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T OUTE IDÉE INNOVANTE EST D ’ ABORD RIDICULISÉE AVANT DE S ’ IMPOSER ENSUITE COMME UNE ÉVIDENCE

par Pierre Ygrié28

T

oute idée innovante chemine en trois étapes: elle est d’abord ridiculisée,

elle doit ensuite affronter une forte opposition, elle devient enfin une évidence pour tout le monde. Cette pensée de Schopenhauer m’a

accompagné tout au long de ma vie professionnelle. Depuis que je suis retiré dans mon village natal en Lozère, après une quarantaine d’années parisiennes, elle me soutient dans une conviction inébranlable: l’économie numérique, la seule dont la matière première (l’information) est potentiellement disponible jusqu’au fin fond du moindre petit village, est une chance historique pour de nombreux citadins «en mal de campagne» de pouvoir enfin choisir l’endroit de France où ils souhaitent vivre. C’est aussi pour la France une occasion unique de valoriser un atout jusqu’ici négligé, son espace! Comme le sénateur Maurey je pense que Le potentiel offert par les technologies numériques pour

le développement de notre pays et de ses territoires est extrêmement élevé, et de nature à en faire l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde… et comme Jean-Pierre Jambes je pense que Le rural est un des lieux où l’on peut inventer la société de demain.

Remplacer le réseau cuivre par un réseau optique est d’ailleurs une vieille idée innovante. J’ai compris cette nécessité voici déjà plus de 20 ans! En 1991, dans les locaux de France Télécom du Futuroscope, j’ai en effet pour la première fois assisté à une vidéoconférence. Se retrouver ainsi virtuellement nez à nez avec des personnes distantes de plusieurs centaines de kilomètres n’est pas un souvenir anodin! Cet incroyable effet de présence obtenu par la fluidité parfaite de l’image et surtout par de vrais échanges des regards m’a profondément marqué. J’ai découvert alors la télé présence, cette révolution dont, 20 ans plus tard, nous n’avons pas encore, à mon avis, pris conscience. Cette révolution économique, sociale, sociétale et environnementale concernera tous nos concitoyens. À commencer par ceux qui, éloignés physiquement des services, en ont le plus besoin, les ruraux! La société industrielle avait dépeuplé les campagnes, la société numérique peut aider à les repeupler.

Depuis cette révélation, durant la dernière décennie de ma vie professionnelle, je n’ai eu de cesse de m’informer. La fréquentation de l’Atelier de Jean-Michel Billaut, avenue Kléber, m’a beaucoup appris. Les

nombreux témoignages de traitement de l’information qui s’y succédaient étaient pour moi autant de petites graines qui, j’en étais convaincu, feraient pousser un jour un monde nouveau. Ce monde de l’immatériel où le premier outil de production serait, plus encore qu’aujourd’hui, le cerveau. Un monde dans lequel la ruralité pourrait avoir une place de choix puisqu’on réfléchit mieux à la campagne! Je commençais à m’imaginer à la retraite. Je n’avais alors pas encore pris la décision de quitter Paris, même si je «militais» pour ce nouveau monde rural; un monde dans lequel on pourrait avoir facilement accès à des ressources jusque-là trop éloignées, dans tous les domaines (santé, éducation, économie, culture…). Dans cet univers, encore à «inventer», l’homme de demain rechercherait, pour s’épanouir, des liens plutôt que des biens! J’imaginais déjà, avec un zeste de provocation, que les ruraux, demain pourraient être plus «intelligents» que les citadins car disposant de deux biens précieux: le temps et la nature! Encore faudrait- il pour permettre l’éclosion de ces «campagnes intelligentes» les doter de réseaux de télécommunications puissants autorisant des échanges instantanés, sécurisés et symétriques! C’est là, à l’Atelier, que sont nés les

Webs du Gévaudan, même si la création officielle de l’association n’est

intervenue que bien plus tard. C’est grâce à Jean-Michel Billaut et à ses amis, dont Xavier Dalloz, que j’ai pu, avec d’autres, implanter progressivement l’idée de la fibre en Lozère! Je dis bien «l’idée» car pour la généralisation, malgré des avancées, il nous faudra livrer d’autres batailles, à commencer par celle du vote par le parlement d’une loi de péréquation nationale comme ce fut le cas pour l’électricité en son temps. Pour ce faire, il faudra tordre le cou à la croyance, encore vivace malgré les apparences, quant à la force de «la main invisible du marché». Il nous faudra aussi toujours et encore travailler ce principe pour en démontrer la modernité: l’aménagement numérique de la France, comme tout aménagement de territoire, est d’abord l’affaire de la puissance publique nationale et locale.

Ma rencontre, plus récente, avec Jean-Pierre Jambes m’a conforté dans mes convictions. Jean-Pierre sait de quoi il parle; il connaît, pour les avoir vécues les difficultés de mise en œuvre des idées innovantes. Devant des montagnes de scepticisme, d’inertie, et d’incompréhension entretenue par des lobbies privés qui n’ont pas comme objectif premier (et c’est tout à fait compréhensible

par nature) l’intérêt général, il fait, avec d’autres, des propositions concrètes.

Pour une France innovante, dans laquelle la ruralité aurait une place de choix, il est urgent de mettre un pilote dans l’avion du très haut débit! Nos décideurs nationaux et locaux auront-ils la sagesse d’écouter ces messages et d’entendre également un élu lozérien, Pierre Morel à l’Huissier, soutien des Webs du Gévaudan, qui me disait récemment On a 5 ans pour fibrer la

France ! Si en 5 ans on n’a pas fibré la France on a perdu toute attractivité. La réponse à l’attractivité de la France, c’est le très haut débit ! tout passe par là… avec, en priorité les zones rurales ! Chiche !