur les pages web (temps de fixations oculaires plus longs) mais n’ont pas montré d’interaction entre l’âge et la modalité de navigation dans l’hypertexte. Les résultats ont également montré un effet principal de l’âge sur la charge mentale ressentie (plus importante pour les âgés) ainsi qu’une interaction. Dans la modalité recherche avec un plan détaillé mais sans possibilité de prévisualiser le contenu des liens, les adultes âgés déclaraient ressentir plus de charge mentale que les adultes jeunes (alors qu’aucun effet de l’âge n’apparaissait dans les conditions d’interaction classique ou avec plan et prévisualisation des pages web).

A l’inverse de précédents résultats (Caro, 2007) ces observations ne présentent donc pas d’effet facilitateur d’un plan (seul) du site pour les adultes âgés. Le plan du site (cf. figures 3a et 3b ci- dessus) a peut-être été trop complexe pour les adultes âgés (trop grand nombre de pages par menu et menu large) ou ne ciblait peut être pas assez spécifiquement les difficultés des adultes âgés.

3.1.3 Synthèse des principaux enjeux des dispositifs d’aide à la RI pour les adultes âgés Les recherches présentées sur les dispositifs d’aide à la RI mettent à jour un défi majeur : tout dispositif d’aide à la RI, qui a pour objectif de soutenir l’activité, exige de l’utilisateur des traitements supplémentaires. En effet, tout nouveau dispositif exige à minima de l’utilisateur des ressources supplémentaires pour se familiariser correctement avec l’outil, mais également d’allouer des ressources cognitives à l’utilisation de ce dispositif (ressources qu’il aurait pu consacrer au traitement de la tâche principale). Le risque de ces dispositifs est donc d’être trop complexes (par exemple un trop grand nombre d’interactions à réaliser et/ou une interface peu utilisable) et/ou de générer une hausse de la charge cognitive en augmentant la charge cognitive extrinsèque (inutile) (Sweller, 1994). Cette hausse de la charge cognitive en mémoire de travail risquerait en effet de saturer les ressources cognitives disponibles des utilisateurs et de dégrader

79 l’activité et la performance de la RI. Ce risque est critique pour les âgés qui font déjà face à de nombreuses difficultés en recherchant de l’information. Il est donc crucial pour ces outils de limiter au maximum leur coût cognitif (en minimisant les exigences de traitement, en étant utilisable, avec peu de fonctionnalités et des interactions claires, affordantes et faciles à comprendre) et de se focaliser sur les processus de la recherche qui posent le plus de problèmes pour les adultes âgés.

Suite à l’examen de la littérature sur les effets de l’âge en RI et les dispositifs d’aide à la RI existants, et puisque le rôle des connaissances en Ri pour les âgés est au cœur de notre problématique, la première piste d’investigation que nous développerons dans ce travail de thèse concerne l’optimisation du rôle des connaissances antérieures dans la recherche d’informations pour soutenir les interactions avec le moteur de recherche (§3.2).

3.2 Nouveau dispositif d’aide supportant l’utilisation des connaissances antérieures et les