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Sexe, couple et famille

LA FIN DU MARIAGE

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Les personnes qui perdent ou quittent un conjoint sont en général dé-savantagées par rapport aux gens mariés comme en témoignent plusieurs indices de santé mentale et physique, et cela même plusieurs années après la séparation (Bozzini et coll., 1986). La vulnérabilité des veufs est parti-culièrement manifeste durant la période critique de un à deux ans qui suit la mort de la conjointe. Le tableau 1 résume une série d'études analysant l'association entre la santé mentale et le statut conjugal.

Le tableau 1 illustre que les gens mariés ont un avantage généralement assez marqué par rapport aux personnes qui ont perdu ou quitté leur conjoint. Ces derniers peuvent présenter jusqu'à deux fois plus de pro-blèmes psychologiques. À noter cependant que l'étude de Yale avec le

Dis de même que celle de Radloff (groupe des hommes seulement) ne rapportent aucune différence entre veufs et mariés. Ce sont les sépa-rés/divorcés qui ont en général les dossiers les plus lourds.

Tableau 1. - Pourcentage de cas en fonction de l'état civil

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LIEU (INSTRUMENT) MARIÉS SÉPARÉS

/DIV.

VEUFS

États-Unis R.D.C., Myers & Weissman, 1984 16,30% 20,90% 21,70%

États-Unis (Langner) Srole et coll., 1962 28,90% 46,77% 31,70%

États-Unis (CES-D), Radloff, 1975

Hommes 7,33% 12,80% 7,90%

Femmes 9,53% 10,33% 13,70%

Verdun-Rimouski (Ilfeld), Tousignant et Kovess, 1985

6- 8% 12-18% 12%

Estrie (HOS), Denis et coll., 1973 20% 38% 42%

États-Unis (satisfaction), Cove et coll., 1983

Femmes 2,38% 2,07% 2,07%

New Haven (Dis), Leaf et coll., 1984 14,10% 26-27% 14,80%

Montréal (Bien-être), Bozzini, 1986

Femmes 86,47% 86,34%

Le mariage paraît surtout avantageux du point de vue de la santé men-tale lorsque l'union est satisfaisante. Dans l'étude de Yale (Leaf et coll., 1984), les gens mariés qui ne s'entendent pas avec leur conjoint ont plus d'une chance sur deux d'avoir un diagnostic psychiatrique, alors que les probabilités pour l'échantillon sont de un sur six (voir aussi Zeiss et coll., 1980 ; Gove et coll., 1983). Il est même mathématiquement possible que la fin du mariage puisse avoir des effets bénéfiques sur l'équilibre psy-chologique puisque les séparés/divorcés présentent des taux bien moin-dres que les personnes mal à l'aise dans le mariage. D'autres données cor-roborent indirectement une telle hypothèse. Un certain nombre de fem-mes de milieux défavorisés s'estiment plus épanouies un certain temps après la séparation tout en reconnaissant avoir traversé une période noire dans la période suivant immédiatement cette séparation (Baker-Miller,

1982). Wilcox (1985) montre également que la santé mentale des femmes s'améliore de façon significative pendant les deux années qui suivent leur divorce. A remarquer également que l'étude du tableau 1 comparant les hommes et les femmes fait voir que, chez les hommes, on observe des écarts beaucoup plus grands entre le statut de mari et celui de divorcé.

L'initiative du divorce provenant davantage des femmes aux Etats-Unis (Ritchie, 1980), celles-là considèrent probablement qu'elles ont moins à perdre que les hommes au point de départ et elles se préparent plus tôt à faire face aux conséquences. Dans un grand nombre de cas où la femme prend l'initiative de la séparation, c'est parce que le mari est violent, abuse de l'alcool ou se désintéresse manifestement des responsabilités familiales ; il est donc probable qu'il a commencé à présenter des signes de détérioration mentale avant même la séparation et que le taux élevé de symptômes chez les hommes sépareé/divorcés n'est pas simplement le fait de la séparation.

La violence conjugale est une expérience de vie rapportée beaucoup plus fréquemment par les femmes séparées /divorcées que par les femmes mariées. Cette observation provient de l'étude d'Islington, qui utilise les critères de Strauss pour définir ce type de violence (Andrews et Brown, 1988). Ces critères comprennent entre autres le fait d'avoir reçu un coup de pied ou un coup de poing avec comme conséquence des marques visi-bles comme un oeil au beurre noir ou des bleus. Dans les deux tiers des cas, cette violence est de caractère chronique. La fréquence de la violence conjugale, établie à 25%, est relativement élevée dans cet échantillon qui inclut beaucoup de femmes ayant perdu leur mère en bas âge. La femme en devient victime avant l'âge de 25 ans dans les trois quarts des cas. Il est intéressant de constater que ces actes sont commis également dans toutes les classes sociales. Les femmes séparées/divorcées rapportent cinq fois plus ce type d'expérience que les femmes mariées (53% versus 11%). Les femmes qui ont fait l'expérience de la violence conjugale ont également accumulé plus d'expériences négatives préalablement. Tout d'abord, un tiers d'entre elles se sont mariées ou ont cohabité avec un homme pendant l'adolescence ou encore sont devenues enceintes avant le mariage ; de plus, 40% d'entre elles ont souffert d'un manque d'intérêt grave de la part d'une figure parentale au cours de leur enfance. C'est donc dire qu'une forte proportion de femmes qui font face à la violence conjugale sont déjà marquées par un sort fait d'événements précoces qui

les ont empêchées de s'affirmer ou de se développer pendant leur enfance et les ont souvent rendues prisonnières d'une jeune famille.

Si la santé mentale des femmes séparées est conditionnée par leurs conditions de vie difficiles plutôt que par des facteurs psychopathologi-ques précédant la séparation ou même le mariage, elles devraient norma-lement retrouver un meilleur état de santé mentale dans le cas d'un rema-riage. L'analyse de Weingarten (1985) compare à cette fin des personnes mariées pour la première fois avec des personnes séparées/divorcées et remariées tout en tenant compte des facteurs de sexe et d'éducation. Son échantillon est de race blanche et il couvre tout le territoire des États-Unis. À peu près tous les indices (anxiété, consommation d'alcool et de médicaments, appréhension d'une dépression nerveuse) des remariés sont similaires à ceux des divorcés. Certaines observations ne confirment pas que ce sont nécessairement les prédispositions de personnalité des rema-riés qui sont en cause. Cette catégorie rapporte plus d'événements péni-bles que ceux qui en sont à un premier mariage, ce qui pourrait être attri-buable aux situations familiales complexes reliées aux arrangements concernant les enfants. Comme dans la plupart des enquêtes, les sépa-rés/divorcés sont dans une position moins enviable par rapport à la caté-gorie premier mariage. En revanche, il n'y a pas de différences entre les trois catégories sur une échelle d'estime de soi, résultat très difficile à in-terpréter dans les circonstances puisque cette évaluation est en général fortement reliée aux autres indices psychopathologiques.

Comme on peut s'en rendre compte, les études corrélatives laisseront plusieurs points en suspens tant et aussi longtemps que leurs auteurs ne tenteront pas de distinguer entre les problèmes de santé mentale chroni-ques et transitoires en tenant compte également des conditions et des événements de vie qui accompagnent ces problèmes. Le fait de tenir pour constants certains facteurs comme l'éducation par des méthodes statisti-ques ne rend certainement pas les échantillons équivalents, et on voit aus-si comment l'exploitation des banques de données nationales ne peut pal-lier l'absence de questions théoriques inscrites préalablement dans le schéma de recherche. Trop peu d'études analysent les fardeaux économi-ques et sociaux de la séparation, en particulier la charge des enfants, la mobilité vers le bas dans les domaines résidentiel et économique, la continuation des conflits avec l'ex-époux aggravés parfois par l'enjeu des

enfants, la diminution du temps consacrée aux contacts sociaux et la perte d'une fraction du réseau social.

Un certain nombre d'études ont analysé plus spécifiquement la situa-tion des personnes en situasitua-tion de famille monoparentale. Comme ce groupe est en grande partie inclus dans la catégorie séparés/divorcés, il est défavorisé du point de vue de la santé mentale (Blanchard, 1984). On y remarque plus de maladies coronariennes, de dépressions, de suicides, d'homicides, d'accidents d'automobile et d'alcoolisme que chez les gens mariés (Pilisuk et Froland, 1978). Les indices de malaises psychologi-ques - anxiété, impuissance acquise, ennui, solitude - y sont également plus élevés (Lamont et coll., 1980 ; Pett, 1982). Ces états sont chroni-ques, puisqu'ils perdurent au-delà d'une période de six ans, et ils ne sont pas la simple conséquence de la séparation (Smith, 1980). Pearlin et Johnson (1977) remarquent par ailleurs que les différences d'état de santé mentale selon les statuts conjugaux persistent, même si l'on tient compte du fait que les personnes sans conjoint vivent en général dans une situa-tion socio-économique plus précaire.