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CHAPITRE I : Synthèse Bibliographique

3. ORIGINE ET HISTORIQUE DE L’ENROBAGE EN VOIE SECHE…

La technique de l’enrobage en voie sèche, contrairement à la voie humide, est assez récente. Elle a été initiée principalement au Japon depuis une quinzaine d’années et reste encore en phase de recherche et de développement.

3.1 Mélanges ordonnés

Le sujet de l’enrobage en voie sèche est très proche du sujet de mélange de poudres à sec. Théoriquement, un procédé de mélange binaire idéal est fondé sur le mélange intime des constituants de façon à ce que tout échantillon pris dans le mélange contienne les mêmes proportions des deux constituants. Ceci est, néanmoins, difficile à réaliser. En particulier, pour des poudres cohésives ou différentes en taille. Lorsque les poudres sont cohésives, elles forment naturellement des agglomérats et l’opération de mélange de deux constituants nécessite de casser ces agglomérats. Dans le cas où les tailles des particules sont différentes, l’aptitude à la ségrégation augmente. À mesure que la différence de taille entre les deux constituants devient grande (un ou deux ordres de grandeur), les plus petites particules tendent à adhérer à la surface des plus grandes particules. La force d’adhésion entre la particule invitée et la particule hôte est assez grande que pour rendre difficile le détachement des fines particules de la surface de la particule hôte (Pfeffer et al. 2001). Ce phénomène génère un “mélange ordonné“ d’après Hersey (1975), il est représenté sur la figure I.2.

Figure I.2 : Schéma du mélange ordonné

L’avantage du mélange ordonné est de fournir une meilleure homogénéité qu’un mélange aléatoire. Le fait d’avoir un nombre de particules fines n’excédant pas le nombre de sites disponibles sur la surface des plus grandes particules implique aussi un mélange ordonné beaucoup plus stable à la ségrégation au cours de manipulation, de vibration et de transport

(Hersey, 1975, Yip et al., 1977a, Alonso, 1989a). Bien que les mélanges ordonnés résistent assez à la ségrégation, ils peuvent, cependant, présenter un certain type de ségrégation appelée « ségrégation de l’unité ordonnée » (Hersey, 1977, Yip et al., 1977 b et c, 1981, Thiel et al., 1983), liée à la nature poly-disperse des plus grandes particules.

Le concept du mélange ordonné semble être utile pour expliquer le mélange de poudres cohésives ou interactives. En effet, les propriétés cohésives et d’autres phénomènes de surface se développent à mesure que la taille de particules diminue, ce qui donnera un aspect beaucoup plus ordonné à l’opération de mélange. Contrairement au mélange aléatoire, le mélange ordonné s’effectue surtout en présence d’interactions fortes entre les particules. L’adsorption, la chimisorption, la tension de surface, la friction, les forces électrostatiques et les forces de Van der Waals jouent un rôle important dans ces interactions (Hersey, 1975, Yeung et al., 1979). Ce type de mélange a été défini par Egermann (1983) comme étant « un mélange interactif ».

Une explication qualitative du mécanisme régissant les mélanges ordonnés a été proposée par Bannister et al. (1983). Les trois étapes identifiées peuvent être résumées en une séparation des agglomérats de fines particules, suivie par la création de liaisons entre les fines et les grosses particules et enfin par une redistribution et un échange des particules fines entre les particules hôtes.

Bien que le processus réel ne se produise pas forcément dans cet ordre, il est clair que la désagglomération des fines particules doit se produire pour réaliser un tel mélange. Pour cela, un apport d’énergie semble nécessaire pour favoriser la désagglomération des particules fines, c’est à dire, créer un grand nombre de collisions entre les particules impliquant des forces de cisaillement et d’impact. Les machines (mélangeurs ou broyeurs) à utiliser pour atteindre cet objectif doivent alors être de forte puissance.

La présence des particules plus grosses dans le mélange facilite la désagglomération des particules fines dans une machine de type broyeur. Ce phénomène semble en faveur du choix de l’enrobage en voie sèche puisque les particules hôtes vont avoir un rôle majeur dans la désagglomération des particules invitées.

3.2 Mécanisme du mélange ordonné / enrobage en voie sèche

Pour une meilleure compréhension du mécanisme d’enrobage, Alonso et al. (1988, 1989a et b, et 2001) ont tenté de décrire quantitativement le procédé de mélange ordonné à partir d’observations expérimentales en se basant sur des modèles statistiques décrivant les cinétiques de transfert des particules fines par collisions entre les plus grosses particules. Le

modèle a été utilisé pour simuler l’étape de transfert dans un procédé d’enrobage et l’influence de quelques paramètres comme le rapport de taille entre les particules fines et grosses et la concentration en fines dans le mélange. La probabilité de transfert sur la distribution des fines dans les grosses a été analysée (Alonso et al., 1989a et 2001).

Le procédé d’enrobage des poudres suit en général les étapes suivantes (Fig. I.3) :

1) et 2) Au début de l’opération, les agglomérats des particules fines adhèrent aux grosses particules dans leur voisinage immédiat ;

3) Au cours d’une collision entre une grosse particule portant des particules fines à la surface avec une autre grosse particule non enrobée, il y a un transfert d’une partie des fines de la particule enrobée vers la particule non enrobée ;

4) Par les effets de cisaillement lors de la collision ou le frottement, les agglomérats des fines sont dispersés sur les surfaces des grosses particules, augmentant ainsi les surfaces enrobées.

5) Un enfoncement des particules fines à la surface des grosses particules peut alors se produire par mécanofusion

Le taux de dispersion et le degré de désagglomération dépendent fortement de l’énergie mécanique apportée par le type de mélangeur utilisé. L’énergie est d’autant plus forte que les fines sont cohésives.

Figure I.3 : Mécanisme du processus d’enrobage-mécanofusion (Alonso et al. 1999) 1) État initial

2) Formation des premières particules enrobées

3) Les particules enrobées transfèrent quelques fines sur les particules non-enrobées

4) Désagglomération des agglomérats et dispersion des fines sur la surface des particules hôtes

Dans certains appareils de mélange et d’enrobage comme celui utilisé par Alonso et al. (1989b), appelé Angmill® (mécanofusion) et qui sera décrit ultérieurement, l’énergie mécanique très élevée apportée au mélange des particules et la conception particulière de l’appareil impliquent une modification significative de la surface des particules et provoquent éventuellement, dans certains cas, la pénétration totale des particules fines dans les particules hôtes (mécanofusion, étape5) de la figure I.3). Ces auteurs ont enrobé des particules de Polyméthylméthacrylate (PMMA) de diamètre de 50 m par des sphères de magnétite noires de diamètre moyen de 0,17m et ont pu suivre les différentes étapes du mélange allant de la formation des premières particules hôtes enrobées jusqu’au transfert des particules par collisions entre les particules hôtes enrobées et non enrobées. Ce processus peu être comparé, par analogie, à une réaction chimique entre les particules enrobées (C) et non enrobées (N)

de type: C+N  C+C, impliquant une augmentation du nombre de surfaces enrobées

(Alonso, 1989b) et une diminution de l’épaisseur de la couche enrobante.

Honda et al. (1991, 1994) se sont intéressés au mécanisme d’adhésion des particules par enrobage en voie sèche. Ils ont divisé Les principales forces d’adhésion entre les particules peuvent en différents groupes : 1) forces d’attraction de Van der Waals (moléculaires ou électrostatiques) 2) liaisons par réactions chimique, fusion partielle ou agglomération et 3) formation de ponts liquides (liaisons capillaires). Les forces impliquées dans le groupe (1), sont considérées comme le principal processus dans la préparation des mélanges interactifs (Honda et al., 1991, 1994).

3.3 Développement de l’enrobage en voie sèche

Le concept du mélange ordonné est donc à l’origine du développement des connaissances sur l’enrobage en voie sèche surtout après l’utilisation des mélangeurs par impact à sec, comme décrit dans plusieurs articles japonais (Honda et al., 1987, 1988, 1989, 1991, 1992, 1994, 1995, 1997, et 1998). Un mélange à sec ordinaire peut conduire à un mélange ordonné, comme l’attachement des particules fines aux particules hôtes par des forces électrostatiques (Honda et al, 1991). Cependant, un traitement dans un mélangeur par impact implique un assemblage plus rigide des particules fines à la surface des particules hôtes. L’application de forces mécaniques plus grandes, donne ainsi lieu à une particule composite enrobée. Ce dispositif, appelé Hybridizer®, a été développé par la société Nara Machinery au Japon. Il se montre très utile pour les applications pharmaceutiques ; par exemple, il a permis l’augmentation de la vitesse de dissolution de l’indométacine après enrobage sur des particules d’amidon (Ishizaka, 1993a).

La première référence trouvée dans la littérature sur l’enrobage en voie sèche est japonaise. Yokoyama et al. (1987) ont utilisé le système Angmill® développé à l’origine comme un système de broyage ultrafin pour tester plus de 100 différents couples de particules hôtes et invitées dont les propriétés physiques sont distinctes, dans le but de suivre les changements de surface des matériaux par l’application de forces mécaniques. Comme la combinaison des forces de compression et de cisaillement élevé, agissant sur les particules hôtes et invitées, peut parfois produire la fusion de surface, ce type de traitement a été appelé mécanofusion, et le dispositif conçu par Hosokawa Micron, est aussi appelé Mécanofusion®.

Hosokawa a, par la suite, développé un autre type de mélangeur appelé Cyclomix® trouvant plusieurs applications dans la granulation, le mélange et l’enrobage et combinant le principe d’un mélange intensif par cisaillement et les grandes capacités des mélangeurs conventionnels à impact. Le mécanisme de mélange dans ce type de mélangeur peut être décrit comme étant un mélange par cisaillement à grande vitesse (P. Van der Wel, Hosokawa).

L’appareil de mécanofusion et l’Hybridizer peuvent produire des interactions de surface chimiques aussi bien que physiques entre les particules hôtes et invitées. Cependant, si les forces mises en jeu dans ces appareils peuvent provoquer l’adhésion des particules invitées aux particules hôtes, elles peuvent aussi impliquer des modifications physique et chimique. De plus, une réaction mécano-chimique peut se produire et ses effets sont très importants dans la compréhension du procédé d’enrobage en voie sèche. Les énergies très élevées fournies par ce type de machines peuvent être parfois néfastes aux produits traités. Elles peuvent en effet détruire le produit enrobé. En revanche, des combinaisons intéressantes résultant de réactions mécano-chimiques et apportant de nouvelles caractéristiques ont été décrites par exemple par Watanabe et Senna. Ils ont mis en évidence l’augmentation de la stabilité de l’état amorphe de l’indométacine par des réactions mécano-chimique après co-broyage mécanique avec de la silice, du talc, et un mélange de Mg(OH)2-SiO2(Watanabe et al., 2002). Les mêmes auteurs ont étudié les différents états d’interaction mécano-chimiques par co-broyage mécanique de l’indométacine (IM) avec de la polyvinylpyrrolidone (PVP) et de l’indométacine avec des nanoparticules de silice (Watanabe et al., 2003).

D’autres appareils d’enrobage utilisant des forces de moindre puissance sont mentionnés dans la littérature. Par exemple, le Theta Composer a été développé par la société japonaise Tokufu. Plusieurs articles ont montré l’intérêt de l’utilisation de cet appareil dans les domaines pharmaceutique et alimentaire. Des études utilisant le Theta Composer ont été menées (Watano et al., 2000) pour modifier la surface des fibres alimentaires.

On peut citer d’autre dispositifs permettant également l’enrobage mais dans des conditions plus douces, comme le dispositif d’enrobage à impact magnétiquement assisté (MAIC) conçu par Aveka utilisant un champ magnétique pour accélérer et faire tourner des particules magnétiques mélangées aux particules hôtes et invitées et favorisant ainsi des collisions entre les particules et avec les parois de l’appareil. Un autre dispositif basé sur la fluidisation centrifuge appelé le dispositif d’enrobage à lit fluidisé tournant (RFBC) a été développé par l’institut de technologie du New Jersey (NJIT).

Après avoir évoqué l’origine et le développement de l’enrobage en voie sèche, et avant de décrire les différents dispositifs d’enrobage et de mélange à sec, il nous semble important de faire un rappel sur les mécanismes d’adhésion entre les particules ou entre des particules et des surfaces solides, au cours d’un traitement ou d’une manipulation de poudres.