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Le soutien social

ORIGINES HISTORIQUES

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Le soutien social a pris une importance considérable dans les thèmes de recherche depuis 1975. Si Dean et Lin écrivaient à une date aussi tar-dive que 1977 que le soutien social est une composante négligée dans les études sur les événements critiques et les maladies, il y a lieu de croire que l'oubli a été largement corrigé depuis. Le thème a été reçu avec un enthousiasme parfois débordant et il a su conserver une place de choix dans les recherches. D'excellentes synthèses permettent de mesurer son apport sur la santé psychologique (Leavitt, 1983 ; Kessler, Price et Wortman, 1985 ; Mueller, 1980) et sur la santé physique (Bozzini et Tes-sier, 1985).

L'influence théorique de Bowlby et les travaux sur le deuil (Parkes, 1972) ont été déterminants dans les recherches anglaises et australiennes, en particulier chez Brown et Harris (1978) de même que chez Henderson (1981). L'accent est davantage mis sur les liens primaires caractérisés par une forte intensité affective que sur l'ensemble des liens offerts par le ré-seau social. Plusieurs courants des sciences sociales ont également

contribué aux recherches sur le réseau. L'anthropologie, avec les travaux de Bott (1957) en Angleterre sur la structure des réseaux de chacun des membres du couple en milieu ouvrier anglais et les études de Mitchell (1969) sur les migrants urbains en Afrique noire, présente les premières conceptualisations sur la structure des réseaux. En sociologie, aux Etats-Unis, tout le courant de psychopathologie sociale entre les deux guerres souligne l'importance de la désintégration sociale dans la genèse de la déviance en prenant tout particulièrement comme exemple la délin-quance. Le mythe de la petite communauté rurale, bien ordonnée et consensuelle, a longtemps contribué dans ces écrits à servir de point de référence idéologique. La plupart des auteurs proviennent eux-mêmes de ces petites communautés dont ils ont conservé l'image nostalgique de la tribu protectrice de l'identité sociale (Mills, 1943). Par ailleurs, l'apport de la psychologie sociale est longtemps laissée de côté par les psycholo-gues qui s'intéressent au réseau et oeuvrent dans le secteur de la psycho-logie communautaire. Ces derniers favorisent l'observation des groupes en milieu naturel et ne voient pas très bien comment les connaissances acquises du laboratoire peuvent les éclairer. Un rapprochement important commence cependant à s'opérer et on reconnaît maintenant la pertinence des recherches sur le groupe de référence de même que celles qui portent sur les concepts d'affiliation et de comparaison sociale dans la littérature sur les réseaux (Heller et Swindle, 1983).

Parallèlement à cette évolution, l'épidémiologie psychiatrique multi-plie les résultats qui révèlent la piètre qualité du tissu social des agglomé-rations où se concentrent les taux les plus élevés de morbidité psychiatri-que. Le travail exemplaire de l'équipe de Leighton (1963) en Nouvelle-Écosse représente un effort remarquable dans ce sens. A partir d'observa-tions, d'entrevues et d'informations obtenues de médecins traitants et de leaders de la région, il a été possible d'affirmer que les cas psychiatriques (traités et non traités) au sein d'une grappe de villages situés en bordure de la baie de Fundy se concentrent dans les communautés dont l'organisa-tion sociale est plus lâche. Les indices de désintégral'organisa-tion sociale analysés sont les suivants : absence de valeurs religieuses, confusion des valeurs culturelles, augmentation des taux de familles séparées, faiblesse et petit nombre de leaders, fréquence de manifestations d'hostilité, d'agression, de crimes et de délinquance, diminution du nombre de groupes formels et informels, et, finalement, faiblesse et fragmentation du réseau de com-munications. On peut supposer que les deux derniers indices reflètent la

qualité des réseaux sociaux et des réseaux de soutien individuels dans ce milieu. Une autre étude classique, celle d'Hollingshead et Redlich (1958), conduite à New Haven (Connecticut), essaie également d'expliquer la plus grande fréquence de cas traités parmi les classes défavorisées en si-gnalant les problèmes d'intégration à des réseaux d'appartenance dans ces groupes. Les traits des secteurs pauvres de l'époque sont le taux élevé de foyers désunis, la présence de minorités ethniques, l'instabilité d'emploi, les déménagements fréquents et la faible structuration des activités com-munautaires. Un autre apport de l'épidémiologie a été de faire ressortir l'importance de la densité relative d'un groupe social dans la loi du ratio.

Selon cette loi, plus faible est la densité que possède un groupe par rap-port à la population dans laquelle il vit, plus les risques de psychopatho-logie sont élevés. Par exemple, les problèmes psychologiques devraient s'observer davantage chez les groupes culturels minoritaires et dans les quartiers à composition raciale mixte. L'étude de Levy et Rowitz (1973), sur la base des archives hospitalières de la ville de Chicago, illustre assez bien que l'incidence de la schizophrénie (premières admissions) se ren-contre davantage dans les secteurs où les Noirs sont mélangés aux Blancs que dans ceux qui sont homogènes au point de vue racial. Il faut noter que c'est moins la cohabitation des races que le fait que ces quartiers soient des plaques tournantes qui importe ici. Voici comment ces quar-tiers mixtes sont décrits : il existe des changements sociaux significatifs reflétés par les arrivées et les départs, les résidences transitoires, la réno-vation urbaine, et une désorganisation signalée par une structure familiale et communautaire moins solidement établie. Seule une méthode longitu-dinale permettrait de vérifier si ces quartiers attirent des cas pathologi-ques à cause de leur anonymat plus élevé et si c'est l'absence de climat d'entraide qui explique ces perturbations mentales graves. Il serait aussi intéressant d'établir les mêmes comparaisons avec des indices de patho-logie plus modérés que les taux de psychose.

Dans le domaine appliqué, les intervenants en prévention ont particu-lièrement fait valoir les mérites d'une approche qui s'appuie sur les ré-seaux sociaux. L'œuvre de référence de Caplan (1974) Social Support Systems and Community Mental Health a en quelque sorte cristallisé les efforts jusque-là épars et dirigé la réflexion sur le concept même de sou-tien social. Albee (1980) insiste de son côté sur le fait que la psychologie est passablement dépourvue lorsqu'il s'agit de modifier les origines

socié-tales ou les composantes de la personnalité, mais qu'on peut se montrer plus optimiste quand il s'agit de transformer l'entourage immédiat.

Il faut également reconnaître l'apport des théories systémiques et des écoles de thérapie familiale dans la promotion du réseau social. Ce mou-vement a été influencé par des penseurs comme Bateson qui ont débuté en anthropologie et qui ont très tôt remarqué le rôle important des liens systémiques entre les individus sur le comportement (Di Nicola, 1985).