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Chapitre 3 : Méthodologie

3.3 Méthode et instruments de collecte de données

3.3.3 Outil 3 : Observation participante

La troisième méthode de collecte de données s’est effectuée par l’observation participante des intervenants. Dans le but de trianguler les données, j’ai sélectionné trois villes pour y faire un séjour de 3 semaines, totalisant 45 jours de travail de terrain. Les deux premier sites ont été choisis pour des raisons fonctionnelles (contact en ville pour le logement), alors que le troisième a été choisi pour le sexe de l’intervenant qui différait des deux autres. Cette étape a permis d’approfondir la modélisation des stratégies d’interventions en plus de leurs tâches, leurs actions et leurs compétences, le tout pour parvenir à une vision globale des systèmes que représente le travail des intervenants en régionalisation dans les territoires étudiés. Malgré la période d’observation limitée, j’ai jugé pertinent de diviser mon temps sur trois terrains plutôt que de me concentrer sur un seul. Premièrement, l’alternative n’aurait permis que d’obtenir des données d’une étude de cas, ce qui n’était pas le but de cette recherche. Deuxièmement, cette technique m’a permis de faire ressortir les divergences et ressemblances des terrains et d’en tirer ma modélisation systémique.

Ces observations étaient nécessaires pour prendre en compte divers aspects inconscients ou involontairement mis sous silence de la part de certains intervenants. Des gestes, actions ou pensées peuvent paraître anodines pour les personnes concernées, ou comme le dirait Olivier de Sardan (2013), relevées du prédiscursif ou de l’infra-discursif, voire du silence ou de l’informulable (p.66), et c’est pourquoi je me devais d’être présente afin de les répertorier. Dans

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le cadre de ces observations, j’ai aussi participé aux activités des intervenants, même lorsqu'ils n’étaient pas en intervention directe avec un immigrant. Le but recherché était de connaître leurs démarches précédant et suivant une intervention, leurs tâches hors intervention et aussi les ressources et outils qu'ils allaient chercher et utiliser pour bien accomplir leur mandat. J’ai également eu la chance d’observer des interventions et interactions directes entre intervenants et personnes immigrantes. Le but ultime de ces observations était de répertorier les activités de ces premiers et de comprendre comment ils modelaient leur travail pour répondre aux différentes réalités et obligations du contexte, et d’en ressortir des stratégies. J’ai ainsi observé trois terrains qui m’ont permis de découvrir qu’il existe des similitudes comme des divergences dans le travail des intervenants en régionalisation de l’immigration.

De façon générale, j’ai suivi l’intervenant dans son quotidien, en respectant son horaire de travail. Dans la circonstance où l’intervenant avait un mandat à temps partiel, je n’ai suivi que l’horaire lié à l’immigration en m’installant à un bureau tout près de lui. Pour meubler les éventuels moments morts, j’avais prévu apporter du travail personnel ce qui a permis d’éliminer quelques résistances, de la part des intervenants, à ma bienvenue dans le milieu. En effet, cela a rassuré les intervenants qui se voyaient dans l’impossibilité d’offrir du matériel à observer ou encore de créer des situations d’intérêts. Le fait que je sois occupée permettait donc de recréer une ambiance qui se rapprochait du travail habituel de la personne.

À la suite des observations, j’ai tenu des échanges informels avec les intervenants ou les immigrants. Se rapprochant plus sous une forme de discussion, c’était d'une importance primordiale pour bien saisir le processus mental, les visions et les motivations des acteurs et aussi pour vérifier la compréhension des phénomènes observés. Sous l’angle d’une perspective constructiviste, je devais m’assurer de la signification donnée par les acteurs en regard à ces

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phénomènes. Lors de ces échanges informels, les principaux thèmes abordés étaient : les tâches, les outils et les compétences.

Thème 1 : Tâches

Pour les tâches, je notais de manière systématique ce que faisait l’intervenant en tentant de reconstituer leurs processus permettant d’accomplir celles-ci. Comme beaucoup de leurs tâches se faisaient sur ordinateur, je posais fréquemment la question « qu’es-tu en train de faire ? ». De plus, comme les actions et gestes posés par les intervenants pouvaient se montrer de façons ponctuelles, mensuelles ou annuelles, j’ai dû pousser l’observation pour m’assurer d’avoir une vision complète de ces actions. Pour ce faire, j’ai entretenu des discussions régulières avec les intervenants dans lesquelles deux techniques étaient utilisées. D’abord, nous faisions la chronologie des interventions auprès d’une ou plusieurs personnes immigrantes, qu’elles aient été sélectionnées par l’intervenant ou rencontrées lors de mes observations. Ensuite, lorsque j’avais observé l’intervenant faire une action, j’ai interrogé sur le processus :

 Pourquoi faire cela ?  Quel est le résultat visé ?  Quelles actions la précèdent ?  Quelles actions vont suivre ?

 En quelle circonstance faire cette action ?

Thème 2 : Outils

Dans le cas des outils servant à accomplir les tâches des intervenants, j’ai pris note de toutes activités qui témoignaient d’une recherche de support pour répondre à une demande. J’ai donc pris note de tout ce qui exigeait d’aller chercher de l’information pour accomplir une tâche. J’ai ainsi noté les navigations sur Internet, les demandes de conseils aux collègues, les appels à des personnes ressources du Ministère ou de la TCRI. J’ai également examiné le contenu, le cas

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échéant, des formations suivies antérieurement. J’ai aussi analysé la bibliothèque des intervenants en m’informant des livres qui avaient été lus et dans quel but. C’est finalement en posant des questions que j’ai pu approfondir le sujet avec mes répondants.

Thèmes 3 : Compétences

Beaucoup de recherches sur les compétences interculturelles ont été faites dans le domaine des sciences infirmières ou de la réadaptation physique (Campinha-Bacote, 2002 ; Vissandjée et Dupere, 2000). Dans ces professions, les personnes qui interviennent sont mobilisées selon un ordre chronologique cohérent aux façons de penser la réadaptation et les besoins des clients. « Chacun pose des gestes dont les limites sont prescrites ou permises par des ordres professionnels » (Gratton, 2013). L’absence de balises chez les intervenants observés complexifie la tâche d’évaluer la compétence. Dû à cette complexité d’évaluation, je me suis contentée d’observer ce que les intervenants considéraient comme étant des compétences nécessaires à l’accomplissement de leurs tâches. Cela permettait de sortir d’un discours officiel dicté par les mandats et les organismes, et de voir ce que les intervenants préconisaient comme prioritaire en rapport avec leur réalité de terrain. Cette question a donc été abordée dans les discussions et les questions ont gardé la forme prise en entrevue.

C’est à l’aide des données recueillies de mon questionnaire préliminaire, des entrevues téléphoniques et des neuf semaines d’observation terrain, que j’ai pu, après une modélisation attentive, faire émerger les stratégies d’intervention de mes répondants.

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