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Origine des structures périodiques

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10 Dynamics and migration of banded végétation Systems 95

11.2 Origine des structures périodiques

11.2.1 Climatique versus anthropique

Comme l’ont très justement fait remarquer Hiernaux et Gérard [122], les situations climatiques, édaphiques et topographiques dans lesquelles appa­ raissent les structures de végétation périodiques (chapitre 7) sont très bien délimitées et ne tiennent pas compte de la densité de population. Cela suggère qu’une origine anthropique, durant les temps historiques, (pâturage et récolte du bois), régulièrement avancée du reste (voir par ex. [30,119,129,271]) doive être écartée. Etant donné qu’aucun auteur n’a jamais observé la formation d’une structure in situ, la question de l’origine est restée jusqu’ici en suspens.

Or, durant nos travaux, nous avons accumulé plusieurs observation pho­ tographiques de l’apparition de structures périodiques de trous au sein de végétations auparavant diffuse : au Soudan entre 1966 et 1988 (chapitre 8) et dans une aire protégée du Niger entre 1956 et 2004 [16,117]. Ces transitions ce sont produites suite à plusieurs décennies de sécheresse et en l’absence

d’aug-mentation des impacts d’origines humaine. Durant la même sécheresse (entre 1957 et 1989), Gravier et Riser [107] ont observé la disparition complète de la brousse tigrée la plus septentrionale de la ceinture sahélienne : la brousse tigrée du Tagant en Mauritanie. Le Tagant est une région isolée où les actions anthropiques sont restées négligeables. Les deux auteurs suggèrent donc que la dégradation a été causée par la chute des pluviométries et l’augmentation des températures. Il ressort de ces observations locales que les fluctuations interannuelles de l’aridité sont responsables, au moins le long de la ceinture sahélienne, de transitions entre végétations diffuses, végétations organisées et sols nus. Une responsabilité équivalente des facteurs anthropiques, par un phé­ nomène de désertification, reste encore à être démontrée de façon rigoureuse même si il peut constituer un facteur aggravant, allant dans le même sens que l’aridité [16,107].

11.2.2 Endogène versus exogène

Dans l’ensemble, nos résultats démontrent l’existence d’une modulation des structures de végétation spatialement périodiques par les variations de pentes, de vent et d’aridité. La forme (morphologie) et l’échelle (longueur d’onde) des structures sont en perpétuel ajustement aux contraintes clima­ tiques fluctuantes. L’échelle temporelle de cet ajustement est de l’ordre de quelques décennies. Une migration marquée des structures en bandes (brousses tigrées) vers le haut de la pente opère à la même échelle, renforçant encore le caractère dynamique des structures. Alors que les modèles d’auto-organisation sont capables d’expliquer l’ensemble de nos observations par une émergence endogène de la structure, les hypothèses alternatives qui impliquent une source structurante exogène sont mises en défaut.

La première alternative est de considérer une hétérogénéité des conditions édaphiques préexistant à la structure. Dans une étude précédente menée au Niger, nous avons démontré l’absence d’hétérogénéité micro-topographique indépendante de la végétation [16]. D’autres auteurs ont montrés l’absence d’hétérogénéité de la texture du sol (voir par ex. [16,119,271,275]). Enfin, il est peu concevable qu’une telle source d’hétérogénéité soit responsable d’un changement de forme et d’un déplacement des fourrés.

Une fois les causes abiotiques écartées, nous pouvons envisager une struc­ turation par des organismes “ingénieurs de l’écosystème” [134] distincts de la végétation. Une explication souvent avancée implique les colonies d’insectes sociaux, et en particulier les termites champignonnistes des genres Macro­

termes, Odontotermes et Pseudocanthotermes, qui sont responsables de la construction de nids épigés de grandes taille [55,168]. Dans les savanes sou­ mises à un régime de feux ou d’inondations périodiques on observe des mon­ ticules (ou “termitières fossiles géantes” comme les nomme Aubréville [10], ou encore “termite hills” [210], “Mima-like mounds” [274], etc.), atteignant

jus-qu’à 10 mètres de haut et 30 mètres de diamètre résultant de l’occupation répétée des mêmes emplacements par des colonies successives [72,78,210]. Lorsque la végétation est de type arbustive ou arborée sur les monticules et herbacée ailleurs, on parle de savane à termitières [11]. Un exemple de mon­ ticule rencontré dans une structure périodique à trous — dont la structure est indépendante de l’activité des termites [14,16] — au Niger est illustré à la Figure 11.1. Ces dernières sont connues au nord, au sud et à l’est du bassin du Congo et sont à même de présenter des structures spatiales variées.

Figure 11.1 — Monticule de petite taille (deux mètres de haut) issu de l’accumulation des restes de plusieurs colonies de termites du genre Macrotermes. La végétation qui s’y développe est composée de Combretum micranthum et de Boscia senegalensis. La photo­ graphie à été prise dans une structure de végétation à trous dans la partie nigérienne du Parc Régional du W (12°22’46”N - 2°24’06”E).

L’activité des termites améliore plusieurs paramètres de l’environnement (voir la synthèse de Wilson et Agnew [274]) :

1. L’humidité et l’aération du sol : la perméabilité du sol en remaniant les horizons, en brisant les organisations superficielles et en créant une macroporosité localement importante.

2. Les nutriments : le sol des termitières contient les matériaux récoltés dans les environs et dans le sous sol.

3. Le drainage : Sur certain sites ; le terrain entre les monticules est inondé annuellement.

4. Le feu : l’anneau de sol nu entourant les monticules peut agir comme coupe feux.

En conséquence, un fourré dense se développe habituellement sur les monti­ cules, contrastant nettement avec la végétation environnante beaucoup plus éparse. Il y à deux façons par lesquelles la végétation ligneuse peut favoriser (amplifier) en retour la croissance du monticule, refermant ainsi la boucle de rétroaction positive.

1. La plus grande productivité végétale sur les monticules constitue une ressource appréciable pour les termites.

2. Le couvert végétal protège le monticule de l’impact direct des pluies torrentielles et les systèmes racinaires stabilisent sa structure.

Les matériaux de construction des monticules ont les mêmes caractéristiques texturales que le sous-sol dont ils sont extraits et ils contrastent invariable­ ment avec la texture plus grossière des horizons superficiels [210]. En région humide, ce sont les sols fins qui sont les plus favorables à la végétation, par leur importante capacité de rétention maximale en eau (capacité au champ élevée). En région aride c’est l’inverse, car pour une même pluviométrie, l’eau pénètre d’autant plus profondément dans un sol, est d’autant mieux protégée de l’évaporation et est d’autant plus disponible pour les plantes (point de flé­ trissement faible) que le sol a une texture plus grossière [263]. En conséquence, un îlot de végétation poussant sur un de ces monticules peut laisser place à une plage de sol nu suite à une période plus sèche. Une fois la végétation éliminée, l’érosion du monticule donne rapidement lieu à un glacis d’érosion étendu qui s’oppose à la germination des thérophytes et empêche l’infiltra­ tion, stabilisant ainsi l’état dénudé [210]. De plus, la compétition entre les colonies matures [72,105,144] impose un espacement régulier (surdispersion) des monticules [210].

On peut donc s’attendre à trouver une structure régulière d’îlots de végé­ tation denses dans les zones les plus humides et, inversement, une structure régulière de plages de sol nu lorsque le climat est plus aride. La compétition entre colonies n’est pas affectée en présence d’une pente, mais on observe très souvent que la déliquescence d’un monticule dans une direction préférentielle produit une languette de particules fines en direction de l’aval [105] formant ainsi une structure régulière anisotrope dont l’axe d’allongement est orthogo­ nal aux courbes de niveaux.

Ces dynamiques sont étayées par des observations que nous avons effec­ tuées dans des savanes à termitières dans lesquelles la répartition de la végé­ tation est indéniablement liée à la présence de monticules qui atteignent des tailles considérables (3 mètres de haut et 6 mètres de diamètre) et sont régu­ lièrement distribués dans l’espace. Bien que situées à seulement 30 kilomètres au sud-est de la structure périodique à trous illustrée à la Figure 11.1 ces sa­ vanes à termitières se développent dans des conditions édaphiques distinctes. Le sol y est plus profond et la matrice de graminées est soumise annuellement au passage du feu (Abdoulaye Diouf, com. pers.). Nous avons observé que les îlots localisés sur les monticules ont laissé la place à des plages de sol nu (trous) suite à la grande sécheresse sahélienne (Fig. 11.2). Au plus fort de la sécheresse (1975), on observe une déliquescence des monticules dénudés dans la direction de la pente (vers le nord-est) menant à une structure sensible­ ment anisotrope similaire à celle décrite dans les savanes kenyanes par Glover et al. [105].

L’activité des termites peut donc produire des structures à première vue semblables à celles des végétations périodiques que nous avons étudiées ici. Cependant la succession de structures attendue dans ce cas le long d’un gra­ dient d’aridité croissant (structures en îlots se transformant subitement en

Figure 11.2 — Série diachronique de photographies aériennes prises dans la partie béninoise du Parc Régional du W (12°20’ N - 2°20’ E). On observe une dégradation partielle d’une savane à termitières (A, 1956) vers une savane à trous après une période de sécheresse (B, 1975) et un retour vers l’état initial concomitant avec le rétablissement partiel des pluies (C, 1996). Les niveaux de gris sont proportionnels à la densité de végétation : le sol nu apparaît en blanc et la végétation est de couleur foncée. La zone plus foncée au centre de l’image B correspond à un passage de feux. Le cortège floristique poussant sur les monticules est dominé par Combretum micranthum. La savane herbeuse qui les entoure est dominée par de grandes Andropogonae. Le Nord est en haut. Photographies (c) IGNN.

une structure en trous) est l’inverse de celle que nous avons observée au Sou­ dan. En outre les bandes de végétation observées au Soudan, mais aussi en Australie, en Somalie et dans le désert du Chihuahua, ne sont pas parallèles, mais bien orthogonales à la direction de la pente ce qui à nouveau favorise l’hypothèse d’une origine endogène. Enfin, si la présence de nids, même fort dégradés, était responsable de l’organisation végétale, nous devrions constater des différences topographiques et édaphiques substantielles entre les fourrés et les plages de sol nu, ce que nous avons déjà invalidé. Ainsi, d’après nos propres résultats et ceux de nos prédécesseurs^ nous devons rejeter l’hypothèse d’une structuration de la végétation par les colonies de termites.

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