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L’analyse institutionnelle débutée au cours de ce chapitre, et complétée par le suivant, a pour fonction de nous aider à prendre la mesure du champ réellement exploité par l’institution scolaire par rapport aux potentialités identifiées a priori lors de notre travail épistémologique.

Dans ce chapitre, nous nous sommes centrée sur l’épreuve de spécialité de l’enseignement de mathématiques au baccalauréat, à partir de la mise en application des programmes de 1998 (avec lesquels l’arithmétique réapparaît). Contrairement aux brochures destinées aux enseignants, dont certaines seront étudiées dans le prochain chapitre, il s’agit ici d’objets assujettis à de fortes contraintes institutionnelles. Dans un tel contexte, nous avions émis des hypothèses quant à l’exploitation des potentialités identifiées a priori faite par les concepteurs des sujets de baccalauréat :

une centration autour de quelques tâches emblématiques du niveau d’enseignement étudié, une certaine réduction dans les sujets proposés de la richesse potentielle offerte par cet enseignement et,

d’autre part, une autonomie limitée laissée à l’élève et située essentiellement, voire exclusivement, au niveau opératoire, la composante organisatrice étant « figée ». Que nous apprend l’analyse que nous avons menée ?

Notre classification suivant les problèmes mathématiques en jeu dans les 29 sujets de baccalauréat envisagés met en évidence une diversité certaine à travers l’existence de trois pôles : un pôle défini par la résolution d’équations diophantiennes (17 sujets), un autre par la notion de divisibilité (21 sujets) et un troisième qui regroupe des questions que l’on peut caractériser d’exogènes par rapport à celles rattachées aux deux premiers pôles (3 sujets). Cependant, en affinant l’analyse, nous observons que les sujets envisagés sont construits à partir d’un nombre relativement restreint de types de tâches. Il s’agit principalement, pour le premier, de la tâche emblématique et routinière de résolution d’équations diophantiennes du type ax+by=c (avec a et b entiers et c entier multiple du PGCD de a et b), que nous avons appelée dans ce chapitre tâche τ dans Z, et pour le second, de

montrer qu’un nombre est divisible par un autre et de déterminer le PGCD de deux entiers (les registres relatifs à ces deux derniers types de tâches pouvant être numériques ou non numériques).

Nous allons ci-après faire un bilan pour chacun des deux premiers pôles, suivant la richesse observée au sein des sujets et la gestion de l’autonomie laissée à l’élève. Avant de conclure, nous porterons ensuite notre attention sur l’aspect « patchwork » de certains sujets d’arithmétique, ce qui nous permettra en particulier de revenir sur les sujets du troisième pôle défini par notre classification (ces sujets sont également associés à au moins un des deux autres pôles).

L’analyse des sujets rattachés au premier pôle défini par notre classification confirme le caractère emblématique de la tâche τ dans Z : on la rencontre dans 15 des 29 sujets étudiés ; trois cas ont été rencontrés en ce qui concerne sa mise en œuvre : celui où c’est la tâche τ dans Z en tant qu’objet qui est essentiellement travaillée et qui est accompagnée d’applications directes (huit sujets), un autre où cette tâche occupe une place centrale, d’autres problèmes s’y greffant sans que l’on puisse parler d’applications (trois sujets), et celui où elle constitue un outil de résolution essentiel pour un problème centré hors du champ de l’arithmétique (quatre sujets). Malgré la place importante qu’elle occupe, tant qualitativement que quantitativement, cette tâche n’est pas complètement standardisée : nous avons mis en évidence des leviers choisis par les concepteurs des sujets du baccalauréat pour aller au-delà de son caractère routinier. Généralement, un tel dépassement est réalisé en réduisant le domaine de résolution à N ou à un sous-ensemble fini de Z (plus de deux tiers des quinze sujets en jeu) et c’est bien souvent l’habillage du problème en jeu qui amène naturellement à cette réduction (géométrie (huit sujets), astronomie (deux sujets), contexte de la « vie courante » (un sujet)). On note une exception avec [France, Juin 2002] où le caractère routinier de la tâche τ dans Z est dépassé par une extension de celle-ci à travers la mise en scène d’un type de problèmes original par rapport à ce

qui vit dans l’enseignement de l’arithmétique en classe de terminale S : la résolution d’équations du type ax+by+cz=d (a, b, c entiers premiers dans leur ensemble et d entier) dans N.

L’autonomie dévolue à l’élève pour la tâche emblématique est quasi totale, tant du côté organisateur qu’opératoire, cela étant sans aucun doute lié à son caractère routinier. Le balisage habituel qui renvoie à la technique enseignée en TS est la donnée de deux questions, l’une relative à la recherche d’une solution particulière et l’autre à celle de la solution générale. Pour ce qui est de la recherche d’une solution particulière, nous avons identifié quatre types de sujets : quatre sujets où il est simplement demandé de vérifier qu’un couple donné est solution, un sujet où une « solution évidente » est demandée, cinq sujets où l’emploi de l’algorithme d’Euclide est recommandé, plus ou moins directement, et enfin cinq sujets où l’emploi de l’algorithme d’Euclide est recommandé plus ou moins directement. A noter qu’une justification relative à l’existence d’une telle solution est en jeu dans un tiers des sujets, le théorème de Bézout étant attendu. Pour ce qui est de la recherche de la solution générale, précisons que dans deux sujets un élément de nature opératoire est donné et que cela a pour conséquence l’explicitation de l’équivalence sous-jacente du fait du processus dialectique existant entre les composantes organisatrice et opératoire. Dans le cadre du dépassement le plus fréquent du caractère routinier de la tâche emblématique envisagée (réduction de l’ensemble de résolution à N ou à un sous-ensemble fini de Z), la pensée organisatrice privilégiée par les auteurs est celle dont la visée est d’utiliser la résolution dans Z. Cette pensée est explicitée dans cinq sujets par l’intermédiaire de l’expression « en déduire » ; ces sujets regroupent en particulier tous ceux où l’ensemble solution correspondant est infini. On constate que dans le cas où l’ensemble associé à la résolution dans N est fini, rien n’est précisé et on identifie une ouverture au niveau organisateur en termes d’autonomie potentielle dévolue à l’élève. Pour ce qui de l’exception mentionnée quant à la façon d’aller au-delà de la tâche emblématique ([France, Juin 2002]), une caractéristique de l’organisation proposée est que l’on ne vise pas à utiliser de résolution dans Z. Il s’agit de mener une recherche exhaustive au sens large ; l’élève est très guidé tout au long de la phase de limitation. La recherche exhaustive au sens strict est à sa charge ainsi que la vérification relative à l’équivalence entre l’équation initiale et le système obtenu après limitation de la recherche.

Au sein du deuxième groupement de sujets qui a été défini autour de la notion de divisibilité, nous avons observé dans l’ensemble une richesse plus grande que celle rencontrée dans les sujets du premier groupement. Nous avons en effet identifié la présence de tous les pôles principaux de l’opératoire en arithmétique retenus dans le cadre de l’analyse épistémologique : utilisation de théorèmes-clefs, manipulations algébriques, différentes formes de représentation des entiers et articulation de (Z,+,×) et (Z,≤). En ce qui concerne la composante organisatrice, on identifie à plusieurs reprises un raisonnement par disjonction de cas. La démarche algorithmique de recherche exhaustive au sens strict est l’organisation la plus pertinente pour résoudre de nombreuses questions de divisibilité. L’emploi d’un raisonnement par récurrence est explicitement attendu cinq fois dans 3 des

sujets du groupement étudié (ce mode de raisonnement est également explicite dans l’un des sujets du premier groupement mais dans le cadre d’une question de géométrie).

L’autonomie dévolue à l’élève au niveau de l’opératoire est très variable, contrairement à la tâche τ pour laquelle elle est quasi-totale. Cette variabilité est fonction de la complexité des traitements opératoires à développer. Par exemple, nous trouvons le cas extrême où rien n’est fourni à l’élève lorsque ce dernier a la possibilité d’utiliser le théorème de Bézout pour montrer que deux nombres sont premiers entre eux et, à l’opposé, il y a l’exemple de deux sujets où une identité algébrique, clef du travail opératoire attendu, est donnée à l’élève pour montrer qu’un entier divise un autre (registre non numérique). Pour les organisations à développer : pour le raisonnement par disjonction de cas, les deux positions extrêmes (autonomie vide ou non) ont été identifiées, quant à la recherche exhaustive au sens strict et la mise en œuvre du raisonnement par récurrence, elles sont à la charge de l’élève. On peut se demander si l’existence d’une autonomie importante laissée à l’élève témoigne d’un rapport institutionnel non problématique aux organisations en jeu, comme cela est le cas pour l’équivalence logique.

La richesse que nous avons pointée ne fait que difficilement obstacle nous semble-t-il à la conception de telles évaluations qui est fortement gouvernée par la volonté d’évaluer les élèves par rapport à des tâches emblématiques de l’enseignement concerné. De plus, nous pensons que les auteurs recherchent un compromis entre la volonté d’évaluer l’élève sur des choses différentes afin de « couvrir » au maximum le programme et celle de construire des sujets constituant « un tout », cohérent d’un point de vue mathématique ; l’une des recommandations destinées aux concepteurs de l’épreuve de mathématiques de TS explicite le premier élément du compromis mentionné :

Recommandations destinées aux concepteurs de sujets

[…] Le sujet doit aborder une grande partie des connaissances envisagées dans le programme.

[Note de service N°2003-070 du 29-4-2003]

L’aspect « patchwork » de certains sujets rend compte selon nous de cette contrainte institutionnelle. Nous avons en particulier l’exemple des trois sujets rattachés aux deux derniers pôles de notre classification. [Amérique Nord, Juin 1999] et [Pondichéry, Mai 1999] qui sont constitués de parties indépendantes et étrangères du point de vue du problème mathématique en jeu. Quant à [France, Juin 1999], il nous est apparu impossible de définir une problématique unifiant les différentes questions entre elles ; il y a en particulier la tâche consistant à donner la décomposition en facteurs premiers du nombre 1999×2001 qui est déconnectée de la suite du problème où la tâche τ est mise en scène.

Par rapport aux prévisions que nous avons faites au début de l’étude institutionnelle présentée dans ce chapitre, nous constatons suite à celle-ci que l’évaluation d’arithmétique de l’enseignement de

spécialité ne s’est pas, en quelques années, réduite autour de quelques exercices types. Même s’il y a une nette tendance à conduire à certaines tâches emblématiques telles la tâche τ mentionnée précédemment, notre analyse met en évidence une certaine diversité, tant du côté de la dimension organisatrice qu’opératoire. Néanmoins, comme nous l’avons expliqué auparavant, il apparaît clairement qu’avec le corpus étudié dans ce chapitre nous sommes dans un espace très contraint d’un point de vue institutionnel.

En nous intéressant dans le prochain chapitre à des objets beaucoup moins contraints institutionnellement que ceux envisagés jusqu’ici, nous allons compléter cette prise de la mesure du champ exploité par l’institution scolaire.

CHAPITRE 6 :

RESSOURCES DESTINEES AUX ENSEIGNANTS

CHAPITRE 6 : ... 143 RESSOURCES DESTINEES AUX ENSEIGNANTS... 143 INTRODUCTION ... 144 I. RESOLUTION D’EQUATIONS DIOPHANTIENNES LINEAIRES : LA TACHE

EMBLEMATIQUE. ... 146 I.1 DOCUMENT DU GEPS ... 146 I.2 BROCHURES DE L’IREM DE MONTPELLIER... 148 II. RESOLUTION D’EQUATIONS DIOPHANTIENNES DE DEGRE SUPERIEUR OU EGAL A 2... 150

II.1 TRIPLETS PYTHAGORICIENS... 150 II.2 REPRESENTATION DES ENTIERS COMME SOMME DE DEUX CARRES... 152

II.2.1 Brochure de l’APMEP ... 152 II.2.2 Brochure de l’IREM de Montpellier... 157

II.3 AUTRES EQUATIONS DIOPHANTIENNES... 157

II.3.1 Document du GEPS... 158 II.3.2 Brochures de l’IREM de Montpellier ... 158

INTRODUCTION

Comme annoncé en introduction, nous complétons dans ce chapitre l’analyse institutionnelle en considérant un type de corpus autre que les sujets du baccalauréat : les brochures destinées aux enseignants de terminale scientifique, telles celles éditées par les IREM et l’APMEP.

Il ne s’agit pas ici de mener une étude exhaustive : nous avons choisi un petit nombre de brochures et notre analyse elle-même de ces dernières sera centrée sur un thème. Mais, à travers cette analyse, même limitée, il s’agit pour nous d’étudier, en contrepoint au chapitre précédent, comment les potentialités de l’arithmétique pour le raisonnement mathématique sont exploitées lorsque l’espace dans lequel on se situe est relativement peu contraint si on le compare à celui des sujets de baccalauréat, et aussi comment ces potentialités sont présentées aux enseignants qui sont les destinataires de ces brochures.

Nous envisageons dans cette étude les quatre documents suivants :

Arithmétique – Des résultats classiques par des moyens élémentaires, brochure de l’APMEP

(Savin, 2000),

Arithmétique, le retour… (Bernard, Faure, Fontana, Nogues, Nouaze & Trouche, 1995) et Fragments d’arithmétique (Bernard, Briant, Faure, Fontana, Nogues & Trouche, 1999),

brochures de l’IREM de Montpellier,

Programme de spécialité – Arithmétique, extrait de Mathématiques – Classe terminale, série scientifique, série économique et sociale, document réalisé par le GEPS de Mathématiques

chargé par le CNP de la rédaction des nouveaux programmes du lycée, en accompagnement à ces programmes, et publié par le CNDP32 en juillet 2002.

Ces documents renvoient à trois institutions : les IREM, l’APMEP et le GEPS qui, à des titres différents, sont engagées dans la production de ressources pour les enseignants. Il est clair qu’il s’agit là d’institutions de nature différente. Les IREM sont des structures universitaires qui ont, de par leurs statuts, des missions de formation des enseignants et de production de ressources, à la fois pour l’enseignement et la formation, liées à la recherche développée en leur sein. L’APMEP est une association de professeurs et publie, à ce titre, des ouvrages destinés à aider professionnellement les enseignants de mathématiques. Le GEPS enfin a eu la charge de l’écriture des programmes et les documents qu’il a produits sont des documents destinés à faciliter une mise en place de ces nouveaux programmes conforme au projet élaboré par leurs concepteurs. Les ressources que ces institutions produisent ont donc nécessairement un statut différent et elles ont aussi une diffusion différente. Le document du GEPS présente un caractère officiel que les autres brochures choisies ne sauraient avoir et il a été très largement diffusé auprès des enseignants de terminale. Les brochures de l’APMEP ont

un caractère national, les productions des IREM, en dépit de la structure en réseau de l’ensemble des IREM, ont souvent une diffusion plus locale. Le corpus considéré est donc à la fois limité et hétérogène. En revanche, nous faisons l’hypothèse que nous avons là un échantillon de ressources de qualité, réalisées en prenant en compte les enseignants et leurs besoins, et un corpus de ce fait adapté à notre projet d’étude.

En ce qui concerne les IREM, nous avons privilégié l’IREM de Montpellier qui n’est bien sûr pas le seul à avoir produit des ressources pour l’enseignement de l’arithmétique en TS. Nous avons fait ce choix car dans cet IREM deux brochures différentes ont été produites, la première ayant été éditée en 1995, avant donc que l’arithmétique ne réapparaisse dans les programmes et que l’on ne dispose de documents officiels. Notre propos ici n’est cependant pas de mener une étude comparative des deux brochures éditées par cet IREM mais plutôt d’explorer l’ampleur de l’éventail défini par une même institution. Précisons que s’il avait existé un document analogue au document du GEPS ayant accompagné la réintroduction de l’arithmétique en 1998, nous l’aurions bien sûr inclus dans notre corpus mais que ce n’était pas le cas.

Nous avons choisi de centrer l’analyse de ces documents sur un thème, comme précisé plus haut, pour éviter l’éparpillement. En continuité avec les problèmes mathématiques abordés dans l’analyse épistémologique, et compte-tenu du rôle important qu’il joue dans l’enseignement, le thème des équations diophantiennes s’est en quelque sorte imposé à nous. Unifiés autour de ce thème, nous allons successivement envisager la résolution des équations diophantiennes linéaires, le problème des triplets pythagoriciens, celui de la caractérisation des entiers s’écrivant comme somme de deux carrés, et d’autres équations diophantiennes telles les équations dites de Pell-Fermat et de Mordell. Soulignons que le premier sous-thème mentionné correspond à la tâche emblématique rencontrée dans le chapitre précédent. Nous nous posons naturellement les questions suivantes : rencontre-t-on ce type de tâches dans les documents retenus ? Le cas échéant, que ce soit au niveau de la résolution ou du contexte dans lequel interviennent les équations correspondantes, y est-il proposé des éléments autres que ceux identifiés dans les sujets du baccalauréat ?

Dans le corps principal de ce chapitre, nous allons donc rendre compte de la façon dont le thème des équations diophantiennes vit dans les documents retenus, et essayer de préciser la vision des potentialités de l’arithmétique pour l’enseignement en terminale S que ces documents véhiculent à la fois implicitement et explicitement, par le choix des problèmes ou activités envisagés, par la façon dont ils sont traités et par les commentaires qui accompagnent éventuellement ces traitements à un niveau plus méta-mathématique. Dans le cadre de la conclusion, nous mettrons cette analyse en regard avec une vision plus générale sur chacun des documents.

I.

RESOLUTION D’EQUATIONS DIOPHANTIENNES LINEAIRES :

LA TACHE