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Le pôle envisagé ici concerne l’ensemble des traitements opératoires où l’un des ordres, naturel ou divisibilité, est en jeu « au service » de l’autre26. Plutôt que de préciser en toute généralité ce que l’on entend par l’expression « au service de », nous proposons l’exemple suivant : on peut démontrer qu’un entier est inférieur ou égal (≤) à un deuxième en montrant que ce dernier divise (

p

) le premier ; le travail opératoire est alors spécifique à la relation d’ordre divisibilité.

L’idée essentielle qui est au cœur de l’explicitation de ce pôle n’est pas tant d’étudier le travail opératoire qui peut être fait à partir d’un ordre au service de l’autre, que d’avoir à l’esprit une analyse en termes d’ordres, au sens où l’on est attentif à identifier si c’est Z en tant qu’anneau ou en tant qu’ensemble bien ordonné qui est privilégié ; la question en jeu est donc : quel est l’ordre qui est concerné de manière privilégiée dans ce traitement opératoire ?

Qu’est-ce qui légitime que l’on s’intéresse à cette question ? D’une part, d’un point de vue épistémologique, à chacun des ordres sont associées des manipulations opératoires qui lui sont, a priori, spécifiques. D’autre part, sur le plan didactique, la légitimité nous semble assurée parce que

l’ordre divisibilité est un objet beaucoup moins familier pour les élèves que ne l’est l’ordre naturel.

Rappelons que c’est en ayant eu à l’esprit la distinction entre les objets (Z,+,×) et (Z,≤) que notre étude épistémologique menée sur le résultat Il n’existe pas de triangle rectangle en nombres dont l’aire soit un carré nous a permis de mettre à jour les composantes organisatrice et opératoire.

Dans les preuves de Frenicle et de Fermat envisagées, les développements opératoires concernent en effet tous la divisibilité alors que la visée à laquelle ils se rattachent est de construire une solution plus petite au sens de l’ordre naturel…

26 Dans son cours Rogalski parle à ce sujet de changements de points de vue « locaux » auxquels il associe l’exploitation des différentes traductions de la relation de divisibilité pour le travail opératoire (b multiple de a traduit dans le travail opératoire par l’existence d’un entier k tel que b=ka, reste nul dans la division de b par a…).

IV.2 Niveau Technologique et illustration des techniques associées

Qu’est-ce qui lie, d’un point de vue technologique, l’ordre naturel (total) à l’ordre divisibilité (partiel) ? Pour tous entiers a et b, nous avons les deux résultats suivants :

• apb⇒a≤b

• apbet bpa⇔a=b⇔a≤bet b≤a

Le premier lien nous indique qu’au sein du pôle étudié ici, c’est l’ordre divisibilité qui a priori est au service de l’ordre naturel puisque la réciproque n’est pas vraie. Ce dernier interviendra

pour établir des résultats de divisibilité lorsque l’égalité sera en jeu, comme en atteste le deuxième lien.

Un point est essentiel : ces deux ordres coïncident pour le PDCD de deux entiers (non tous deux nuls), au sens où tout diviseur commun divise le plus grand (au sens de l’ordre naturel) diviseur commun27. Nous proposons ci-après une preuve proposée par Perrin :

Soit a et b deux entiers non tous deux nuls. Si d est le pgcd de a et b et si δ est un diviseur de a et b, alors δ divise d.

Démonstration. On note d’abord que le cas où a ou b est nul est trivial. On raisonne par l’absurde et minimalité en choisissant un contre-exemple a, b, avec a≤b, tel que a soit le plus petit possible et b le plus petit pour a fixé. On a a > 0. On considère alors a et b – a. Il est clair que les diviseurs communs à a et b sont les mêmes que ceux de a et b – a. En particulier, on a d = pgcd (a,b) = pgcd (a, b – a) et δ divise aussi a et b – a. Mais, comme b – a est < b, le couple (a, b – a) (ou (b – a, a) si b – a < a) n’est plus un contre-exemple en vertu de l’hypothèse de minimalité. Il en résulte que divise d et on a gagné.

[Perrin, Correspondance par voie électronique]

Ce résultat est fondamental en arithmétique (« le cœur de l’arithmétique » selon Perrin) car avec lui on a facilement le théorème de Gauss (cf. §II.3) et donc l’unicité de la décomposition en facteurs premiers.

Soulignons que c’est le caractère bien ordonné relatif à l’ordre naturel qui assure cette coïncidence ; nous avons un contre-exemple avec l’anneau A=R[T2,T3] totalement ordonné mais non bien ordonné, comme Perrin l’indique :

Il s’agit du sous-anneau de R[T] formé des polynômes en T sans terme de degré 1. On ordonne R[T] (et donc A) en définissant pour P(T) a T aveca 0,P(T) 0 an 0

n 1 i 0, i n i i ≠ > ⇔ > =

≠ =

.Sur les monômes, cet ordre coïncide avec celui des degrés. On considère alors, au sens de cet ordre, PGCD(T5,T6). Je dis que c’est T3. Il est clair qu’il divise et que les diviseurs communs dans A (qui le sont aussi dans R[T]) ne peuvent être que les Ti, avec 0≤i≤5 . On voit que 1, T², T3 sont des diviseurs communs, (car on a

27 Il en est de même pour le PPCM au sens où l’ensemble des multiples communs à deux entiers coïncide avec l’ensemble des multiples de leur PPCM.

T5=T²×T3 et T6=T3×T3=T²×T²×T²), mais pas T (il n’est pas dans A) ni T4 ni T5 (toujours à cause de l’absence de T). Mais alors T² divise T5 et T6 mais ne divise pas T3.

[Perrin, Correspondance par voie électronique]

Avec le fait donc que, dans Z, le plus grand commun diviseur au sens de l’ordre naturel soit aussi le plus grand au sens de l’ordre divisibilité, on peut penser que, dans le cas des problèmes où la notion de PGCD est en jeu, l’ordre naturel puisse aussi être au service de l’ordre divisibilité au niveau

de la composante opératoire.

Porter son attention sur l’articulation entre ordre divisibilité et ordre naturel susceptible de se développer au sein de l’opératoire de l’arithmétique conduit en particulier à donner toute son importance au sens de lecture en termes de divisibilité des égalités. En effet, si l’on prend l’exemple d’une égalité A=BC, celle-ci peut être lue en énonçant que A est multiple de B et multiple de C. En inversant le sens de lecture en termes de divisibilité avec une perte d’information (A divise BC ; BC divise A est écarté), on lit BC est multiple de A ; ce traitement opératoire sera illustré lors de l’analyse

a priori de l’expérimentation menée en classe de terminale S (cf. Chapitre 8).

Dans ce chapitre, nous avons, comme cela avait été annoncé, cherché à préciser les formes que prend le travail opératoire en arithmétique. Sans chercher à décrire de façon exhaustive ce travail opératoire, nous avons organisé l'analyse autour de quatre pôles approchant ce travail opératoire suivant quatre perspectives complémentaires. Dans la première de ces perspectives, nous avons essayé de montrer comment ce travail opératoire dépend, dans ses caractéristiques, des formes de représentation choisies pour les entiers, en privilégiant deux modes de représentation spécifiques à l'arithmétique, exploitant la caractère d'anneau factoriel de Z d'une part, les réseaux de divisibilité et les congruences d'autre part. Dans la seconde de ces perspectives, nous nous sommes intéressée au rôle que jouent certains théorèmes dans ce travail opératoire, en nous centrant plus particulièrement sur les théorèmes de Gauss et de Bézout. Dans la troisième perspective, nous nous sommes intéressée aux manipulations algébriques inhérentes à ce travail opératoire en privilégiant des types de manipulations qui nous paraissaient jouer dans ce domaine un rôle particulièrement important. Enfin, dans la quatrième et dernière perspective, nous avons abordé le travail opératoire sous l'angle des relations qu'il met en jeu entre les deux ordres sur Z que sont l'ordre naturel, ordre total, et l'ordre de divisibilité, ordre partiel. Pour chacune de ces perspectives, nous avons essayé de préciser des catégories de problèmes pour lesquelles elles apparaissaient comme un outil pertinent d'analyse et d'illustrer par quelques exemples certaines caractéristiques du travail opératoire correspondant. Nous nous sommes aussi penchée à nouveau sur l'articulation entre dimensions organisatrice et opératoire en soulignant, cette fois, les liens privilégiés que certaines catégories opératoires pouvaient entretenir avec des catégories organisatrices.

Il nous semble maintenant utile, et ce sera l'objet du prochain chapitre, de revenir de façon plus synthétique sur le travail effectué jusqu'ici, en croisant des regards qui ont été, malgré quelques tentatives de liens, développés de façon séparée pour la clarté de l'exposition.

CHAPITRE 4 :

CONCLUSION

CHAPITRE 4 : ... 83 INTRODUCTION ... 84 I. DIMENSIONS ORGANISATRICE ET OPERATOIRE ET LEURS INTERACTIONS AU SEIN DE DEUX DEMONSTRATIONS ... 84

I.1 LA DEMONSTRATION INSPIREE DE FRENICLE... 84 I.2 REPRESENTATION DES ENTIERS COMME SOMME DE DEUX CARRES... 85 II. SYNTHESE ET PERSPECTIVES DIDACTIQUES ... 87 II.1 SYNTHESE... 88 II.2 PERSPECTIVES DIDACTIQUES... 89

INTRODUCTION

Ce quatrième chapitre, qui clôt la partie épistémologique de notre manuscrit, comprend deux parties. Dans la première, nous revenons sur les deux démonstrations-clefs de notre travail : la démonstration inspirée des travaux de Frenicle du résultat « Il n’existe pas de triangle rectangle en nombres dont l’aire soit un carré. » (cf. chapitre 1 §I.3) et celle relative à la représentation des entiers

comme sommes de carrés (cf. chapitre 2 §II.4). Pour chacune d’entre elles, nous rappelons les pensées organisatrices associées, précisons l’opératoire par rapport aux différents pôles explicités dans le chapitre 3, et étudions comment ces deux dimensions s’articulent. Dans la deuxième partie, nous faisons une synthèse du travail mené dans les trois chapitres précédents ainsi que dans celui-ci et ouvrons un certain nombre de perspectives didactiques à partir de cette synthèse.

I.

DIMENSIONS ORGANISATRICE ET OPERATOIRE ET LEURS INTERACTIONS AU