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Caractéristiques de l’immigration en région

Chapitre 4 : Contexte historique et ethnographique

4.1 Immigration en région

4.1.2 Caractéristiques de l’immigration en région

Bien qu’il soit extrêmement important de prendre en considération la réalité de chaque région (Vatz-Laaroussi, Bernier et Guilbert, 2013), certaines études tentent d’illustrer que l’intégration économique des immigrants en région se passe généralement bien. Particulièrement, une recherche menée pour Statistique Canada, par l’auteur et statisticien Bernard (2008), illustre,

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sous plusieurs angles, la meilleure situation économique des immigrants en région. Selon cette recherche, les revenus moyens des immigrants seraient plus élevés en région que dans les grands centres, avec une différence significative de 16 %. Il semblerait également que l’écart économique entre immigrants et locaux soit beaucoup moins élevé et diminue plus rapidement en région que dans les grands centres. Les immigrants de la région métropolitaine, installés au Canada depuis 10 ans, gagneraient en moyenne 10 % de moins que les locaux, alors qu’en région, ils gagneraient 2 % de plus que les locaux après seulement 4 ans au Canada (Bernard, 2008). Dans une perspective sociologique, des chercheurs pensent que l’insertion sociale est beaucoup plus facile, puisque le nombre limité d’immigrants force à l’intégration aux groupes locaux, ce qui parallèlement, accélère l’apprentissage du français (Lebel-Racine, 2008). On peut ainsi voir que pour plusieurs, « la région est un lieu où l’intégration est personnalisée, étant donné la faible proportion d’immigrants, que leurs conditions de vie sont meilleures qu’à Montréal, étant donné le coût de la vie plus faible, la diminution de temps dans les transports et l’augmentation de la qualité de vie familiale, etc. » (Vatz-Laaroussi, Duteau et Amla, 2015).

Il ne faudrait pourtant pas généraliser, puisque les discours recensés divergent. Il semble que malgré les succès économiques recensés des immigrants, parmi ces derniers, certains ont trouvé leur intégration difficile et le milieu fermé à la diversité. On rappelle notamment que les emplois disponibles dans les régions éloignées sont souvent mono-industriels, précaires, peu qualifiés et sans possibilité de promotions au sein de l’entreprise ou de la région (Vatz-Laaroussi, 2008). On peut en conclure qu’il est possible, voire facile, de se trouver un emploi en région mais comme le bien-être, l’épanouissement semble plus difficile à atteindre. C’est ainsi qu’une autre perspective de la question émerge, celle-ci a été étudiée dans diverses sciences sociales, telles l’anthropologie, la sociologie et les recherches féministes. En région, il a été démontré que

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les difficultés vécues par les personnes immigrantes étaient, à certains égards, différentes de celles vécues à Montréal. Un de ces obstacles est celui de ne pas bénéficier des réseaux naturels d’entraide que représentent les communautés culturelles, de se retrouver ainsi privé de ses multiples bénéfices.

Selon Breton (1983 : 23), la communauté d’attache est « un foyer d’entraide, un réseau de relations interpersonnelles et donc un lieu d’intégration sociale, où un ensemble d’institutions répondent aux besoins de la communauté ». Selon Jacob (1992), elle permet également de répondre à des besoins sociaux, psychologiques, sécuritaires et affectifs en diminuant l’effet du choc culturel. Pour Pierre (2005 : 84), la communauté d’attache est source de coutumes, modes de vie et valeurs qu’ont en commun ses membres. L’impossibilité de pouvoir jouir de ses avantages a des répercussions sur les personnes immigrantes, notamment l'isolement, la précarité ainsi que le peu d'investissement dans la localité (Cardu et Sanschagrin, 2002 ; Vatz-Laaroussi et Bezzi, 2010). Cela va sans dire qu’une autre difficulté se trouve dans la faible accessibilité aux services tels que l'aide à l'intégration des immigrants indépendants (Vatz-Laaroussi, Guilbert et Bezzi, 2010), ceux relatifs à la mobilité (Blain, 2005), ceux concernant le réseau scolaire (Krahn, Derwing et Abu-Laban, 2005) ainsi que ceux de la disponibilité de cours de francisation (Bilodeau, 2013).

On ne peut pas mentionner la difficulté des immigrants des régions sans parler du débat sur la perception de la communauté d’accueil face à l’immigration. Certains diront, à l’instar de Bouchard et Taylor (2008), que la faible densité de personnes issues des communautés ethnoculturelles en région aurait des effets sur les attitudes des individus par rapport à celles-ci, qui seraient plus négatives, comparativement à Montréal. Pourtant, Bilodeau et Turgeon (2014),

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du domaine politique, montrent que ce sont les régions limitrophes à la métropole qui auraient le plus de craintes face à la population immigrante.

 Perception de l’immigration comme menace à la culture québécoise : Portrait des

régions administratives. Bilodeau et Turgeon (2014)

Après une étude extensive et multifactorielle, c’est la théorie de l’effet « halo » qui explique le mieux les données des auteurs. Selon celle-ci, la qualité et la nature des interactions d’un individu avec les immigrants aurait un plus grand impact sur la perception de la population immigrante que sur la fréquence de ces interactions (Bilodeau et Turgeon, 2014). En effet, les populations des régions, n’ayant pas beaucoup d’interactions avec les personnes immigrantes, n’ont qu’une idée très abstraite de ces dernières, ce qui ne semble pas être une idée aussi fertile au sentiment de menace que la connaissance concrète, mais superficielle, des populations immigrantes, telles que dans les régions limitrophes de Montréal. D’un autre côté, les

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intervenants en région qui « rencontrent quelques familles immigrantes dans leur pratique, se sentent souvent peu concernés par ces questions, y sont aussi moins préparés, moins formés, tout en partageant souvent avec leurs collègues de Montréal un certain nombre de stéréotypes » (Vatz Laaroussi et al., 1999 : 15). Selon Simard (2002), les régions, n’ayant pas coutume de gérer la diversité ethnoculturelle, pourraient difficilement concurrencer la force d’attraction qu’exerce la métropole avec ses divers milieux de regroupement ethniques qui jouissent d’une relative autonomie les uns par rapport aux autres (Simard, 2002 : 136).

Malgré l’importance des facteurs contextuels et des réalités des régions, certains chercheurs disent que ce sont les organismes et acteurs qui s’investissent dans l’immigration de leur région et qui en dessinent la dynamique (Vatz-Laaroussi, Bernier et Guilbert, 2013). Certains disent aussi que ce n’est pas nécessairement le contexte régional qui a une grande influence sur l’intégration des personnes immigrantes, puisque les expériences semblent plutôt varier selon le parcours migratoire des personnes et de leurs familles et selon le niveau d’ouverture de leurs collègues de travail (Vatz-Laaroussi, Duteau et Amla, 2015). Les deux sont vrais, mais d’un point de vue systémique, il y a de multiples facteurs qui influencent les parcours et les tendances d’intégration en contexte de régionalisation.

L’immigration en région s’insère dans une structure particulière, que ce soit par son contexte plus ou moins accessible qu’en milieu urbain, dépendamment de l’angle d’étude choisie, ou par les difficultés et facilités particulières au milieu que rencontrent les personnes immigrantes. Le travail des intervenants en régionalisation doit donc être étudié comme phénomène à part et ne peut pas se confondre avec ce que font les intervenants dans les grands centres. De plus, les organismes qui travaillent en régionalisation sont des organismes communautaires qui incorporent certaines caractéristiques typiques du milieu.

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