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IV.1. P RÉSERVATION D ’ UN SIGNAL OCÉANIQUE DANS LES TURBIDITES

IV.1.1. Caractérisation des échantillons

IV.1.1. Caractérisation des échantillons

Afin d’évaluer la préservation du signal océanique dans les turbidites, des échantillons ont été collectés dans les lithofaciès 2, 3, 4b et 4d sur des intervalles de 10 à 20 cm (Fig. IV-2) avec un pas d’échantillonnage de 1 à 2 cm (cf. matériels et méthodes). Les autres lithofaciès n’ont pas été analysés à cause de leurs similitudes avec les lithofaciès choisis (1 et 4c).

Figure IV-1: Séquence modèle d'une turbidite silteuse (Stow and Piper, 1984). La subdivision des faciès (A, B, C, D et E) est basée sur la séquence de Bouma (1962).

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Figure IV-2:Présentation générale des sections échantillonnées. Les cercles blancs indiquent les points d'échantillonnage, les lettres A, B, C et D sont les échantillons pris en exemples et photographiés. D50 indique la taille moyenne du sédiment et le rapport Ca/Fe issue de l’analyse XRF (composition élémentaire semi-quantitative) indique l’origine biogène ou terrigène du sédiment.

La fraction granulométrique > 150 µm ne représente qu’une proportion faible du sédiment (~10% cf. chapitre V) mais rassemble l’essentiel du matériel biogène. C’est la fraction choisie pour caractériser la préservation du signal biogène dans le sédiment.

IV.1.1.1. Composition et état du matériel turbiditique/ hémipélagique

Les sables sont composés aussi bien du matériel terrigène que biogène avec une grande hétérogénéité.

Foraminifère, débris coquillés, sulfure de fer, quartz, micas, carbonates détritiques ou résidus carbonatés constituent tous les échantillons à des proportions variables. On peut distinguer 3 fractions (Fig. IV-3):

La fraction biogène en bon état (F1), formée par les tests de foraminifères non recristallisés ni brisés.

Ce sont les foraminifères susceptibles d’être prélevés pour des analyses isotopique, éco-stratigraphique ou pour des datations radiocarbones.

La fraction biogène détériorée (F2), formée par l’ensemble des tests carbonatés (bivalves, gastéropodes, foraminifères) brisés et/ou recristallisés. La saturation actuelle des eaux de fond en calcite et aragonite rend la fragmentation des tests de foraminifères improbable par une quelconque dissolution à 1566 m. La proportion de test de foraminifères brisés sera utilisé comme un indice de transport et donc du remaniement.

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La fraction terrigène ou authigène (F3), constituée de quartz, micas, sulfures de fer, carbonates détritiques. La présence de carbonates détritiques ne permet pas d’utiliser le rapport Ca/Fe mesuré à l’aide du scanner XRF comme indice de détritisme. En effet, on constate que le rapport Ca/Fe augmente dans les lithofaciès turbiditiques 4b et 4d (Fig. IV-2) et met en évidence l’enrichissement de la fraction terrigène en carbonates détritiques. Cette corrélation entre détritisme et teneur en carbonate est visible également à l’échelle des cycles glaciaires/ interglaciaires (Frigola et al., 2012).

Figure IV-3: Caractérisation de la composition d'un échantillon illustrée par les échantillons A (lithofaciès 2), B (lithofaciès 3), C (lithofaciès 4b) et D (lithofaciès 4d) pris en exemple. La position de ces échantillons est donnée dans la figure IV-2.

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Figure IV-4:Caractérisation des échantillons sélectionnés le long des sections choisies en considérant la fraction > 150 µm. les courbes sont faites par rapport à la profondeur (cm) Tests : correspond aux foraminifères en bon état ; Fragments ; correspond aux tests de foraminifères brisés et recristallisés ; D50 représente la taille médiane du sédiment.

La répartition des fractions fluctue d’un lithofaciès à l’autre mais également au sein d’un lithofaciès.

Les fractions 1 et 3 sont respectivement abondantes dans les lithofaciès 2 (hémipélagique) et 4d (turbiditique).

Le lithofaciès 3 (hémipélagique) se caractérise par une fraction terrigène plus importante que la fraction biogène. En revanche, l’intervalle fin dans le lithofaciès 4b (turbiditique) montre une composition très proche de celle du lithofaciès 2 avec une dominance de la fraction biogène en bon état (Fig. IV-3). Un échantillonnage fait avec un pas régulier au sein des différents lithofaciès confirme ces observations (Fig. IV-4). Le lithofaciès 2 montre une forte dominance de la composante biogène intacte (78%) complétée par une fraction terrigène ou authigène (12%). Les lithofaciès 4b et 4d montrent des fluctuations qui marquent bien

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l’alternance entre les intervalles grossiers et fins caractéristiques des turbidites. Leurs niveaux fins ont une composition proche du lithofaciès 2 et peuvent être considérés comme des dépôts hémipélagiques.

La fraction biogène qui intègre les foraminifères en bon état et les détériorés, est essentiellement constituée par les foraminifères planctoniques et benthiques à des proportions variables.

Les foraminifères planctoniques : dans le lithofaciès 2 (hémipélagique) les tests de foraminifères planctoniques en bon état représentent en moyenne 82 % de la fraction biogène tandis que les tests brisés n’en représentent que 10 % (Fig. IV-5). À l’inverse, dans les faciès turbiditiques, la proportion varie entre la fraction grossière et la fraction fine. Dans la fraction fine, les tests de foraminifères en bon état représente plus de 70 % de la fraction biogène tandis que dans la partie grossière, elle est inférieure à 50% avec un pourcentage des tests brisés pouvant atteindre 30 % (Fig. IV-5).

Les foraminifères benthiques sont généralement très peu abondants dans les échantillons (5-10%) et présentent un état de préservation similaire aux foraminifères planctoniques. Ils peuvent néanmoins représenter 30 % de la fraction biogène dans les sables turbiditiques des lithofaciès 4b et 4c (Fig. IV-5), dans ce cas ils sont associés à des pourcentages de foraminifères planctoniques faibles (Fig. IV-5). Les pourcentages de tests préservés et brisés sont corrélés positivement et sont plus élevés dans les sables turbiditiques. Il semble donc que l’abondance de foraminifères benthiques soit étroitement liée aux transports sur le fond dans les courants de turbidités.

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Figure IV-5:Composition de la fraction biogène > 150 µm des échantillons le long des sections choisies. Les courbes sont faites par rapport à la profondeur (cm). Tests correspond aux foraminifères en bon état, fragments pour les foraminifères cassés et recristallisés.

IV.1.1.2. Assemblages autochtones versus assemblages allochtones

Au sein des assemblages de foraminifères morts présent dans les carottes sédimentaires, la distinction entre autochtone et allochtone pour les planctoniques reste très subjective.

Les assemblages planctoniques sont relativement proches dans tous les lithofaciès, à l’exception des espèces Globigerinoides ruber et Globorotalia inflata visibles uniquement dans le lithofaciès 2 (Fig. IV-7).

La distinction entre autochtone allochtone des espèces n’est pas clairement établie entre les niveaux fins et les niveaux grossiers. Cependant, elle nous donne des indications sur les conditions de température et de productivité de surfaces qui prévalaient pendant la formation des dépôts. L’abondance relative des espèces

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telles que Neogloboquadrina pachyderma dextre (~40%), Globigerina bulloides (~20%), Globigerinata glutinata (~20%) Globorotalia inflata et Globigerinoides ruber indique un réchauffement des eaux de surface associée à une forte productivité primaire. En Méditerranée, cet assemblage est caractéristique de la déglaciation (Blanc-Vernet, 1969; Melki et al., 2009). La disparition de G. ruber et G. inflata, la baisse de G.

glutinata ainsi que l’augmentation de Turborotalia quinqueloba (une espèce subpolaire) dans les autres lithofaciès indiquent des conditions glaciaires.

Figure IV-6: Distribution des foraminifères planctoniques dans les différentes sections par rapport à la profondeur. Les traits en pointillés indiquent l'absence des espèces (Fig. A1).

Les assemblages benthiques : la distinction entre les espèces autochtones et allochtones est faite sur la base de leur distribution bathymétrique. En effet, certaines espèces sont caractéristiques du plateau (Elphidium, Siphonaperta aspera) tandis que d’autres seront caractéristiques du pied de pente (Mélonis barleeanus, Bolivina spathulata). Sachant que la carotte RHS-KS67 a été prélevée à 1566 m en pied de pente, les espèces du plateau seront donc considérées comme allochtones et celles du pied comme autochtones.

Les espèces autochtones (Fig. IV-7) dominées par Cibicides pachyderma, Melonis barleeanus et Bolivina spathulata, sont abondantes dans les lithofaciès et intervalles hémipélagiques. Leur présence dans les sables est associée à une remobilisation locale, c’est le cas par exemple de Chilostomella ovoidea. Bien que la

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longueur des sections ne soit pas propice aux interprétations écologiques de ces assemblages, elles révèlent néanmoins des conditions oligotrophes à mésotrophes avec une bonne ventilation des eaux de fonds. Ces conditions sont illustrées par l’abondance de l’espèce C. pachyderma caractéristique en Méditerranée (Schmiedl et al., 2000). Les autres espèces telles que M. barleeanus, B. spathulata, G. altiformis et C.

wuellestorfi qui sont généralement autotrophes à oligotrophes, ou nécessitant des taux d’oxygénation élevés (Fontanier et al., 2002; Mojtahid et al., 2009; Murray, 1973; Schmiedl et al., 2000) semblent s’y adapter.

Figure IV-7: Distribution verticale des foraminifères benthiques autochtones dans chaque section (Fig. A2).

Les espèces allochtones (Fig. IV-8) sont essentiellement présentes dans les lithofaciès turbiditiques 4b et 4d, à l’exception de l’espèce Cassidulina laevygata var carinata (C. carinata) qui est également abondante dans le lithofaciès 3. Deux espèces du plateau dominent les assemblages : C. carinata et Siphonaperta aspera.

L’espèce C. carinata est très peu visible dans les intervalles grossiers, elle semble être autochtone car elle est également abondante dans les lithofaciès hémipélagiques. Cette espèce est connue pour son caractère opportuniste pouvant coloniser les milieux profonds lors d’un apport important en matière organique (Abu-Zied et al., 2008). Outre cet aspect, C. carinata est très légère donc facilement transportable par les couches néphéloïdes (Duros et al., 2011). En revanche, l’espèce Siphonaperta aspera (S. aspera), de plus grande taille, est très majoritairement abondante dans les sables des turbidites (lithofaciès 4d). Sa présence est en

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conséquence associée au transport dans les courants de turbidités. D’autres espèces du plateau telles que Pyrgo sp et Elphidium sp sont également plus abondantes dans le lithofaciès 4d.

Figure IV-8: Distribution verticale des foraminifères benthiques allochtones dans chaque section (Fig. A3).

IV.1.2. Limite turbidite-hémipélagique et préservation du signal océanique dans les lithofacies turbiditiques

L’ensemble des informations recueillies après cette analyse détaillée des échantillons issus des principaux lithofaciès, nous permet de proposer quelques critères caractérisant l’échantillon idéal. Pour ce faire, il est indispensable d’identifier où s’arrête la turbidite et où commence le dépôt hémipélagique.

Sur la base de la composition et des assemblages de foraminifères de la fraction sableuse, nous venons de mettre en évidence plusieurs différences entre turbidite et hémipélagique. La limite majeure qui doit être établie doit l’être entre la fraction fine de la turbidite (Te) et l’hémipélagique qui se confondent généralement.

Zaragosi et al (2006) distinguaient déjà dans ce terme Te deux fractions, une fraction terrigène à la base Tet et une fraction hémipélagique Teh. Cette transition est clairement visible sur la préservation des foraminifères planctoniques (Fig. IV-6). Tant que le taux de foraminifère en bon état sera à son maximum et celui des foraminifères brisés à son minimum, l’intervalle pourra être considéré comme pélagique. On peut estimer qu’au-delà de 50% de tests préservés la composante pélagique en place domine.

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Les assemblages de foraminifères planctoniques des sédiments hémipélagiques sont caractérisés par des foraminifères en bon état avec très peu de tests cassés comme nous pouvons l’observer dans le lithofaciès 2 (Fig. IV-5). L’identification de l’intervalle susceptible de préserver un signal océanique dans un lithofaciès turbiditique devra se faire sur des caractéristiques identiques à celles des lithofaciès hémipélagiques. Ainsi, pour notre étude, le bon échantillon sera premièrement composé d’une fraction biogène > 60%. Cette fraction se constituera à plus de 80% d’assemblage planctonique en bon état et moins de 15 % de foraminifères cassés.

La présence de foraminifères allochtones facilement identifiables dans les assemblages benthiques n’est pas toujours représentative du transport par le courant de turbidité. Leur présence peut être le résultat d’un transport par les couches néphéloïdes. Sur la base de leurs pourcentages négligeable dans la fraction biogène (~10%), les assemblages benthiques n’influenceront pas le choix des échantillons appropriés pour notre étude.