• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 Contexte clinique et hémorhéologique

1.5. Mesures de l’agrégation érythrocytaire

Depuis la première description de l’agrégation érythrocytaire par Robin Fåhræus en 1929 (Fåhraeus 1929), plusieurs techniques pour sa mesure sont apparues. Plusieurs de ces techniques sont quantitatives, mais la plupart d’entre elles mesurent des effets indirects découlant de l’agrégation et non du phénomène en soit. Généralement, toutes les techniques requièrent que l’hématocrite de l’échantillon soit normalisé à 40% avec du plasma autologue. Ceci se fait pour pallier l’effet proagrégeant d’un hématocrite plus fort.

Trois caractéristiques d’intérêt clinique du sang sont généralement évaluées. Premièrement, la taille moyenne de l’agrégat mesuré en quantité de globules rouges par agrégat. Deuxièmement, le temps de formation, nommé formellement comme la cinétique de formation d’agrégats. Finalement, la force intercellulaire d’attraction, mesurée couramment comme le taux de cisaillement requis pour la séparation totale ou partielle de l’agrégat.

1.5.1. Taux de sédimentation érythrocytaire ou ESR

Les érythrocytes ont une masse volumique légèrement plus élevée que le plasma. En conséquence, ils ont une tendance à sédimenter lorsque le sang est en repos. La formation d’agrégats d’érythrocytes accélère la sédimentation et se corrèle positivement avec la taille des agrégats. Cette observation découle des travaux pionniers de Robin Fåhræus sur la séparation du sang (Fåhraeus 1929). La méthode standardisée de Westergreen requiert des échantillons de sang de 1 à 10 mL anticoagulés avec du EDTA et mis en tubes calibrés. Une attente d’une heure est requise pour observer la distance de séparation du plasma et des globules rouges causée par la sédimentation. Cette procédure est reconnue en clinique comme un marqueur sensible et positivement corrélé au stade d’inflammation du patient. Cependant, peu de cliniciens connaissent le lien entre agrégation érythrocytaire et sédimentation. Néanmoins, la communauté clinique considérait cette méthode de diagnostic de l’inflammation comme archaïque déjà en 2002 (Warltier et al. 2002b).

1.5.2. Syllectométrie ou agrégométrie photométrique

L’agrégométrie photométrique est la technique de référence acceptée pour la communauté d’hémorhéologie (Baskurt et al. 2007). Communément appelée agrégométrie laser, elle utilise la relation entre le sang et la lumière, soit les effets de rétrodiffusion ou de transmission. En effet, lorsque la lumière trouve un échantillon de sang désagrégé, la plupart de la lumière est réfléchie à cause de la densité du nombre élevée d’érythrocytes. Contrairement, au fur et à mesure que l’agrégation se produit, beaucoup de cellules sont attrapées dans les agrégats et plus d’espaces intercellulaires sont créés. Ceci permet une transmission plus élevée de la lumière (Dobbe et al. 2003).

Les agrégomètres photométriques requièrent un échantillon de sang de 1 mm3, approximativement. L’échantillon est placé à l’intérieur d’un système de Couette (voir Section 1.4.1) pour lequel la température est contrôlée. Normalement, les mesures se font à 37°C pour imiter la température physiologique. L’appareil induit initialement un très fort taux de cisaillement (~ 500 s-1) sur l’échantillon pendant 10 secondes pour désagréger le sang et commencer avec un état contrôlé d’agrégation. Ensuite, il arrête subitement le cisaillement et mesure la lumière réfléchie ou transmise pendant les deux premières minutes d’agrégation. Avec

cette information, l’appareil crée un profil temporel du niveau de lumière lorsque l’agrégation se produit. La courbe créée avec cette méthode est connue comme syllectograme et décrit simultanément la cinétique et la taille de l’agrégation. Le syllectograme de rétrodiffusion de la lumière décrit la diminution de lumière captée par le senseur optique lorsque l’agrégation survient (Figure 1.6). Après approximativement 30-40 s l’agrégation atteint un état d’équilibre et la courbe devient statique. Lorsque l’agrégation érythrocytaire est forte, comme c’est le cas chez le cheval (Figure 1.6b), la courbe atteint son équilibre rapidement, ce qui a comme conséquence que l’aire sur la courbe soit plus importante que celle d’une agrégation plus faible, par exemple celle chez l’humain (région A de la Figure 1.6a).

Figure 1.6 Exemples de syllectogrames de rétrodiffusion de la lumière. a) Échantillon sanguin humain b) Échantillon sanguin équine

Un agrégomètre photométrique comme le Regulest (Florange, France) calcule un index d’agrégation en comparant les aires relatives sur et sous la courbe (Figure 1.6), pendant une quantité de temps déterminée, normalement les premières 10 ou 60 secondes, comme suit (Baskurt et al. 2011c):

=

+ ∗ 100. (1.8)

Dans l’équation (1.8), s10 corresponde à l’index d’agrégation calculé après 10 s de l’arrêt

sont relatives aux points supérieurs et inférieurs de lumière réfléchie. En conséquence, la mesure ne dépend pas du niveau initial de lumière appliqué.

En contrôlant le cisaillement appliqué, l’agrégomètre peut également trouver le seuil de dissociation partiel et total, c.-à-d., les taux de cisaillement auxquels l’échantillon réfléchit la moitié ou la même lumière que celle reçue lors de l’état de désagrégation, mesuré au début.

1.5.3. Viscosité à faible et fort cisaillement

Comme présentée dans la section 1.4.2, l’agrégation érythrocytaire provoque une augmentation de la viscosité du sang. Lorsque le sang est soumis à un fort taux de cisaillement (entre 100-500 s-1), sa viscosité dépend principalement de celle du plasma due à l’empêchement de la formation d’agrégats. Contrairement, lorsque le taux de cisaillement est très faible (inférieure à 1 s-1), la viscosité du sang est dominée par le niveau d’agrégation érythrocytaire.

Un index d’agrégation peut se calculer en normalisant la viscosité sanguine dépendant de l’agrégation par celle qui dépend de la viscosité du plasma, comme suit :

= − ∗ 100. (1.9)

Dans l’équation (1.9), et représentent les viscosités dynamiques à faible et fort cisaillement, respectivement. Une erreur commune est de considérer des taux de cisaillement de 5 à 10 s-1 comme de faibles cisaillements. Pour cette valeur, les lignes directrices de la communauté hémorhéologique suggèrent un cisaillement de 1 s-1 (Baskurt et al. 2009).

1.5.4. Analyse d’images de microscope

L’agrégation érythrocytaire est observable par microscopie lorsque l’hématocrite est très faible (inférieur à 3%). Dans ce cas, il est possible de compter la quantité de globules rouges par agrégats ou de comparer les aires intercellulaires libres à celles occupées par les agrégats. Un index typique d’agrégation est le MAI (pour l’expression anglaise Microscopic aggregation

index). Pour le calculer, deux préparations sont nécessaires, la première en plasma autologue et

la deuxième dans un milieu non agrégeant comme le PBS. Les deux préparations doivent être calibrées pour avoir exactement un hématocrite de 1%. La première étape consiste à calculer la quantité moyenne de globules rouges par unité d’aire. Ceci se fait en comptant les globules

rouges dans la suspension non agrégeante. La deuxième partie se fait en comptant les unités cellulaires (c.-à-d., globules rouges ou des agrégats de toutes les tailles) dans la suspension avec du plasma. L’index MAI est calculé en divisant la quantité d’unités cellulaires par la quantité totale de globules rouges. Lorsque l’agrégation est nulle, cet index est égal à 1 (Baskurt et al. 2011c). De nouvelles techniques sont proposées pour l’automatisation de la mesure, mais en général, toutes utilisent un algorithme pour compter les unités cellulaires ou les aires occupées.

Cette méthode est la seule technique directe de mesure de l’agrégation érythrocytaire dans le sens qu’elle donne une valeur précise de globules rouges par agrégats. Cependant, le faible hématocrite requis fait que ces résultats ne soient pas directement transférables aux valeurs trouvées in vivo.

1.5.5. Propriétés électriques

L’impédance et la capacitance électrique du sang sont directement liées à l’agrégation érythrocytaire. Les deux valeurs sont généralement réduites lorsque l’agrégation survient. C’est ainsi que certains auteurs ont proposé une analyse similaire à celui des syllectogrames utilisés dans les mesures photométriques (Baskurt et al. 2010). L’autre grand avantage de cette technique est de pouvoir faire de mesures in vivo et possiblement en temps réel. En effet, l’impédance électrique du sang a été utilisée en clinique pour surveiller in vivo la viscosité du sang comme un marqueur d’inflammation dans le contexte de chirurgie cardiaque (Pop et al. 2004; Pop et al. 2013).

1.5.6. Rétrodiffusion ultrasonore

Bien que les agrégats érythrocytaires soient de taille insuffisante pour être observés dans une image échographique, ils laissent une signature spectrale identifiable lors de l’analyse du signal acoustique rétrodiffusé du sang. Alors, en ajustant un modèle de diffusion ultrasonore au spectre reçu, il est possible d’obtenir des paramètres quantitatifs qui permettent la caractérisation des agrégats de globules rouges. Le principal avantage de cette technique est la possibilité de l’appliquer in vivo et de façon non invasive. Les principes physiques et le développement théorique des modèles du signal ultrasonore sont introduits dans le Chapitre 3 de cette thèse. Le développement d’une technique in vivo pour mesurer l’agrégation érythrocytaire est un sujet principal de ces travaux et s’introduit dans les Chapitre 5 et Chapitre 6 de ce manuscrit.

1.6. Importance clinique de l’évaluation immédiate de l'agrégation