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I.2. L ES FLUCTUATIONS CLIMATIQUES ET GLACIO - EUSTATIQUES DU DERNIER CYCLE CLIMATIQUE

I.2.1. Les oscillations climatiques millénaires

Les cycles climatiques orbitaux sont ponctués de fluctuations climatiques rapides, à l’échelle du millier d’année. Ainsi, au cours du dernier cycle climatique (~125 ka, Fig. I-3), les variations rapides, connues sous les noms de cycles de Dansgaard-Oeschger (D/O) et d’évènement de Heinrich (HE) (Bond et al., 1992; Bond and Lotti, 1995; Dansgaard et al., 1993; Heinrich, 1988), se superposent à cette cyclicité de 100 ka.

Figure I-3: Enregistrement des variations du δ18O des océans au cours des derniers 130 ka. On peut identifier les stades isotopiques marins (MIS 5 à MIS 1) (Cohen and Gibbard, 2012) modifié.

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I.2.1.1. Les cycles de Dansgaard-Oeschger (D/O)

Les enregistrements issus des carottes de glaces du Groenland ont permis de mettre en évidence pour la première fois des oscillations climatiques rapides, connues sous le nom de cycles de D/O (Bond et al., 1993; Bond et al., 1992; Dansgaard et al., 1993). Ces cycles sont caractérisés par l’alternance des phases de réchauffement et de refroidissement nommées respectivement interstades du Groenland (Greenland interstadials, GI) et stades du Groenland (Greenland Stadials, GS) (Wolff et al., 2010). Les GS sont plus longs (entre 1 et 2 ka) et les GI plus courts. Ces oscillations dissymétriques ont une périodicité de 1.5 à 3 ka. On compte environ une quinzaine de cycles entre 60 et 20 ka (Blunier and Brook, 2001; Bond and Lotti, 1995; Grousset, 2001). Plusieurs carottes de glace prélevées au Groenland montrent ces oscillations climatiques abruptes suggérant une origine régionale (2004; Dansgaard et al., 1982; Dansgaard et al., 1993; Grootes et al., 1993; Johnsen et al., 1992; Johnsen et al., 1972).

Cependant, un impact global de ces cycles a été montré par des études supplémentaires. En effet, ils sont observés aussi bien dans les hautes latitudes (Atlantique nord) (Bond and Lotti, 1995; Grousset, 2001) que dans les basses latitudes (les tropiques) (Peterson et al., 2000), en Europe et en Méditerranée (Cacho et al., 2006; Fletcher and Sánchez Goñi, 2008; Frigola et al., 2008; Grousset, 2001; Sánchez Goñi et al., 2008). Dans l’hémisphère sud, ces variations se corrèlent à des évènements chauds appelés maximums isotopiques antarctiques (Blunier and Brook, 2001) (Fig. I-4). Le changement dans la circulation thermohaline serait l’un des mécanismes responsables de ces changements brutaux, (Bond et al., 1993; Broecker, 1994).

Ainsi, les phases de réchauffement correspondraient à un rétablissement de la circulation thermohaline après un évènement froid, et les refroidissements indiqueraient une baisse d’intensité de cette circulation liée à un apport important d’eau douce (Paillard, 1995;

Timmermann et al., 2003).

Les cycles de D/O sont ponctués par des évènements de Heinrich (HE) qui terminent les GS les plus froids (Fig. I-5).

I.2.1.2. Les évènements de Heinrich (HE)

Aux cycles de D/O se superposent des évènements plus froids, avec une périodicité beaucoup plus longue, dont certains se confondent aux GS des cycles de D/O : les événements de Heinrich (HE) (Bond et al., 1992; Broecker et al., 1992; Grousset, 2001). Les événements de Heinrich ont été décrits initialement dans les carottes sédimentaires de l’Atlantique nord (Heinrich, 1988), où ils se caractérisent par des niveaux de matériel détritique grossier appelés les niveaux de Heinrich (HL : Heinrich Layer), issus du vêlage d’icebergs lors de la débâcle

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de la calotte de glace Laurentide (Fig. I-6). Ils ont ensuite été corrélés à des coups de froid, de périodicité d’environ 6-7 ka (Bond et al., 1992; Broecker et al., 1992; Grousset, 2001), qui terminent certains cycles de D/O. Bien que leur origine soit encore sujet à débat, ces débâcles pourraient toutefois être la conséquence d’une déstabilisation de la calotte due à son expansion maximale au cours d’un refroidissement majeur (Alley and MacAyeal, 1994; Bond et al., 1993; Bond et al., 1992; Bond and Lotti, 1995). Pendant le dernier cycle glaciaire, six évènements notés de H1 à H6 d’origine différente ont été identifiés (Fig. I-6). En effet, les HE1, HE2, HE4 et HE5 ont pour source la calotte Laurentide, tandis que HE3 et HE6 ont pour source la calotte fenno-scandinave (Broecker, 1994; Grousset, 2001).

Figure I-4: Enregistrements isotopiques des derniers 100 ka de la carotte de glace GISP2 du Groenland (Grootos et al., 1993) et de la carotte Byrd de l’Antarctique (Blunier and Brook, 2001) d’après Alley, (2007). La courbe Byrd présente les évènements chauds de l’Antarctique (de A7 à A1 Blunier and Brook, .2001). La courbe GISP2 présente les oscillations dites de Dansgaard-Oeschger, les évènements de Heinrich ainsi que les évènements climatiques ponctuels tels que: le dernier maximum glaciaire (Last Glacial Maximum, LGM); le Bölling-Alleröd (B); le Dryas récent (Younger Dryas, Y), l’évènement à 8.2 ka (8) et le petit âge glaciaire (Little Ice Age, L).

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Figure I-5: Présentation d'un cycle climatique idéal dans le Groenland: le Cycle de Bond (Alley, 1998)

Les HE ont occasionné des changements climatiques et océanographiques importants enregistrés dans les sédiments marins et pouvant être mis en évidence via les variations du δ18O dans les tests carbonatés des foraminifères. La fonte des glaces liée à ces évènements a entraîné la superposition de deux faits majeurs (Rahmstorf, 2002). Le premier, propre à la calotte, est la diminution de son volume, et par conséquent l’augmentation du niveau marin.

Le second est le ralentissement de la circulation thermohaline dans l’atlantique nord. En effet, les décharges importantes d’eau froide issues de la fonte des icebergs, réduisent la salinité et la formation des eaux profondes provoquant un ralentissement de la circulation thermohaline (Clark et al., 2002; Praetorius et al., 2008).

Figure I-6: Illustration du transport et dépôt des IRD (Ice-Rafted Detritus), conduisant à l’enregistrement des He dans les sédiments marins. Source : (www.eos.ubc.ca/research/glaciology/research/HeinrichEvents.html)

En Méditerranée, les études faites par Cacho et al, (1999, 2000) en mer d’Alboran, ont mis en évidence les oscillations de D/O ainsi que les HE. Les HE ne sont pas mis en évidence par la présence des IRD dans les sédiments, mais par l’abondance des foraminifères

Calotte Laurentides

Débâcle d’icebergs

Précipitation d’IRD

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planctoniques N. pachyderma senestre (Fig. I-7) illustrant le refroidissement des eaux de surface associé à l’entrée des eaux froides atlantiques dans la Méditerranée (Melki et al., 2009; Sierro et al., 2009). On parle alors de Stade de Heinrich (Heinrich Stadials, HS), et non d’événement d’Heinrich (Barker et al., 2009; Sanchez Goñi and Harrison, 2010), avec la même cyclicité. Les cycles de D/O et des HS dans la Méditerranée sont associés à des conditions océaniques et climatiques particulières. Durant les GS et les HS, on note une intensification des vents du nord-ouest entraînant un refroidissement des eaux de surface, et des vents sahariens chargés en particules. Les GI sont caractérisés par des eaux plus chaudes (Cacho et al., 1999; Colmenero-Hidalgo et al., 2004), et une orientation des vents vers le sud (Moreno et al., 2005). Ce déplacement entraîne des conditions plus humides et augmente les apports terrigènes (Allen et al., 1999; Moreno et al., 2005; Nebout et al., 2002).

Figure I-7: Reconstitution des températures de surface en mer d'Alboran pour les derniers 50 ka permettant de mettre en évidence les variations abruptes du Groenland identifiées en Méditerranée (Cacho et al., 2002).