• Aucun résultat trouvé

3-1- Oralité et tradition orale

I-2- Résumé de « L’honneur de la tribu »

I- 3-1- Oralité et tradition orale

« Histoire, mémoire, art de la parole et

pouvoir de cet art sont définitoires de la tradition orale qui consacre « la force de la parole ».

J.Calvet, La tradition orale, 1984, p. 114 Parmi les nombreuses définitions de la tradition orale, retenons la suivante :

"La tradition orale est l’ensemble de tous les types de témoignages transmis verbalement par un peuple sur son passé"1.

La tradition orale est une mémoire vivante donc plus ou moins fidèle qui tient à la conservation du patrimoine culturel. La permanence dans la diversité est un principe constitutif de la tradition orale qui prend en compte les différents états possibles du texte. J.Calvet souligne que :

« Chaque profération est à la fois une recréation et une retransmission (. . . ) Le texte de tradition orale est précisément à la convergence de ces deux principes : improvisation- mémorisation »2.

La tradition orale n'est pas toute l'oralité, elle constitue un terrain privilégié pour en comprendre les mécanismes, les principes constitutifs, les modes d'expression et de transmission. Ainsi, la gestualité et la corporalité sont au cœur de l'oralité qui place le corps au centre de la préhension et de la mesure du monde, donc la mise en avant du corps dans la tradition orale en fait le dépositaire de la mémoire du monde et détermine une vision de l'histoire perçue dans un mouvement géologique. Lieu de mémoire, le corps participe du et au grand discours de l'oralité.

Celui-ci vise à travers la tradition orale, la socialisation au moyen du langage, révélant ainsi une portée pédagogique. Les contes, les divers récits, les proverbes et les jeux de langue relèvent d'une initiation à la langue et au monde.

1- IMPORTANCE DE LA TRADITION ORALE, Bangkok, Thailand, August 20 - August 28, 1999, disponible sur le site :

Ainsi, la transmission assure elle-même la conservation. Si le besoin de participation collective fonde l'oralité1, rappelons d'une part le rôle des conteurs, des rouwat, des femmes2, d'autre part, celui « des savants et des poètes, comme dépositaires de l'histoire des sociétés orales. »3, comme continuateurs de civilisations de la parole. Ils sont la voix et la mémoire par lesquelles se communique et se transmet la tradition orale.

Dans un article intitulé « Sarraounia et ses intertextes : Identité, intertextualité et émergence littéraire » A.Tidjani voit que les rapports des textes littéraires écrits à la tradition orale se doublent de rapports intertextuels à la littérature française, en particulier.

Les rapports intertextuels à des textes de la littérature française vont au-delà de la notion simpliste et vague d'inspiration. Ils sont parfois le résultat d'un contre -discours4 opposé à celle-ci.

Paul Zumthor, dans sa réflexion sur la voix5 élément de médiation important dans la tradition orale et dans l'oralité en acte. L'essayiste note à ce propos :

« (. . . ) par delà le langage écrit (. . . ) dans notre monde (. . . ) une longue quête universelle d'une restauration de la voix. »6. La tradition orale serait alors la permanence d'une certaine forme de communication.

Dans le cas de « L’honneur de la tribu », Mimouni, se réconciliait avec la narration traditionnelle, qui est représentée symboliquement par un narrateur souvent âgé, et qu’elle puise de la tradition orale.

Le vieux conteur anonyme de L’honneur de la tribu symbolise la narration ancestrale mêlée de didactisme hérité des ancêtres :

1- MEZGUELDI Zohra, op. cit, p. 1. 2- CALVET Jean, op. cit, p. 26, in ibid. 3- HAGEGE Claude, op. cit, p. 92, in ibid.

4- TIDJANI ALOU Antoinette, « Sarraounia et ses intertextes : Identité, intertextualité et émergence littéraire », Extrait de la revue « Sud Langues », n°5, vendredi 9 décembre 2005, disponible sur le site :

http://www.sudlangues.sn/article91.html

« Nous avons jusque-là vécu dans la sérénité, ignorants et ignorés du monde, ayant su faire notre profit des expériences de nos sages et des s enseignements de nos saints pour les traduire en lois et coutumes que se charger d’appliquer une assemblée dont on avait désigner les membres à raison de leur savoir, de leur équité ou de leur verbe » (HT.p.38)

Les passages que nous citerons ainsi expriment et affirment des enseignements et des institutions que le narrateur voudrait transmettre à son narrataire :

"Nécessité fait vertu. Les guerriers se retrouvèrent paysans" (HT.p.47). En parlant du terrible Hassen :

" On assura qu'il avait fini par rejoindre les Beni Hadjar pour prendre femme chez eux et vivre leur vie. Que Dieu ramène les égarés sur la voie droite ! » (HT.p.1).

La femme aussi constitue un thème privilégié pour les habitants de Zitouna

"Nos aïeux nous avaient prévenus : une belle fille est une calamité. Nous en avons conclu que l'honorabilité d'une vierge exigeait qu'elle cachât ses charmes jusqu'au jour de ses noces et qu'à partir de là elle les réservât à son époux." (HT.p.120).

Cette narration ancestrale appliquée sur les genres populaires tels que, le conte, la fable et la légende, chez Mimouni, puise dans le répertoire arabo-berbère.

Le verbe et la sagesse populaires véhiculent des constantes esthétiques qui animent la narration, un flot d’oralité, que le narrateur crée pour influencer son narrataire et orienter sa vision. C’est ce type de narration ancestrale qui justifie l’appartenance de Mimouni à la tendance de la « néo-narrativité », car, il n’exige pas une grande participation du lecteur.

R.Mimouni annonce plusieurs fois l'importance dans la tradition populaire, orale, maghrébine et notamment berbère celui qui la transmet. Une figure centrale et essentielle dans la transmission de la culture, du savoir, du développement de l'art, puisque c'est lui

qui établit le lien spatio-temporel entre sa communauté et le reste du monde, par son errance même.

Comme dans le cas de notre roman étudié, l’existence du Saltimbanque dans la vie des habitants de Zitouna. C'est à cette haute figure que Mimouni emprunte sa vision du poète, de l'artiste et une manière d'être au monde. Elle ne constitue pas pour lui une simple référence mais plutôt un socle, un héritage.

La seconde étude s'intéresse à cette « succession » qu'assure l'écriture de Mimouni, en recherchant dans son roman L’Honneur de la tribu de l'auteur les traces de la culture et des traditions berbères. Notre travail consacre une part, peut-être trop importante pour une recherche purement littéraire, aux multiples aspects de la culture populaire et à l'analyse de leur présence dans le texte et de leur utilisation par l'écriture. En effet, cette recherche étudie tout d'abord le rapport avec la culture qui serait de l'ordre du savoir, posant celle-ci comme une « altérité », comme matériau extérieur sur lequel l'écrivain travaille par le biais de l'allusion, de la citation et de la parodie ou par le procédé de l'intertextualité.

Sous le titre « Tradition et Modernité dans Le Sang des masque de Seydou Badian et dans L'Honneur de la Tribu de Rachid Mimouni », A. Diarra1 nous présente son étude comparative dans laquelle elle a constaté que les deux romans sont traités en tant qu’objets esthétiques qui portent l’empreinte de l’Histoire lorsqu’ils figurent non seulement la « réalité » mais aussi la virtualité, le passé, et l’avenir, tous les « possibles » qui nient les échecs et les contraintes du présent.