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1.5 Problématique

2.1.2 Contexte théorique

Généralisation Pour pouvoir proposer une procédure qui nous permette d’extraire ex- périmentalement les propriétés statistiques des empilements granulaires, nous allons d’abord discuter avec un peu plus de détails les bases théoriques de l’approche de Edwards. Bien que la définition de la compactivité X repose apparemment sur l’équiprobabilité des configurations compatibles avec un volume total donné, on peut en fait définir un tel pa- ramètre dans un contexte plus général. Considérons une assemblée granulaire dense dont les configurations microscopiques seront notées C. Dans l’esprit de la théorie présentée

plus haut, nous supposerons que le volume total du système est une quantité conservée par la dynamique. Cela correspond d’un point de vue expérimental à confiner les grains dans une cellule macroscopique de volume fixé, mais on peut avoir une vision plus locale de cette contrainte en considérant les réarrangements compatibles avec une configuration des grains aux bords du système considéré. D’une manière très générale, en tenant compte de cette contrainte de conservation, on peut écrire la probabilité stationnaire P (C) d’une configuration de ce système

P (C) = f (C)

Z(V )δ(V (C) − V ) (2.1)

Cette formule définit la pondération f (C) et le facteur Z(V ) assure la normalisation. On suppose qu’aux grandes échelles de longueur, la seule source de corrélation des diffé- rentes régions du système provient de la contrainte de conservation du volume total. On entend par là le fait que si on scinde le système total S en deux sous-systèmes S1,2, le

facteur de normalisation Z(V ) se factorise sous la forme Z(V ) ≈ Z1(V1) Z2(V − V1),

où le caractère approximatif de l’égalité ne provient que de possible contributions de l’in- terface entre les deux sous-systèmes dont on s’attend à ce qu’elles disparaissent dans la limite thermodynamique. Cette propriété de factorisation est en particulier vérifiée si les pondérations f (C) qui apparaissent dans l’équation 2.1 se factorisent elles-mêmes sous la forme

f (C) = f1(C1) f2(C2) (2.2)

où C = (C1, C2). Sous ces hypothèses, on peut définir un "paramètre thermodynamique

intensif" X pour le système hors d’équilibre en question [39] 1

X =

∂ ln Z

∂V (2.3)

Il faut remarquer à ce stade qu’on retrouve la définition de Edwards en choisissant les pondérations f (C) de manière à ce qu’elles soient uniformes sur les états mécanique-

ment stables de l’assemblée, et nulles ailleurs. Cette reformulation met en lumière le fait que l’hypothèse d’équiprobabilité des configurations bloquées n’est pas nécessaire à la définition d’une compactivité.

Construction canonique Une situation expérimentale pertinente dans ce contexte consiste à considérer une petite sous-partie d’un empilement macroscopique. Dans cette situation, on peut tenir compte de l’effet du reste du système vu comme un réservoir en résumant cet effet à la valeur de la compactivité de ce réservoir. En effet, si on intègre de manière classique les degrés de liberté du réservoir dans l’équation 2.1, on obtient la distribution de probabilité "canonique" des configurations du sous-système

Pc(C) =

f (C) Zc(X)

e−V (C)/X (2.4)

On remarque que du fait de la présence du facteur exponentiel dans la distribution 2.4, les relations thermodynamiques usuelles, comme

hδV2i = X2∂V

∂X (2.5)

sont encore valables, indépendamment de la forme spécifique des poids f (C), à condition que la condition de factorisation 2.2 soit vérifiée. Une telle relation offre la possibilité de mesurer la compactivité d’un empilement, comme il a été fait dans [91].

Discussion On peut obtenir beaucoup d’information sur les propriétés statistiques du système en mesurant la probabilité pour qu’un sous-système de N particules occupe un volume V . D’un point de vue formel, on obtient cette distribution en sommant la distri- bution canonique 2.4 sur les configurations de volume fixé V

ΦN(V ) = Z dCPc(C) δ (V (C) − V ) = ZN(V ) Zc(X) e−V /X = 1 Zc(X) eSN(V )−V /X (2.6)

L’information statistique sur la complication du système est entièrement contenue dans la fonction ZN(V ), dont le logarithme est l’entropie généralisée SN(V ) = ln ZN(V ).

Le calcul de la fonction SN(V ), qui dépend de manière compliquée des poids f (C) a

priori inconnus, est une tâche ardue, hors d’atteinte des théories existantes. Il est donc d’une importance primordiale pour la compréhension statistique de ces systèmes d’obte- nir des informations quantitatives sur la fonction SN(V ), en particulier sur sa dépendance

dans la taille N du sous-système considéré, d’un point de vue expérimental. Une telle ap- proche permettrait en particulier de répondre à la question de l’existence d’une propriété de grandes déviations pour les variables considérées. Dans ce but, il nous faut d’abord choisir un ensemble de variables physiques qui soit à la fois expérimentalement acces- sible et adapté à la description des configurations microscopiques du système. Cepen- dant, ces variables peuvent ne pas entièrement définir la configuration courante, au sens où plusieurs configurations peuvent mener à la même valeur de ces variables. Le choix le plus simple est de considérer les volumes vi des cellules associées aux grains par une

tessellation de l’espace [100], en laissant de coté la description des forces entre les grains. Dans le cas des systèmes polydisperses, un choix alternatif qui permet une description homogène du système consiste à considérer les volumes libres vfi obtenus en soustrayant aux volumes des cellules élémentaires le volume des grains qui leur sont associés. Nous allons considérer dans la suite les deux types d’approche, en insistant cependant sur la description en termes de volumes libres. Par ailleurs, nous allons nous concentrer sur le cas des systèmes contraints à évoluer dynamiquement d’un état mécaniquement stable à un autre, comme c’est le cas dans le dispositif expérimental que nous allons étudier. De tels systèmes peuvent ainsi être décrits par une densité d’états ρ



{vfi}qui correspond au nombre d’états bloqués associés aux volumes libres vif. Si on introduit le volume libre total de l’assemblée Vf = V − Vg où Vg est le volume total occupé par les grains, la

ZN Vf = Z Y i dvfi ρ{vfi} f{vif}δ X i vif − Vf ! (2.7) Cette formule révèle les difficultés inhérentes à la construction proposée par Edwards que nous avons détaillées plus haut, et se prête à quelques commentaires. D’abord, comme nous l’avons dit, la fonction ρ{vif}est la densité statique d’états, qui correspond à un simple comptage des états bloqués compatibles avec les contraintes pour une configura- tion donnée. Elle encode en particulier cette condition de compatibilité pour les variables qui ne sont pas prises en compte dans la description microscopique que nous avons choi- sie, comme par exemple les forces, et constitue de fait une mesure de la dégénérescence de la configuration en question. Ensuite, la fonction f ({vfi}) rend compte de la population dynamique des états accessibles au système, et peut dépendre en particulier du mécanisme d’injection d’énergie ou plus généralement de ce qui permet au système d’explorer son espace des phases. Ce facteur est une mesure de l’écart à l’équiprobabilité et donc au cas thermique. Ainsi, ces deux termes ont des origines physiques différentes. Pourtant, seul leur produit apparaît dans l’équation 2.7, ce qui rend impossible la détermination des poids dynamiques f ({vif}) sans avoir une connaissance indépendante de la densité d’état ρ{vfi}. Comme la détermination de cette dernière est en général hors d’atteinte dans une situation expérimentale réaliste, il s’en suit que l’hypothèse de Edwards concernant l’équiprobabilité des états ne peut pas être testée expérimentalement. Seuls les systèmes modèles simplistes où cette densité d’état peut être déterminée analytiquement permettent de tester l’hypothèse d’uniformité de la mesure construite dynamiquement. Cependant, comme nous l’avons vu, cette hypothèse n’est pas nécessaire à l’implémentation de la formulation statistique introduite ci-dessus qui motive la détermination expérimentale de l’entropie généralisée SN (V ) et de la compactivité qui lui est associée.