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DIMENSIONS ORGANISATRICE ET OPERATOIRE ET LEURS INTERACTIONS AU

I.1 La démonstration inspirée de Frenicle

Concernant la première démonstration, la pensée organisatrice sous-jacente s’identifie rappelons-le à la descente infinie, méthode qui a été présentée en détail dans le chapitre 2. Du côté opératoire, deux pôles sont essentiellement en jeu comme l’organigramme que nous avions proposé le met bien en évidence : utilisation de théorèmes-clefs et manipulations algébriques. Ce qui est « encapsulé » dans les deux théorèmes en jeu renvoie pour l’un (la paramétrisation) au pôle algébrique et l’autre (le théorème fondamental) à la structuration autour des nombres premiers. Rappelons que ces théorèmes qui interviennent chacun à deux reprises font partie du « paysage mathématique » de l’époque concernée.

L’articulation entre (Z,+,×) et (Z,≤) est présente au niveau de la mise en acte de la visée de construire une solution plus petite (au sens de l’ordre naturel) : l’emploi de la paramétrisation introduit un diviseur-clef qui, par définition, est plus petit que l’un des objets initiaux (le diviseur en question est l’entier noté p, racine de la mesure de l’hypoténuse du deuxième triangle, et l’objet initial est l’entier noté x, mesure de la longueur d’un des côtés autre que l’hypoténuse du premier triangle ; la relation en jeu est x=2pq). L’autre élément opératoire intervenant dans la construction d’un objet plus petit correspond à une simple manipulation algébrique (x < x²+y²).

Rappelons que cette démonstration inspirée des idées de Frenicle nous a permis d’illustrer un des aspects de la dialectique entre les composantes organisatrice et opératoire en la comparant avec

celle de Fermat : les objets sur lesquels porte le travail opératoire ont une influence directe sur l’organisation des preuves (ici ils conditionnent l’amorce de la descente).

Mais la dialectique entre les dimensions organisatrice et opératoire est ici limitée parce qu’il n’y a qu’une pensée organisatrice générale : la descente infinie, et que l’opératoire, relativement complexe, fonctionne de façon assez autonome. A l’inverse, la démonstration sur laquelle nous revenons maintenant permet de bien mettre en évidence les interactions profondes qui peuvent exister entre les deux dimensions dans le travail arithmétique.

I.2 Représentation des entiers comme somme de deux carrés

Nous reproduisons ci-après l’organigramme synthétisant la hiérarchie de dimensions organisatrices correspondant à la démonstration proposée, déjà donné dans le chapitre 2 :

⇔⇔

Récurrence Forte

Méthode spécifique aux anneaux factoriels Raisonnement par l’absurde Disjonction de cas (Partition primaire : Z = 4Z ∪ (4Z+1) ∪ (4Z+2) ∪ (4Z+3) ) Descente infinie Raisonnement par l’absurde

Le problème concerné ici peut être lui-même associé au pôle opératoire que nous avons défini à partir des différentes formes de représentation des entiers : ici c’est la représentation des entiers comme somme de deux carrés, et plus généralement par des formes quadratiques du type X²+AY² avec A égal à 1, 2 ou 3, qui est en jeu. Citons, à ce propos, Hellegouarch :

Fermat comme beaucoup d'autres avant lui, s'est intéressé à la représentation d'un entier comme somme de deux carrés et il a pu commencer à en bâtir une théorie rigoureuse. Plus généralement, il s'est intéressé à la représentation d'un entier par des formes quadratiques du type AX²+Y² avec A∈{1,2,3}. Comme la méthode est la même dans les trois cas, nous nous limiterons au cas où A=1.

[Hellegouarch, 1997]

L’explicitation dans l’énoncé du théorème d’une condition nécessaire et suffisante pour qu’un entier s’écrive comme somme de deux carrés montre que les deux sous-pôles de structuration des entiers envisagés dans notre étude de la dimension opératoire (structurations autour des nombres premiers et à l’aide de réseaux réguliers) sont directement concernés eux aussi. L’un des ressorts de la démonstration réside dans le lemme 1 qui énonce que (–1) est un carré dans

pZZ

si et seulement si p

est congru à 1 modulo 4. Soulignons qu’au niveau de ce lemme l’opératoire est « encapsulé » avec une profondeur supplémentaire : les théorèmes de Lagrange et Wilson interviennent en effet à leur tour dans sa démonstration comme opératoire « encapsulé ». Les congruences interviennent alors naturellement de façon essentielle, tant du côté opératoire (calcul de congruences) qu’organisateur (partition primaire définissant la disjonction de cas en jeu). Le pôle algébrique joue quant à lui un rôle central à travers l’emploi de l’identité de Lagrange qui assure la stabilité de l’ensemble des sommes de carrés par multiplication. Ceci est essentiel à la fois dans la mise en œuvre du jeu d’extension- réduction et dans le lemme 2, élément de l’opératoire encapsulé fondamental dans la construction d’une solution plus petite pour la descente infinie. De même que pour la démonstration précédente, l’articulation entre (Z,+,×) et (Z,≤) est privilégiée au sein de la dialectique entre les niveaux organisateur et opératoire : c’est à travers la notion de diviseur que des éléments plus petits au sens de l’ordre naturel sont injectés dans le travail opératoire de la descente infinie et également de la récurrence. Ceci nous permet de compléter l’organigramme centré sur la dimension organisatrice que nous avons reproduit plus haut, en y plaçant ces éléments cruciaux de l’opératoire ainsi que d’autres que l’on peut qualifier de secondaires :

Congruences Méthode spécifique aux anneaux factoriels

Identité de Lagrange*

Récurrence Forte

Structuration autour nbs premiers & Conservation relation divisibilité par combinaisons linéaires Raisonnement par l’absurde

pZ

Z

est un corps Lemme 1 Disjonction de cas (Partition primaire** : Z = 4Z ∪ (4Z+1) ∪ (4Z+2) ∪ (4Z+3) ) Troisième cas : Descente infinie Lemme 1**

Raisonnement par l’absurde Lemme 2*

Deux premiers cas : Simples manipulations algébriques (décomposition en somme de 2 carrés)

Ceci correspond bien sûr à un premier niveau de description, qui schématise l’articulation organisateur/opératoire dans cette démonstration, les lemmes 1 et 2 étant considérés comme des énoncés pré-établis disponibles. En zoomant sur lemme 1 et lemme 2, on pourrait faire apparaître un second niveau de description où la preuve analysée contiendrait la démonstration de ces deux lemmes, dans lequel les théorèmes de Lagrange et de Wilson fonctionneraient à leur tour comme opératoire encapsulé.