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Chapitre 8 Discussion et conclusion générale

8.2. Originalité des travaux

Les objectifs et les méthodes développées dans cette thèse visent l’évaluation de l’agrégation érythrocytaire par des méthodes ultrasonores afin de détecter l’inflammation systémique. L’originalité principale de ces travaux réside en la volonté d’appliquer la méthode spectrale chez l’humain, dans un cadre de transfert vers la clinique. Dans ce contexte, trois éléments d’innovation sont apportés : l’interprétation clinique et hémorhéologique des modèles de diffusion du sang, un nouveau protocole de mesure non invasif pour les humains et la

validation de la technique avec un échographe clinique. Ces points sont reflétés dans les trois papiers reproduits aux chapitres 6, 7 et 8, respectivement. Dans les sections suivantes, on développe avec plus de profondeur les points innovants de chaque contribution et on contraste les résultats avec ceux de la littérature.

8.2.1. Interprétation clinique des modèles de diffusion acoustique du sang

Dans l’étude reproduite au Chapitre 5, on propose l’interprétation des paramètres tirés des modèles de diffusion d’un point de vue clinique. Spécifiquement, on évalue la capacité de chacun des paramètres des modèles à décrire l’augmentation de l’agrégation érythrocytaire causée par une réaction inflammatoire. En contraste, les études précédentes se sont concentrées sur la capacité de prédire la taille et l’organisation spatiale des globules rouges selon différents niveaux agrégation, ce qui n’est pas forcement pertinent pour l’utilisation en clinique de la méthode. On démontre que la technique ultrasonore appliquée au sang en conditions d’écoulement physiologique offre un bon contraste entre des états faibles à moyens de l’agrégation érythrocytaire.

Un deuxième point d’innovation de cette étude est le développement d’un cadre théorique d’estimation conjointe de l’atténuation et des paramètres descriptifs du modèle. En clinique, l’atténuation du tissu en amont du vaisseau sanguin et à l’intérieur de celui-ci sont des

a priori inconnues. En conséquence, les valeurs du BSC et des paramètres des modèles de

diffusion sont affectées si l’on ne compense pas ce facteur confondant. L’approche d’estimation conjointe du BSC et de l’atténuation avait été proposée dans des travaux précédents (Franceschini et al. 2008; Nam et al. 2011), mais s’appliquait à des modèles particuliers. L’originalité réside ici en la généralisation du problème en introduisant le concept de « BSC non compensé en atténuation » et, postérieurement, en l’application de la technique à trois nouveaux modèles : les versions mono et poly disperses du modèle EMTSFM et le modèle gaussien appliqué au sang. En particulier, on démontre que cette approche est viable pour des modèles simples, comme le modèle SFSE ou le modèle gaussien, et que les valeurs d’atténuation obtenues sont comparables à ceux trouvés dans la littérature.

8.2.2. Protocole de mesure in vivo de l’agrégation érythrocytaire

Dans les travaux reproduits au Chapitre 6, nous adressons la mesure de l’agrégation érythrocytaire in vivo pour les humains. Des études précédentes in vivo chez le porc (Rouffiac et al. 2004) ont signalé le flux sanguin comme un facteur confondant qui crée des artéfacts de reproductibilité. Cependant, les rares études sur l’agrégation d’érythrocytes chez l’humain ont considéré les effets du flux comme non significatifs (Tripette et al. 2015) ou n’ont pas révélé la signification statistique des résultats (Yu et al. 2005). En contraste, on considère la reproductibilité et la signification clinique de la mesure comme des facteurs déterminants pour le transfert de la technique vers la clinique et on a abordé ces sujets dans ces travaux. Son originalité réside en la volonté de concevoir un protocole reproductible de mesure in vivo de l’agrégation érythrocytaire qui tient compte du facteur confondant du flux sanguin et qui peut s’appliquer de façon non invasive chez l’humain. On a démontré que le protocole à flux sanguin réduit permet de trouver des valeurs reproductibles qui corrèlent significativement aux tests de laboratoire, telle que la mesure par agrégométrie laser.

Un deuxième point d’innovation est la description empirique de l’allure du BSC sanguin sous les contraintes de forte agrégation érythrocytaire. En effet, la littérature décrit le BSC du sang avec une agrégation érythrocytaire normale (Foster et al. 1994; Yu and Cloutier 2007). D’autres études se basant sur des simulations prédisaient l’apparition de pics d’interférence lorsque les agrégats sont grands, sphériques et monodisperses (Franceschini et al. 2011; Savéry and Cloutier 2005). Dans cette étude, on a décrit empiriquement pour la première fois le BSC du sang de cheval, considéré comme une des espèces animales avec l’agrégation érythrocytaire la plus forte, et de deux patients avec des cadres cliniques d’inflammation chronique. Ces trois cas présentent une agrégation érythrocytaire élevée, comme les tests de laboratoire ont confirmé. Grâce à ces observations, on a décrit pour la première fois l’apparition de ce qu’on a nommé le « point de rupture », une position spectrale où la diffusion de l’onde ne suit plus la loi de Rayleigh, et où on observe un changement de pente spectrale à l’intérieur de la bande passante du transducteur. Ces résultats ont contrasté avec les données de simulation et ont permis de poursuivre le développement de la modélisation théorique en introduisant la polydispersité dans le modèle de milieu effectif EMTSFM. On considère que des études empiriques similaires

guideront le développement de nouveaux modèles et l’application en clinique de la méthode spectrale, tel que discuté à la section 8.3.

8.2.3. Instrumentation clinique

Dans les travaux reproduits au Chapitre 7, on a abordé le sujet de l’utilisation de l’imagerie ultra rapide pour l’analyse spectrale du BSC. Ce sujet avait déjà été traité dans les travaux de (Lavarello 2013) et (Salles et al. 2014). Cependant, ces travaux avaient été développés dans le cadre de simulations et de validation avec des fantômes. L’originalité de nos travaux réside en l’application de cette technique à des tissus ex vivo, notamment le sang, et à l’application de la méthode ultra rapide avec un appareil clinique, tel l’Ultrasonix. Ces travaux nous ont permis de corroborer la validité de la technique du fantôme de référence pour l’estimation du BSC, peu importe la méthode d’imagerie utilisée, soit focalisé ou par ondes planes. Également, il rapproche la théorie spectrale de l’agrégation érythrocytaire à l’équipement couramment utilisé en clinique, ce qui peut faciliter le transfert de la technologie. Finalement, l’estimation du BSC avec l’imagerie à haute cadence habilite l’analyse spectrale d’évènements transitoires, par exemple, le changement temporel de structure d’un tissu lors du passage d’une onde de cisaillement, ce qui a un intérêt qui mérite d’être développé dans le futur. Un autre point innovant de ces travaux est l’utilisation des images angulées avant la reconstruction avec la technique de « delay and sum » pour l’évaluation de l’anisotropie du tissu. Grâce aux expériences avec le sang, on a observé une dépendance de la taille estimée du diffuseur à l’angle d’orientation du faisceau. On a expliqué ce phénomène comme une conséquence de l’orientation des globules rouges lors de l’écoulement du sang, ce qui coïncide avec des observations précédentes de la littérature (Qin et al. 1998). La caractérisation de l’anisotropie d’un tissu va au-delà de la détection de l’agrégation érythrocytaire. Elle explique les changements d’atténuation lors de l’insonification à plusieurs angles dans les muscles et peut servir à la détection de maladies du myocarde. Sur cet aspect, grâce à la forte cadence d’acquisition, cette technique d’évaluation de l’anisotropie pourrait être considérée dans l’imagerie multimodale pour l’évaluation du tissu cardiaque