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Hypothèses

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10 Dynamics and migration of banded végétation Systems 95

11.1 Hypothèses

Hypothèse 1. Les structures spatialement périodiques émergent dans des contextes phytogéographiques distincts dès qu’un certain nombre de facteurs environnementaux nécessaires et suffisants sont rencontrés, et en particulier un certain niveau d’aridité.

Au cours de la première étude (chapitre 7, page 45), nous avons construit un modèle empirique de la distribution potentielle des végétations auto-organisées caractérisées par une longueur d’onde d’au moins 60 mètres (sans distinction entre bandes, trous, labyrinthes et fourrés isolés). A partir des conditions cli­ matiques, édaphiques et topographiques des localisations connues de ces struc­ tures, nous avons modélisé la distribution de probabilité (avec la contrainte de maximum d’entropie [202]) d’occurrence d’une organisation en structure périodique en fonction des conditions environnementales. Rapportée sur une

carte, la distribution de probabilité produit une distribution potentielle de ce phénomène.

La valeur prédictive du modèle est attestée par sa capacité de localiser des aires de végétation périodique qui n’avaient pas été inclues dans le paramé­ trage du modèle. Entre autres, nous avons découvert dans l’état du Kordofan occidental au Soudan une zone de végétation périodique qui inclut toute la gamme des structures prédites par les modèles d’auto-organisation.

Une approche par Jack-knife et un partitionnement de la variance expli­ quée {hierarchical partitioning) par les différentes variables nous ont permis d’identifier un certain nombre de variables environnementales prépondérantes. Parmi les facteurs environnementaux considérés, c’est l’aridité, représentée sous la forme du ratio entre précipitation moyenne annuelle et évapotranspi­ ration potentielle annuelle, qui est apparue comme le facteur le plus important. Nous rapportons également l’importance de la saisonnalité des températures et des précipitations. A l’échelle de notre analyse, il apparaît clairement que la végétation perd son organisation lorsque la pente excède deux pour cent. En effet, le ruissellement en rigoles qui se produit aux valeurs importantes de pente n’est pas propice au fonctionnement du système [22,119,168]. Enfin, lorsque le sol n’est pas de type sablo-argileux la végétation demeure uniforme (ou diffuse).

En réponse à un ensemble de facteurs climatiques singuliers, les struc­ tures de végétation apparaissent donc converger vers l’expression de longueurs d’ondes spatiales quel que soit le contexte phytogéographique. Nos résultats mettent en évidence la nature zonale de la distribution géographique des vé­ gétations périodiques auto-organisées. Sur les deux hémisphères, lorsqu’on se déplace de l’équateur aux pôles, on rencontre des végétations auto-organisées une première fois à la transition entre savane et déserts tropicaux, puis, à nou­ veau, de l’autre côté du désert, à la transition avec les zones semi-arides. Si à l’échelle régionale la formation des structures de végétation périodiques est fondamentalement non-déterministe car dépendante de l’histoire des fluctua­ tions climatiques [83,175,216], à l’échelle du biome, par contre, elle apparaît comme une formation végétale prédéterminée.

Hypothèse 2. L ’aridité et la pente jouent le rôle de paramètres de modulation de la structure.

Plusieurs modèles d’auto-organisation, que nous avons détaillés dans l’in­ troduction, prédisent la formation d’une structure en bandes périodiques en présence de pente. A l’exception notable des modèles reposant sur un trans­ port de l’eau restreint au ruissellement (advection), les modèles prédisent aussi une succession déterminée de structures sur terrain plat (environnement loca­ lement isotrope) le long d’un gradient d’aridité croissante : trous, labyrinthes, fourrés isolés.

Afin de tester la modulation par la pente et l’aridité (chapitre 8, page 61), nous avons effectué une étude spécifique sur une zone découverte au Kordo- fan occidental lors de la première étude. Cette zone est singulière car y sont présents, côte à côte, toutes les structures prédites par les modèles d’auto­ organisation.

Nous avons démontré que la variabilité des précipitations et de la pente ex­ pliquent les successions observées dans l’espace et dans le temps. Sur 200 km, le long du gradient régional d’aridité, la succession observée correspond à celle prédite par les modèles d’auto-organisation. Conformément à ceux-ci, la suc­ cession correspond à une augmentation continue de la longueur d’onde des structures.

Une couverture multi-date d’une portion de ce territoire nous à permis d’analyser la dynamique des structures depuis 1966, c’est à dire juste avant le début de la grande sécheresse sahélienne, jusqu’en 2001. Les transitions obser­ vables pendant la sécheresse correspondent à une migration vers le sud-est du front séparant les structures en îlots de celles en labyrinthes. Ces comporte­ ments démontrent le caractère plus général des modèles capables de reproduire des structures dans un environnement isotrope.

Nous avons également vérifié la sélection d’une structure en bandes paral­ lèles en présence d’une pente substantielle (> 0,25%). Nos résultats indiquent que la longueur d’onde des bandes est inversement proportionnelle à la dé­ clivité du terrain. Cet effet n’a malheureusement pas fait l’objet d’analyses détaillées par simulation mathématique même si il peut être reproduit par les simulations (Olivier Lejeune, com. pers.).

Hypothèse 3. Lorsqu’il existe une anisotropie dans l’environnement, celle-ci impose à la structure une configuration en bandes perpendiculaires à sa direction.

Lors de la troisième étude (chapitre 9, page 83) nous avons estimé l’orien­ tation des bandes de végétation ainsi que des pentes sur lesquelles elles appa­ raissent. Nous avons observé que l’hypothèse de perpendicularité à la pente se vérifie en première approximation : la pente explique la plus grande partie de l’orientation des bandes.

Cependant l’examen des résidus entre nos données et la situation atten­ due (orthogonalité) a montré une forte cohérence spatiale suggérant l’existence d’un facteur d’anisotropie indépendant de la pente. Afin d’expliquer les dévia­ tions observées nous avons formulé l’hypothèse d’une anisotropie complémen­ taire déclenchée par les vents d’harmattan qui soufflent du secteur nord-est durant la saison sèche.

L’implication des vents dominants à reçu beaucoup d’attention de la part de certains auteurs. Boudet [30], par exemple, interprète l’orientation des bandes en termes d’une combinaison de processus érosifs éoliens et hydriques :

“L'orientation de la pente des glacis détermine l’axe de travail de l’érosion en nappe, pendant que l'érosion éolienne s’effectue dans le sens des vents dominants de saison sèche. La disposition des bandes de fourrés sera la conséquence de la combinaison de ces deux axes d'érosion qui pourront infléchir l’orientation des fourrés et diversifier les aspects de la brousse tigrée en bandes parallèles, bandes incurvées, en rosaces...”

L’alignement orthogonal des bandes de végétation aux vents dominants au Mali et en Jordanie a été interprété comme une preuve de leur association aux transports éoliens [158,268]. La formation de végétations en bande or­ thogonales [209,233] mais aussi parallèles [192] aux vents dominants suggère l’existence de processus éoliens distincts capables d’orienter la végétation de ces deux façons.

Une explication nous est offerte par la modélisation mathématique. Lefever et Lejeune [151] ont montrés que les bandes de végétation tendent à s’orienter d’elles même dans la direction parallèle ou perpendiculaire à la direction de l’anisotropie selon que celle-ci influence les interactions favorisant ou inhibant la reproduction végétale. Étant donné l’observation d’une déviation systéma­ tique des bandes vers la perpendicularité aux vents dominants, nos résultats suggèrent une action éolienne agissant principalement sur la compétition au Kordofan. En d’autres termes, la zone d’influence dans laquelle les plantes ponctionnent les ressources serait préférentiellement étendue dans l’axe des vents dominants. L’influence des vents sur la redistribution des semences [5] — effet qui ressort de la facilitation — serait quant à elle négligeable au Kordofan.

Dans les milieux arides, l’accumulation directionnelle (anisotrope) de ma­ tériaux éoliens à texture grossières aux pieds des plantes constitue un méca­ nisme très bien documenté. Les plantes pérennes peuvent souvent jouer le rôle d’obstacles aux sables emportés par les vents qui s’accumulent ainsi à leurs pieds formant de petits monticules (0,1-1,0 m de haut et 0,5-5,0 m de dia­ mètre) qui s’allongent préférentiellement du côté sous le vent. Ces monticules de sables sont connus dans la littérature sous une variété de nom, par exemple “micro-nebkas” [21], “phytogenic hillocks” [19], “miniature dunes” [37] ou “reh- boub” (sing. “rehba”) [128]. Ces apports en éléments grossiers dans l’axe des plantes favorisent la perméabilité et protègent le stock hydrique contre l’éva­ poration.

Un deuxième mécanisme plausible invoque l’influence des vents sur la re­ distribution des ressources. De la même façon que l’eau s’écoule le long de la pente, les matières organiques (débris végétaux et animaux) sont emportées par le vent jusqu’au fourré suivant où elles sont piégées par la végétation. Dans ce cas il faudrait admettre que l’orientation des bandes est due non seulement à la redistribution de l’eau par la pente mais également, dans une

mesure relativement moindre, à la redistribution des matières organiques. Hypothèse

4-

Les systèmes en bandes présentent une dynamique cohérente de déplacement vers l’amont à l’échelle du paysage.

Dans la dernière étude (chapitre 10, page 95), nous avons testé sur trois continents l’hypothèse d’une migration des systèmes en bandes vers le haut de la pente.

En premier lieu, nous avons confirmé l’orthogonalité des bandes étudiées par rapport à la direction de déclivité maximale du terrain. Nous pouvons donc qualifier les dynamiques des lisières de ces bandes comme étant res­ pectivement vers l’amont ou vers l’aval. Une approche statistique par analyse cross-spectrale en deux dimensions [17] à été appliquée sur des paires d’images verticales prise à quatre décennies d’intervalle afin de quantifier de manière objective et automatique les vitesses et les directions de migration.

Cette approche nous a permis d’apporter la première preuve indiscutable d’une migration vers l’amont des végétations en bandes de Somalie [119], du Nord-Est du désert du Chihuahua [166] et du Maroc [129]. Contrairement à une idée répandue, nous avons montré que les quelques décennies de recul que permettent les photographies aériennes et satellitaires sont suffisantes pour observer une migration de l’ordre du décamètre. Le déplacement des lisières s’effectue toujours vers l’amont et à une vitesse qui est directement proportion­ nelle à la longueur d’onde du système. Le recrutement des nouveaux individus est localisé en amont de la bande et forme un front de colonisation qui remonte la pente. Inversement, la forte mortalité qui se produit dans la lisière en aval des bandes conduit à un retrait progressif vers l’amont. Chaque point du sys­ tème voit donc se succéder les associations végétales en un cycle prédéterminé

(pionnière, mature, sénescente, sol nu, pionnière,...) qui est également visible dans l’espace.

Afin de déterminer si le mouvement se produit de façon continue sur les deux lisières opposées ou plutôt de façon alternative, nous avons étudié une série diachronique de quatre photographies aériennes de la même zone de végétation en bandes dans le désert du Chihuahua au Texas. Les trois périodes délimitées par ces photographies montrent un fort déterminisme climatique des dynamiques de colonisation et de retrait. En effet, nous avons observé une forte colonisation associée à une absence de retrait à la suite d’une succession d’années humides. Inversement, après une période de sécheresse de plusieurs années, seul un fort retrait était visible.

Ainsi, la continuelle modification de l’environnement par la communauté végétale à pour conséquence une succession écologique circulaire se dérou­ lant dans un sens prévisible. Aucune étape de la succession ne constitue un état d’équilibre stable et son climax en est aussi l’état initial. Les perturba­ tions climatiques temporaires, qu’elles soient favorables ou défavorables sont

la force motrice des transitions. A un instant donné, l’état du système est donc moins déterminé par le climat moyen que par les évènements climatiques ex­ ceptionnels des dernières décennies. A une échelle d’analyse supérieure, l’état fluctuant instable du système laisse place à une organisation caractérisée par une longueur d’onde stable dans le temps.

Il ne semble pas permis à ce stade de distinguer quelle propriété édaphique est responsable des conditions plus favorables qui prévalent manifestement en amont des fourrés. En effet, deux éléments distincts, mais pas forcément indé­ pendants, rendent les conditions plus favorables à la végétation dans la lisière en amont que dans la lisière en aval. En premier lieu, on peut mettre en cause la perméabilité supérieure des sols de la lisière en amont, comme cela à été observé au Niger par Galle et al. [97]. En deuxième lieu, on peut invoquer un processus d’érosion hydrique régressive qui fait migrer vers l’amont les zones d’érosion et de redéposition des particules fines et des matières organiques. Au Niger par exemple, Guillaume et al. [112] ont décrit une facilitation de la régénération par la redéposition des sédiments fins (alluvionnement) dans la ceinture d’herbacées qui borde la lisière en amont des fourrés. On peut également envisager une combinaison de ces processus.

Parallèlement à ces systèmes mobiles, nous avons présentés deux sites aus­ traliens (Alice Springs et Broken Hill) et un site somalien pour lesquels nous ne constatons pas de mouvement substantiel. Nous ne pouvons cependant peis écarter l’existence d’un mouvement qui serait alors environ dix fois plus lent que celui des systèmes très mobiles décrits plus haut.

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