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1.3 Avantages et domaines d’application . . . . 81 Mise à part pour quelques objets du système solaire, la spectroscopie est la principale source d’infor-mation pour étudier les propriétés physico-chimiques des objets astrophysiques (c’est-à-dire composition, température d’excitation, pression locale du milieu, champ magnétique,...). Dans sa version la plus clas-sique pour l’astronomie, un spectrographe renvoie la lumière issue du télescope sur une fente étroite, induisant une dispersion du faisceau perpendiculairement à la fente. Le spectre résultant est enregistré sur un détecteur. Ce dispositif s’accompagne d’une perte d’information spatiale, empêchant d’avoir une vue en deux dimensions de l’objet observé (x, y). Ceci est particulièrement limitant pour l’étude de sources à la distribution complexe (galaxies, jets, disques,...).

Pour retrouver un signal tridimensionnel (x, y, λ), trois classes de solutions ont été développées : le balayage du spectrographe dans le champ de vue (aussi appelé slit scanning, voir Wilkinson et al. 1986), l’utilisation de filtres modulables (le principe repose sur l’utilisation d’un interféromètre de Fabry-Pérot. Le flux du télescope rentre dans l’interféromètre. La distance entre les deux plaques est modulée pour modifier la longeur d’onde du flux de sortie qui est folcalisé sur un détecteur ; Taylor & Atherton 1980; Boulesteix et al. 1984), et enfin la spectroscopie intégrale de champ. Les deux premières méthodes, de nature séquentielle, requièrent un temps d’intégration conséquent et demeurent sensibles aux fluctuations des conditions d’observation. Elles sont donc mal adaptées à l’étude des objets faibles. Au contraire, la spectroscopie intégrale de champ, ou spectroscopie 3D, offre la possibilité d’acquérir simultanément une collection de spectres dans un champ de vue déterminé.

Ce chapitre introductif a pour but de donner une vue synthétique de la technique de spectroscopie intégrale de champ. Dans la première partie, j’expose les motivations qui ont conduit au développement des différentes générations d’instruments. Je détaille ensuite le format des données et les méthodes de calibrations associées. Enfin, je donne un aperçu du champ d’applications astrophysiques de ce type d’ins-trument.

1.1 Origine et développements

Le principal défi instrumental de la spectroscopie intégrale de champ (ou integral field spectrograph – IFS) pourrait se résumer à cette question : comment capturer une information "3D" sur un détecteur à deux dimensions ? Ira Sprague Bowen est le premier a avoir résolu indirectement ce problème (Bowen 1938) en inventant un nouvel élément optique nommé image slicer (ou découpeur d’image). Cet outil, constitué d’un ensemble de miroirs segmentés et orientés selon différentes directions, fut d’abord majoritairement

utilisé par la communauté des spectroscopistes à haute résolution pour envoyer le signal provenant d’une fibre vers plusieurs spectrographes à échelles. L’extension au concept de spectroscopie 3D suivit la même notion de base qui consiste à réorganiser le plan image du télescope en une succession de lamelles à partir d’un ensemble de réflexions (Weitzel et al. 1996). Dans son approche la plus simple, un premier miroir découpeur d’image renvoie chaque lamelle à différentes orientations sur un réseau de miroirs situés dans le plan pupille (un par lamelle). Le réseau réorganise les lamelles en une pseudo fente (1D) dans le plan image se trouvant sur un élément disperseur (prisme, réseau, grisme) qui produit un ensemble de spectres sur un détecteur (voir Fig. 1.1). Les principaux avantages de ce type de spectrographes intégral de champ sont (i) leur conservation complète de l’information spatiale et l’absence de perte de flux inhérente (ii) leur compacité et le faible nombre d’éléments optiques qui leur permet d’être insérés à l’intérieur de systèmes cryogéniques tout en réduisant le fond thermique. Cela les rend donc particulièrement adaptés pour observer dans l’infrarouge. Le principal inconvénient réside dans la complexité de fabrication des pièces optiques qui doivent minimiser le pourcentage de lumière diffusée. Plusieurs instruments utilisent ce concept dans le proche infrarouge (0.8–3 µm) et l’infrarouge (> 3 µm) parmi lesquels NIFS (McGregor et al. 2003) et SPIFFI (Eisenhauer et al. 2003; Iserlohe et al. 2004) qui sont installés aux foyers de télescopes de 8 m (Gemini Nord, VLT/UT4). Deux IFS fondés sur ce concept fonctionnent dans le visible à l’heure actuelle (ESI, Sheinis et al. (2002); Sheinis (2006) ; WIFeS, Dopita et al. (2004)), mais de nouveaux instruments sont en cours de construction (MUSE, Bacon et al. (2004, 2006) ; SWIFT Tecza et al. (2006) ; NIRSpec Posselt et al. (2004)).

La première réalisation d’un IFS initiée par Vanderriest (1980) repose cependant sur un concept simpli-ficateur et toujours utilisé à l’heure actuelle : pour discrétiser le champ de vue en sous-parties dispersibles, l’image slicer est remplacé par une nappe de fibres optiques placées au foyer du télescope et réalignées en sortie pour former une pseudo-fente. Les principaux avantages de ce concept résident dans la facilité de fabrication (et donc le faible coût), ainsi que dans sa grande flexibilité. Les fibres peuvent ici être ré-organisées sur le ciel pour s’adapter à la forme de l’objet étudié. Elles peuvent aussi servir pour acquérir simultanément un spectre du fond de ciel qui peut ensuite être soustrait aux spectres de la source. Cepen-dant, deux inconvénients limitent son utilisation : (i) les trous entre les fibres de forme circulaire limitent le remplissage du champ de vue à 60–65 %. (ii) la dégradation du rapport de focale en sortie des fibres (Oli-veira et al. 2005). Pour s’affranchir de ces problèmes, un réseau de microlentilles carrées (ou hexagonales) peut être placé au foyer du télescope (voir Fig. 1.1) pour découper de manière optimale le champ de vue et focaliser le flux de sortie à l’entrée de la nappe de fibres (Allington-Smith et al. 1997). Ainsi le remplissage du champ approche 100%, et le rapport de focale peut être contrôlé en entrée et sortie de fibre. Cela a aussi malheureusement pour conséquence d’augmenter le pourcentage de lumière diffusée et de décroître le facteur de transmission qui reste en moyenne deux fois plus faible que pour les instruments utilisant des

images slicers. Parmi les instruments existants qui fonctionnent dans l’optique, nous pouvons citer GMOS

(Gemini-N, S, Allington-Smith et al. 2002) et FLAMES/GIRAFFE en mode ARGUS (VLT/UT2, Pasquini et al. 2000; Avila et al. 2003). Dans l’infrarouge, on trouve l’instrument CGS4+SMIRFS-MOS (Haynes et al. 1999).

Notons toutefois que l’utilisation de fibres en sortie du réseau de microlentilles n’est pas requise pour retrouver l’information 3D. Bacon et al. (1995) introduisit donc un nouveau type d’IFS appelé TIGER et basé sur le principe de Courtes (1982). Ici, le réseau de microlentilles crée une image 2D du plan focal de télescope qui n’est pas reformatée. Un réseau situé au foyer des micropupilles permet ensuite de disperser la lumière sur un détecteur selon un angle θ. Il est possible alors de modifier θ en orientant les angles du réseau de micropupilles correctement afin que chaque spectre ne contamine pas son voisin (Fig. 1.1). Ce type d’instrument a un excellent taux de remplissage du champ, identique à celui des systèmes fibre+microlentilles, et comparable à celui des images slicers. Toutefois la distance inter-spectres selon la direction de dispersion reste très limitée. Cela nécessite donc de trouver un compromis entre la couverture

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spectrale et le pouvoir de résolution (λ/∆λ). Dans l’optique, les systèmes actuels (WHT/SAURON, Bacon et al. (2001) ; WHT/OASIS, McDermid et al. (2004)) ont un pouvoir de résolution relativement bas dû aux limitations des grismes (prisme+réseau de diffraction). Dans le proche IR, seul l’instrument OSIRIS (Larkin et al. 2003) utilise ce concept. Enfin, notons que les instruments VLT/SPHERE (Antichi et al. 2008) et Gemini/GPI (Lavigne et al. 2006; Macintosh et al. 2006) construits pour détecter et caractériser des exoplanètes utiliseront un spectrographe intégral de champ inspirés du mode TIGER à partir de 2011.

Fig. 1.1: Les principaux concepts de spectrographes intégral de champ. Figure tirée de Westmoquette et al. (2009).

Jusqu’à la fin des années 1990, la spectroscopie intégrale de champ reste confinée à l’étude des objets étendus. Bien que l’échantionnage du champ de vue de l’instrument ait dramatiquement augmenté depuis le développement de systèmes à microlentilles (passant de 40 à 500 microlentilles sur CFHT/TIGER entre 1987 et 1990), la résolution angulaire en sortie de télescope limite l’étude des sources à faibles séparations (amas de galaxies, amas d’étoiles, centre galactique). Le développement conjoint de l’optique adaptative permet enfin de s’affranchir de la dégradation de l’information spatiale due à l’atmosphère turbulente. Il devient donc évident que le couplage de la spectroscopie 3D à l’optique adaptative peut permettre d’utiliser tout le potentiel de ce type d’instrument. En 1997, CFHT/OASIS (Opticaly Adaptive System for Imaging Spectrography) est le premier IFS monté en sortie d’un module d’optique adaptative (PUEO). Aujourd’hui, nous retrouvons de tels systèmes sur les spectrographes 3D installés aux foyers des télescopes de la classe des 8m (Keck/OSIRIS, Gemini-N/NIFS, VLT/SINFONI, GTC/FRIDA).