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235. L’ensemble de procédures d’organisation des élections et des campagnes électorales, ainsi que des opérations référendaires en Russie, relève de commissions électorales indépendantes

465 PONCEYRI (R.), op. cit., note 448, p. 12-15. 466 Ibidem, calcul réalisé à partir de chiffres de p. 15.

467 EHRHARD (T.), Le découpage électoral sous la Vème République : intérêts parlementaires, logiques partisanes,

op. cit., note 6., p. 311.

468 Ibidem, p. 312.

469 Ibidem, v. les annexes, p. 899-905. 470 V. supra, paragraphe 222.

par rapport aux organes de pouvoir de l’État472 et disposant de l’autonomie financière473. Elles forment une structure hiérarchique déconcentrée et sont à la fois les autorités d’exécution et de contrôle des commissions inférieures. Elles interviennent, à la différence de la Commission consultative française, à tout niveau des opérations électorales. Bien que le mécanisme de recours hiérarchique au sein des commissions soit prévu comme un instrument de dépolitisation des découpages électoraux (§1), les modalités de sa mise en œuvre pratique ne tiennent pas compte de certaines possibilités de contrecarrer le dispositif en vigueur (§2).

§ 1. Une contrainte apparemment forte

236. Les garanties de l’indépendance des commissions électorales leur confèrent une compétence de contrôler non seulement le respect de la loi fédérale, mais aussi l’éventualité des découpages arbitraires voire partisans. En effet, leur statut d’organes permanents474 repose sur les principes de parité dans la nomination de leurs membres. D’une part, une parité entre organes de pouvoir exécutif et législatif est respectée dans la mesure où la moitié des membres des commissions électorales des sujets de la Fédération sont nommés par les assemblées législatives respectives et l’autre moitié – par les exécutifs régionaux475. La CEC, quant à elle, reflète la balance entre le pouvoir présidentiel, le pouvoir législatif et la représentation des entités fédérées par le Conseil de la Fédération, chaque autorité ayant droit d’y nommer 5 membres476. D’autre part, une parité entre les forces politiques est exigée. Les nominations parlementaires sont effectuées sur proposition des partis représentés aux assemblées à raison d’un candidat par un parti, indépendamment de la taille des groupes parlementaires des partis en question477. Cela a

pour but de garantir non seulement une impartialité des commissions, mais aussi d’assurer un certain équilibre politique en leur sein 478.

237. Grâce à leur statut d’administration électorale, les commissions électorales disposent d’outils statistiques propres et des données internes479 comparables à celles communiquées en France par le Bureau des élections à la Commission consultative. À titre d’exemple, le système « GAS Vybory » rassemble les données démographiques du nombre d’électeurs inscrits dans

472 Article 20 §12 de la loi fédérale no 67-ФЗ du 12 juin 2002 relative aux garanties essentielles des droits électoraux

et référendaires des citoyens de la Fédération de Russie.

473 Ibidem, §14. Le paragraphe 12.1 du même article consacre par ailleurs l’obligation de transparence de financement

des commissions électorales.

474 Ibidem.

475 Ibidem, article 22. 476 Ibidem, article 21.

477 Ibidem, article 21 §4 ; article 22 §4. 478 PETROV (I.V.), op.cit., note 135, p. 145. 479 BOUZINE (A.Y.), op. cit., note 375, p. 87.

chaque entité concernée par l’élection. C’est à partir de ces données que les projets de découpage des circonscriptions sont effectués. La permanence et l’ancienneté des missions des commissions électorales russes, ainsi que l’activité assez remarquable de la CEC en matière d’édiction des circulaires d’application des lois fédérales, permettent de développer une expertise assez unifiée et circonstanciée en matière des découpages électoraux480.

238. Enfin, l’unicité de l’organisation des commissions électorales et de leur appréciation des découpages est assurée par le mécanisme de recours hiérarchique devant la commission électorale supérieure que peut introduire toute personne ayant intérêt à agir481. La commission

supérieure peut, en outre, se saisir elle-même d’une décision de la commission inférieure. Face à une contestation ou à une préoccupation de sa part, elle a l’opportunité soit de se prononcer sur le fond de la question et de substituer éventuellement la décision litigieuse par la sienne, soit de casser, pour une erreur de droit ou de vice de l’incompétence, la décision prise et renvoyer la question à la commission inférieure482.

239. Sur le plan pratique, la quasi-totalité des recours hiérarchiques devant les commissions électorales concerne le contentieux d’enregistrement des candidatures. Les recours hiérarchiques sont plutôt rares en matière des découpages électoraux : le caractère facultatif de recours hiérarchique avant le recours contentieux483 rend ce premier peu utile en temps limité de campagne électorale.

240. Ainsi, la rareté des recours hiérarchiques relativise le constat d’une contrainte forte imposée par le contrôle des autorités indépendantes disposant de l’expertise en la matière (§1). Cependant, il y a d’autres facteurs qui affaiblissent davantage le recours hiérarchique en matière de découpages électoraux (§2).

§ 2. Une contrainte effectivement faible

241. Formellement, conformément à l’article 20 de la loi électorale fédérale, toute violation de la règle de droit par l’arrêté de la commission électorale est susceptible d’annulation et de

480 Ibidem, p. 73.

481 Article 20 § 11 et article 75 de la loi fédérale no 67-ФЗ du 12 juin 2002 relative aux garanties essentielles des

droits électoraux et référendaires des citoyens de la Fédération de Russie.

482 Ibidem, article 20 § 11. 483 Ibidem, article 75.

cassation par la commission supérieure484. Pourtant, en matière des découpages électoraux, l’arrêté de découpage n’est qu’une étape intermédiaire : il ne produit pas d’effets de droit sur les électeurs avant d’être ratifié par l’assemblée législative concernée. Il n’est donc pas susceptible de violer les droits électoraux des citoyens. Un découpage proposé par une commission manifestement inégalitaire ou entaché de déséquilibre politique peut toujours être rejeté ou profondément altéré par une assemblée législative disposant d’un droit d’amendement en la matière.

242. Pour le moment, la jurisprudence fédérale ne s’est pas encore prononcée sur la question de l’applicabilité du recours hiérarchique au sein des commissions électorales pour les cas de découpage électoral. Seule une cour suprême de sujet de la Fédération a été confrontée à une telle contradiction. En 2014, la Cour de la région de Moscou a invalidé l’annulation ayant résulté d’un recours hiérarchique en la matière comme insusceptible de produire des effets de droit485. En l’occurrence, une élue municipale avait formé un recours devant la commission territoriale en contestation de l’arrêté de découpage qu’elle avait estimé contraire au principe d’égalité devant le suffrage. La commission supérieure, lors de l’examen de la décision au fond, y avait effectivement constaté un écart excessif par rapport à la norme moyenne de représentation et avait donc annulé la décision litigieuse, en enjoignant à la commission de l’entité municipale d’en prendre une nouvelle.

243. La mise en œuvre du mécanisme de contrôle hiérarchique révèle, en général, le caractère contraignant de celui-ci. Cependant, le juge de droit commun a restreint le recours hiérarchique aux seuls cas de décisions définitives des commissions électorales. Seules celles-ci sont susceptibles de produire des droits et des obligations à l’égard des particuliers. Par conséquent, les découpages électoraux ne pourraient plus être contestés par le biais du recours hiérarchique. Il n’en reste pas moins que la décision commentée reste singulière et n’a pas été confirmée ni infirmée par le juge fédéral.

244. Sur le plan substantiel, un problème majeur de l’indépendance des commissions électorales neutralise l’éventualité du contrôle de l’équilibre politique des découpages électoraux. L’exigence de parité entre les forces politiques ne s’applique en effet pas aux membres nommés par les exécutifs. Étant formellement les délégués des exécutifs, ils peuvent aussi être membres d’un parti politique, puisque la loi électorale fédérale ne fait pas de restrictions en ce sens

484 Hormis le cas de la CEC dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours hiérarchique ; seul le recours

contentieux devant la Cour suprême de la Fédération de Russie est envisageable.

concernant leur situation486. Cela n’empêche pas la plupart de membres des commissions électorales d’être en même temps membres du parti politique « Russie Unie », parti qui détient la majorité des sièges dans le parlement fédéral et dans la quasi-totalité des parlements régionaux487. Le principe de l’égale représentation des groupements politiques au sein des commissions électorales se trouve ainsi atteint, ce qui a d’ailleurs été mis en évidence dans les rapports de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)488. Cette dernière a d’ailleurs souligné, en 2016, la proximité des commissions électorales « du terrain » aux organes d’administration locale. Par conséquent, la vérification du critère de l’équilibre politique, en plus du contrôle de respect des règles de droit par les commissions électorales, s’avère être contre- intuitive.

245. En somme, l’idée d’exercer un contrôle allant au-delà des critères strictement définis par le principe d’égalité devant le suffrage relève largement de choix de l’autorité, à la fois discrétionnaire et conditionné par des éléments extra-juridiques. Ces contraintes sont susceptibles de transformer les contrôles consultatifs en obligatoires, comme c’est le cas en France. Inversement, elles peuvent rendre les contrôles hiérarchiquement organisés rares voire effacés.

246. L’ambiguïté du contrôle politique, dont l’exercice est conditionné par les facteurs extra-juridiques (Titre I), se distingue nettement du contrôle juridictionnel généralement restreint. Cependant, un changement de la perspective s’y observe au profit d’un contrôle plus circonstancié du principe d’égalité devant le suffrage (Titre II).

486 VASILIEV (V.I.), POMAZANSKY (A.E.) « La réglementation législative des systèmes électoraux utilisés pour

les élections municipales » [ « Zakonodatel’noye regulirovaniye izbiratel’nikh sistem, pimenyaemihkh na municipal’nikh vyborah » ], Revue de Droit russe [ « Zhurnal Rossiyskogo prava » ], n° 4, 2010, p. 6-16.

487 PETROV (I.V.), op.cit., note 135, p. 146.

488 OSCE / BIDDH, Fédération de Russie, élections à la Douma d’État du 18 septembre 2016, Rapport final de la

TITRE II. UNE ÉVOLUTION INVERSÉE DES CONTRÔLES