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Organisation institutionnelle valaisanne et répartition des tâches

2. Introduction

2.5 Organisation institutionnelle valaisanne et répartition des tâches

L’objectif de cette partie est de donner un aperçu de la répartition des tâches entre les différents niveaux institutionnels du Canton de Valais, de manière à mieux comprendre les différentes décisions prises par les acteurs lors de l’analyse du capital Gouvernance ainsi que les diverses régulations mises en place dans la gestion des ressources pour l’analyse du capital Ressourciel. Nous ne nous attardons pas ici sur la question des compétences en matière touristique de chaque niveau institutionnel car celles-ci seront présentées au fur et à mesure en introduction de chacun des chapitres d’analyse, lorsque nous présentons les politiques fédérales et cantonales en la matière.

La Constitution fédérale de 1848 transforme la Confédération des cantons en Etat fédéral, dans lequel les cantons perdent une partie de leur souveraineté (Kley, 2012). Dès cette date, les cantons exercent tous les droits qui ne sont pas transmis au pouvoir central. Dans ce partage de compétences, l’accent s’est déplacé depuis 1848 du côté de l’Etat fédéral. Au début, celui-ci n’a que peu d’attributions, parmi lesquelles nous pouvons citer les douanes, la poste, la monnaie et la politique étrangère. La Constitution de 1874 élargit ces compétences à l’armée et au code civil et pénal notamment. Ensuite, la plupart des révisions partielles qui suivent continuent d’attribuer d’autres tâches à l’Etat fédéral, par exemple les assurances, la protection de l’environnement, les transports et les impôts. A l’heure actuelle, la Constitution fédérale du 18 avril 1999 institue officiellement le principe de subsidiarité, en établissant dans l’Art. 43a. que « la Confédération n’assume que les tâches qui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme par la Confédération ». De manière générale, la Confédération s’occupe principalement de la planification, de la réglementation et du financement tandis que les cantons se chargent surtout de l’exécution des lois et des programmes18. Les cantons disposent d’une grande marge de manœuvre, en particulier dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la culture (Chancellerie fédérale, 2005). Les principaux secteurs d’activité des administrations cantonales sont les finances, la justice, l’économie, l’éducation, la protection sociale, la police et la sécurité, le bâtiment et les travaux publics.

En 1815, le Valais devient le vingtième canton de la Confédération suisse. Il se divise en 13 districts dont les limites concordent, à quelques détails près, à celles actuelles (Salamin, 1978). Les districts constituaient (et constituent toujours) les entités administratives et judiciaires où s’exercent les tâches déconcentrées du canton. A cette fin, le Gouvernement « délègue une part de l’exercice de l’autorité publique supérieure à un agent désigné par lui, et qui est le préfet » (Cordey, 1974, p. 54). De manière générale, le district est une circonscription administrative et judiciaire, mais ne jouit d’aucune autonomie notamment politique (Dubler, 2006). En effet, il ne bénéficie pas de la personnalité juridique et n’a pas de ressources financières propres (Cordey, 1974). En Valais, les districts représentent les arrondissements électoraux à l’intérieur desquels sont élus les députés au Grand Conseil, à raison de un pour 1000 habitants et selon le système proportionnel (Frass, 1979). Notons que Finhaut appartient au district de St-Maurice.

La commune est une collectivité de droit public exerçant, sur un territoire limité, des pouvoirs relevant de la puissance publique (Steiner, 2009). Comme l’Etat, la commune s’administre elle-même et se donne des lois. Cependant, elle n’a pas la souveraineté, le pouvoir public qu’elle exerce étant en réalité un pouvoir public délégué reçu de l’Etat (Sauser-Hall, 1956). Jusqu’au milieu des années 1960, il était admis implicitement que les communes administraient de manière autonome leurs affaires. Elles avaient surtout à assurer des prestations de base. Le Tribunal fédéral introduisit alors une nouvelle jurisprudence afin de limiter l’autonomie communale aux domaines que le droit cantonal réservait explicitement ou ne réglait pas exhaustivement. Aujourd’hui, selon l’article 50 de la Constitution fédérale de 1999, le droit fédéral garantit l’autonomie communale dans les limites fixées par le droit cantonal (Ladner, 2009). Les règlements communaux doivent respecter les lois des échelons supérieurs (c’est-à-dire le droit cantonal et le droit fédéral).

Le Canton du Valais, à travers sa législation et sa constitution, reconnaît deux types de communes : la commune politique ou d’habitants, et la commune bourgeoise (Kämpfen, 1965). Avant 1848 existe uniquement la commune bourgeoise. En Valais, la formation des communes autonomes remonte au XIIIème siècle à la suite de la dislocation des seigneuries foncières. Il s’agit à la base plutôt de corporations paysannes qui voient les villageois se réunir afin de gérer leurs biens en communs comme les alpages et les forêts ainsi que se partager les dépenses sur les charges résultant du culte, de l’administration, de la justice ou encore de l’entretien des routes. De cette commune économique à une commune bourgeoise, il n’y a qu’un pas, en l’occurrence celui de la protection juridique. En effet, le village « assume la protection juridique contre quiconque attaque le village et ses habitants, comme aussi en faveur de quiconque appartient au village » (Kämpfen, 1965, p. 147). Et pour bénéficier de cette protection, la condition essentielle préalable est la possession matérielle, c’est-à-dire la propriété. La bourgeoisie constitue donc un développement de l’association économique pour aboutir à la commune de caractère politique. En Valais, de tout temps, seuls les bourgeois sont reconnus comme citoyens actifs d’une commune et jouissent de la plénitude de leurs droits, en particulier celui de vote et d’élection. Cependant, au début du XIXème siècle, des transformations sociétales remirent peu à peu en question l’unicité de la commune bourgeoise (de Courten, 1929). Les mutations économiques et sociales firent que de plus en plus d’étrangers furent amenés à résider dans une autre commune que celle dont ils étaient originaires. C’était le cas spécialement pour les communes de plaine, où le commerce et l’industrie prenaient leur essor et où les moyens de communication devenaient plus faciles. Ainsi, le nombre d’habitants non ressortissants augmentait et « la commune bourgeoise cessait peu à peu de s’identifier avec la généralité de la population » (de Courten, 1929, p. 27). De plus, les tâches publiques locales, qui se résumaient jusque là à la gestion des biens communaux, se diversifièrent (instruction, assistance, tutelle, travaux d’endiguement du Rhône et des rivières, etc.) et offraient désormais un intérêt pour l’ensemble des habitants et non uniquement pour les bourgeois. Ainsi, une nouvelle notion de la commune s’imposait :

« une commune qui tendait à englober tous ceux qui avaient établi leur domicile sur son terrioire, afin de permettre de satisfaire aux intérêts généraux de tous les habitants, intérêts qui ne se confondaient pas toujours avec ceux des bourgeois » (de Courten, 1929, p. 28)

Sans créer une nouvelle forme de commune qui réunirait tous les habitants, on ne pouvait échapper à un inconvénient certain : soit l’administration publique continuait à être réservée aux seuls bourgeois et c’était là un “acte d’exclusivisme“ envers les autres citoyens, soit tous les citoyens, même les non bourgeois étaient admis à la commune bourgeoise, et dans ce cas on commettait l’injustice de confier l’administration des biens bourgeoisiaux à des gens qui n’en étaient point propriétaires (de Courten, 1929).

La Constitution fédérale de 1848 fait un premier pas en direction de la commune d’habitants en reconnaissant à tout citoyen suisse le droit de s’établir librement sur toute l’étendue du territoire suisse et en lui accordant les mêmes droits politiques dans les affaires fédérales et cantonales, en son lieu d’établissement, qu’à un citoyen du canton concerné pour autant qu’il puisse justifier d’un séjour d’une certaine durée dans la commune, durée qui ne peut excéder deux ans (Art. 41 et Art. 42). Au niveau des affaires purement communales, les personnes non originaires du canton ne disposent pas des droits de vote et ne peuvent jouir des avoirs de la commune. La loi valaisanne de 1851 sur le régime communal19 consacre cette nouvelle organisation. Elle instaure que chaque commune comprend une assemblée primaire, un conseil municipal et une assemblée des bourgeois (Art. 1) et que l’assemblée primaire se compose des bourgeois ainsi que des citoyens valaisans domiciliés dans la commune depuis deux ans. Ainsi, les Valaisans domiciliés dans une commune depuis deux ans ont désormais le droit de prendre part à l’administration communale. Dès lors, les ressortissants d’une commune comprennent les bourgeois du lieu et les citoyens, c’est-à-dire les habitants domiciliés. Autrement dit, « la commune politique et la bourgeoisie vivent côte à côte » (Kämpfen, 1965, p. 163). De plus, la loi de 1851 instaure que l’assemblée des bourgeois peut demander la constitution d’un conseil des bourgeois (Art. 1). Si elle ne le fait pas, c’est le Conseil municipal qui en assume les fonctions. Une loi spécifique20 est votée par le Grand Conseil valaisan en 1870 afin de fixer les contributions des bourgeoisies aux travaux d’endiguement du Rhône et de ses affluents ainsi qu’à d’autres services publics. La Constitution fédérale révisée de 1874 porte le coup de grâce à la commune bourgeoisiale en instaurant que « le Suisse établi jouit, au lieu de son domicile, de tous les droits des citoyens du Canton et, avec ceux-ci, de tous les droits des bourgeois de la commune » (Art. 43), ceci après un établissement de trois mois seulement. Par là, « une suprématie définitive était accordée à la commune politique sur la commune bourgeoise, à la population passagère sur la population stable » (de Courten, 1929, p. 30). La Constitution cantonale de 187521 modifie l’Art. 1 de la loi de 1851 en enlevant à l’assemblée des bourgeois le droit de demander la formation d’un conseil bourgeoisial, à moins que le nombre des non-bourgeois forme au moins la moitié de l’Assemblée primaire ou que le Conseil municipal est formé à moitié de non-bourgeois (de Courten, 1929). Dans la plupart des communes valaisannes, c’est le Conseil municipal qui s’occupe de la gestion des avoirs bourgeoisiaux.

Finhaut formait à l’origine une seule communauté politique et religieuse avec Salvan. Cependant, plusieurs litiges opposaient les deux villages. Le principal portait sur les alpages de Barberine et d’Emosson. En effet, ces alpages étaient communs aux deux villages, qui n’arrivaient pas à s’entendre sur la manière et la durée de l’utilisation partagée de ces terres. Cette discorde donnait lieu à « d’interminables disputes entre Salvan et Fins-Hauts » (Coquoz, 1899, p. 75) qui duraient depuis de nombreuses années. Un deuxième problème résidait dans la trop grande distance entre Finhaut et Salvan, qui constituait le centre principal de la vallée. Et lorsqu’une épidémie de peste envahit la paroisse de Salvan, les habitants de Finhaut décidèrent de construire leur propre chapelle au village, afin d’éviter « d’être infectés par le passage ou d’infecter les autres, pour être libres, hors de danger et de toute contagion […], vue la distance de l’Eglise paroissiale fondée en Ville22 » (Extrait de l’acte fondateur de la chapellenie de Finhaut, cité par(Favre, 1951, p. 387)). Celle-ci fut bénie par l’Abbé de St-Maurice en 1638, et constitua la première étape de la séparation. En 1648, le même Abbé détacha les deux villages et érigea à Finhaut une nouvelle paroisse indépendante avec son propre curé. Il fallut

19 Loi du 2 juin 1851 sur le régime communal

20 Loi du 23 novembre 1870 sur les bourgeoisies

21 Constitution du Canton du Valais du 26 novembre 1875

attendre ensuite 1697 pour que la Diète23 partage les alpages tant disputés en attribuant Emosson à Finhaut et Barberine à Salvan (Michellod, 1987). Finalement, ce n’est qu’en 1874 que fut reconnu sans contestation de part et d’autre le partage des biens communaux (Favre, 1951).

23 « Diète (VS) : Assemblée (consilium générale, Landrat en all.) attestée depuis 1301 au moins, réunissant l’évêque et le chapitre de Sion, des officiers épiscopaux et des représentants, nobles à l’origine, des communes et paroisses du Valais non savoyard. Ce conseil épiscopal devint permanent aux XIVe et XVe s. et fut dès lors l’institution où se faisait la politique du pays. (…). En 1848, la Diète fit place au Grand Conseil. » Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.!!