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2.3 Discussion

2.3.1 Origine physique d’écart à l’extensivité

Écart à l’extensivité et corrélations Comme nous l’avons expliqué plus haut, le résul- tat principal de cette série d’expériences est l’observation d’une dépendance anormale, sous-extensive, de la variance du volume libre dans les sous-systèmes de taille N consi- dérés dans notre analyse. Nous allons montrer ici que l’origine de cette sous-extensivité est la présence de corrélations entre les volumes libres individuels de grains adjacents. En l’absence de corrélations, le théorème de la limite centrale donnerait Var(vNf) ∝ 1/N . Pour comprendre plus quantitativement comment la présence de corrélations dans notre système se traduit par l’écart au scaling Var(vfN) ∝ 1/N , nous allons faire quelques hy- pothèses simplificatrices. On suppose donc que (i) les clusters que nous considérons sont des disques de rayon R, (ii) la densité de grains au sein de ces clusters est homogène, (iii) en introduisant δvfi ≡ vfi − vf, où vf est le volume libre moyen par grain, la corréla-

tion hδvfiδvjfi des volumes libres associés aux grains i et j ne dépend que de la distance r = |ri− rj| entre ces grains, et pas des positions des grains i et j par rapport au centre du

cluster par exemple. Nous noterons cette corrélation C(r) dans la suite. En développant l’expression de la variance, on obtient que

Var(vfN) = Var 1 N X i vfi ! = 1 N2 X i,j hδvfiδvfji (2.16)

En tirant parti des hypothèses introduites plus haut, on obtient

Var 1 N X i vif ! =ρ N 2Z |r1|<R dr1 Z |r2|<R dr2C(|r1− r2|) (2.17)

Supposons alors que la fonction de corrélation C(r) se comporte aux grandes valeurs de l’argument comme r−γ. On peut alors calculer le comportement en R de l’intégrale qui apparaît dans l’équation 2.17, et on obtient que Var(vNf) ∼ N−γ/2. Pour obtenir ce

résultat, il faut passer en coordonnées polaires, puis intégrer sur les vecteurs position r1 et r2. En fait, la partie angulaire de l’intégrale apparaît seulement dans le préfacteur

de la loi de puissance N−γ/2. Cela suggère que la forme précise des clusters ne joue qu’un rôle secondaire, et n’affecte pas le comportement en N . Dans notre cas, et dans le cadre de ces hypothèses, on peut inférer l’existence de corrélations dont la décroissance spatiale se comporte comme r−γ avec γ ≈ 1.6 sur la gamme de distances accessible expérimentalement.

Sources de corrélations D’un point de vue physique, ces corrélations sont reliées à la présence de fluctuations anormales du nombre de particules au sein des clusters. Plus précisément, on peut penser soit à des fluctuations anormales de la densité elle même [101], soit à des fluctuations de la fraction de petits et de gros grains présents dans les clusters. Nous avons représenté sur la partie gauche de la figure 2.8 le nombre moyen hN i de grains et le nombre moyen hNsi de petits grains présents dans les disque de rayon

R en fonction de R2. A noter que cette procédure est différente que celle que nous avons utilisée précédemment, où nous considérions des clusters de proches voisins. Comme on s’y attend, on obtient une relation linéaire de ces valeurs moyennes en R2, ce qui ne fait que confirmer le caractère compact des empilements considérés. Cependant, nous avons représenté sur la partie droite de la figure 2.8 la variance Var(N ) du nombre de grains et la variance Var(Ns) du nombre de petits grains présents dans les disques de rayon R.

On observe cette fois que ces deux quantités ne dépendent pas linéairement de R2, et ne sont donc pas linéaires respectivement en N et Ns. De plus, ces fluctuations anormales

sont beaucoup plus fortes pour les petits grains que pour la densité elle-même. Le fait que la densité se comporte précisément comme R2 montre d’autre part que les corrections

triviales associées au caractère discret de l’assemblée sont négligeables sur la gamme de tailles étudiées. Cela confirme que l’écart à l’extensivité de la variance du volume libre est un effet physique et n’est pas simplement dû à des effets génériques de taille finie qui

FIG. 2.8: A gauche, valeur moyenne, et à droite, variance, du nombre de grains N et de

petits grains Nsdans les clusters de rayon R en fonction de R2.

affecteraient toutes les observables. On peut cependant se demander si ces dépendances anormales ne trouvent pas leur origine dans le caractère bidimensionnel de notre système, et si les exposants obtenus seraient les mêmes dans un système tridimensionnel. Nous avons obtenu un élément de réponse à cette question. Pour cela, nous avons réalisé des simulations de tessellations de Poisson-Voronoï en deux dimensions, correspondant sim- plement aux cellules de Voronoï associées à 2000 points jetés de manière aléatoires dans une région carrée du plan, et nous avons menée notre analyse en taille sur ces données. Nous avons reporté sur la figure 2.9 la variance du volume des cellules ainsi construites dans des clusters de taille N définis selon la procédure présentée plus haut en fonction de 1/N .

L’ajustement linéaire de la variance, tracé en rouge, donne une pente valant 0.97, ce qui est très proche du cas extensif. Cette analyse ne révèle donc aucune dépendance anormale, contrairement à ce que nous avons observé dans notre système. Ce résultat souligne le rôle de l’extension finie des grains dans nos observations, et le fait que nos résultats ne sont pas un artefact dimensionnel.

FIG. 2.9: Variance du volume moyen d’une cellule de Voronoï au sein d’un cluster de taille N en fonction de 1/N pour des points jetés de manière aléatoire dans un carré du plan. L’ajustement linéaire, en rouge, donne une pente de 0.97.