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Chapitre IV : Utilisation d’impulsions femtoseconde pour

2. Optimisation de l’installation du 200 TW et premiers résultats

Afin d’étudier en détail ces régimes d’interaction, des expériences utilisant de très courtes durées d’impulsions (jusqu’à 25 fs), ont été effectués sur l’installation 200 TW de l’INRS-EMT au Canada (Fourmaux et al., 2008). Les premiers résultats obtenus sur d’accélération de protons ont rapidement montré les défis techniques auxquels ce type d’installation est soumis. Nous avons tout d’abord pu constater des difficultés à focaliser correctement le faisceau laser et montré la nécessité d’implanter un miroir déformable pour résoudre ce problème. De plus, nous avons clairement pu voir l’importance du contraste laser pour l’accélération des faisceaux de protons, paramètre qui semble d’autant plus critique lorsque l’on réduit fortement la durée d’impulsion. En effet, l’énergie maximum des protons mesurés sur l’installation 200 TW est longtemps restée inférieure à celle mesurée sur des installations similaires, mais de moindres puissances. Seule une amélioration significative du contraste laser, permis grâce à l’optimisation de l’installation et l’emploi d’un miroir plasma, a ainsi permis d’approcher des résultats attendus (Fuchs et al., 2006a).

2.1. Premiers résultats.

Le laser 200 TW (25 fs, 5 J à 800 nm), fabriqué par Amplitude Technologie, a été délivré en début d’année 2006. Après un long travail d’alignement de la chaîne laser et la mise en place des expériences, les premières observations du faisceau laser en centre chambre et des premiers faisceaux de protons ont été faites au cours du printemps 2007.

2.1.1. Mesure de la tache focale.

Malgré un minutieux alignement de la parabole de focalisation (f/3), celle-ci ne nous permettait pas d’approcher la limite de diffraction et des caractéristiques théoriques de la tache d’Airy (3 µm (Born and Wolf, 1980)). En effet, la dimension de la tache focale mesurée était de l’ordre de 7,5 µm FWHM et présentait surtout une fraction importante de l’énergie laser en dehors de la tache, c.à.d. plus de 80 % alors que généralement la valeur expérimentale s’approche de 70%. Après avoir vérifié la qualité de l’alignement et de la parabole, nous avons constaté que ces derniers n’étaient pas à mettre en cause, contrairement à la qualité du faisceau laser délivré.

Dans un cas comme celui-ci, les difficultés de focalisation sont généralement liées, soit à la mauvaise répartition de l’énergie laser dans le faisceau soit au front de phase du faisceau qui n’est pas plat (Born and Wolf, 1980). L’observation de la répartition en énergie et l’ajustement du pompage optique permettent ainsi d’obtenir un faisceau relativement homogène et tout à fait raisonnable. C’est pourquoi il a été décidé d’incérer un miroir déformable (Druon et al., 1998) juste avant la recompression de l’impulsion, de manière à corriger les défauts sur le front de phase. Celui-ci a été opérationnel à partir de l’été 2008 (Fourmaux et al., 2008) et permettait d’obtenir une tache focale de l’ordre de 5,6 ± 0,4 μm FWHM comprenant ~30 % de l’énergie laser, mais il n’a été disponible pour les expériences qu’à partir de l’été 2009.

 

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2.1.2. Mesure des signaux de protons accélérés au cours de l’interaction.

Les problèmes de focalisation laser, ainsi que la faible énergie délivrée en centre chambre au début de la mise en service du laser (moins de 700 mJ), ne nous permettaient d’atteindre qu’une intensité pic (Iλ2) de l’ordre de 9.1018 W.µm².cm-². De manière assez inattendue, la focalisation de l’impulsion laser sur les différentes cibles utilisées ne conduisait pas à atteindre une énergie de coupure, des faisceaux de protons accélérés, supérieure à 2 MeV. Ces résultats étaient effectivement très surprenants au vu de ceux reportés (Yogo et al., 2008) (Lindau et al., 2005) et obtenus avec des installations similaires (3 MeV).

Nous avons ainsi fait varier différents paramètres, tels que la nature de la cible ou l’épaisseur sans pour autant voir une quelconque différence. Afin de nous assurer de l’alignement, nous avons également fait varier la position focale de la cible. Cette analyse nous a permis de constater que l’énergie de coupure des faisceaux de protons suivait une tendance particulière, en « bosses de chameau ». En effet, nous avons observé 2 maximums d’énergie, symétriques (cf. Figure 50) de part et d’autre de la position d’alignement, défini comme la position de meilleure focalisation laser et appelé le TCC (Target Chamber Center). Dans cette figure, la mesure de l’énergie des ions carbone a également été faite grâce à une mesure de temps de vol permettant de remonter à la vitesse des protons (Matsukado et al., 2010), en discriminant le signal de celui des protons, suffisamment séparé temporellement pour être mesuré.

La défocalisation du laser ne montrait bien évidemment qu’une seule position optimale et, comme cela a été vu dans le Chapitre III (Mancic, 2010) et sera vu dans celui-ci (cf. Figure

51.b), l’énergie maximale des protons diminue lorsque l’on défocalise le laser. Ces résultats

obtenus avec un bon contraste montrent que cette double bosse ne pouvait pas être attribuée à un effet particulier des mécanismes d’accélération des faisceaux de protons. Cependant, lorsque l’on modifie la position de la cible sur cet axe, on modifie la dimension de la tache focale et donc l’intensité laser sur la cible, que ce soit en terme d’intensité pic ainsi qu’en terme d’intensité parasite précédant l’impulsion (préimpulsion et ASE). Sachant que l’accélération des faisceaux de protons est fortement liée au niveau d’intensité de ce signal parasite (Kaluza et al., 2004) nous avons rapidement pointé du doigt un problème de contraste laser. En effet, comme cela a été décrit dans le premier chapitre, l’intensité précédant l’impulsion peut perturber l’accélération en créant un préplasma sur les faces d’accélération.

 

Figure 50 : Énergie de coupure du faisceau de protons et d’ions carbone accélérés à partir de la face arrière d’une cible de CH de 6 μm et mesurés avec le diagnostic Tof, pour différentes positions de focalisation de la parabole. Les carrés correspondent au signal de 2 PMT placés en face avant de la cible.

 

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Il a clairement été mis en évidence par Pirozhkov et al. (Pirozhkov et al., 2009) qu’un problème de contraste sur ces installations conduit à ce type de profil en « bosses de chameau ». Ils montrent ainsi qu’en réduisant le l’intensité laser, ils réussissent à supprimer cette double bosse et obtiennent une énergie optimale au point de meilleure focalisation laser. En effet, en réduisant l’intensité de l’impulsion on réduit par la même occasion le niveau d’intensité du piédestal, ce qui permet de l’abaisser au-dessous du seuil de dommage de la cible et conduit à obtenir une accélération efficace.

2.2. Contrôle du contraste et optimisation.

Après avoir identifié ce problème de contraste, nous avons cherché à l’optimiser. La mesure du contraste laser étant toujours assez délicate et longue à effectuer par des techniques optiques directes (autocorrélateur), nous avons considéré que l’efficacité d’accélération des protons était le principal diagnostic.

2.2.1. Optimisation laser.

La mesure du contraste picoseconde, jusqu’à quelques centaines de picosecondes avant l’arrivée de l’impulsion principale, se fait généralement à l’aide d’un autocorrélateur 3ω. La

Figure 51.a courbe rouge, représentant le contraste obtenu au début du fonctionnement de

l’installation, montre que celui-ci est de l’ordre de 10-9 jusqu’à environ 70 ps avant l’arrivée de

l’impulsion principale. Une intensité pic de 9.1018 W.cm-² et un tel contraste signifie que le niveau d’intensité précédent l’impulsion est inférieur au seuil d’ionisation de la cible (~1.1011 W.cm-2), ce qui empêche la perturbation de la face avant de la cible.

Cependant, la lumière parasite ne se limite pas à quelques centaines de picoseconde et au niveau d’ASE du laser. L’émission spontanée des cristaux d’amplification (ASE) s’étale ainsi sur quelques nanosecondes, dépendamment du temps d’ouverture des obturateurs rapides (cellules de Pockels). Sur cet ASE, dont le niveau d’intensité décroit à mesure que l’on s’éloigne de l’impulsion principale, se superpose des préimpulsions venant de la cavité régénérative ou de réflexions parasites dans les amplificateurs multipassages. Ces préimpulsions, qui pouvent arriver plusieurs dizaines de nanosecondes avant l’impulsion principale, ne sont en effet pas complètement bloquées par les obturateurs à cause du taux d’extinction fini des polariseurs, constituant ces derniers.

  Figure 51 : Comparaison du contraste picoseconde mesuré avant et après le réalignement de l’étireur, à l’aide

d’un autocorrélateur 3ω (a) et évolution de l’énergie de coupure des faisceaux de protons accélérés à partir d’une cible de 120 nm d’aluminium et une impulsion de 30 fs en fonction de la défocalisation du laser (b). Ces résultats ont été obtenus après le réalignement de l’étireur et avec un miroir plasma.

 

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Pour observer le niveau des préimpulsions arrivant sur ces échelles de temps nanoseconde, un système de diode rapide et de filtres calibrés a été mis en place. De plus, nous avons étendu la dynamique du SEQUOIA (autocorrélateur 3ω) à l’aide d’une ligne à délai supplémentaire, de manière à observer le contraste sur toute sa dynamique. Ce dernier nous a ainsi permis de mesurer le contraste avec une résolution de l’ordre de la picoseconde (Fourmaux et al., soumis) jusqu’à 4 ns avant l’arrivée de l’impulsion principale. De cette manière, nous avons pu constater que plusieurs préimpulsions précédaient effectivement, jusqu’à plusieurs dizaines de nanosecondes, l’impulsion principale et avaient un niveau d’intensité supérieur au seuil de dommage de la cible.

Un gros travail d’alignement et d’optimisation des synchronisations des lasers de pompes et des déclenches des cellules de Pockels a ainsi permis de réduire significativement ces préimpulsions et le niveau d’ASE. Un absorbant saturable a également été positionné après la cavité régénérative. Cependant, malgré tous ces efforts, l’énergie des faisceaux de protons restait toujours au-dessous des valeurs prédites et reportées par d’autres installations. De plus, bien que l’énergie des protons ait été un peu améliorée, en grande partie par l’augmentation de l’énergie laser, l’évolution du signal de protons en fonction de la défocalisation présentait toujours une tendance étrange, avec un long plateau où l’énergie de coupure variait peu.

2.2.2. Mise en place d’un miroir plasma.

Suite à ces résultats, nous avons décidé d’utiliser un miroir plasma (Doumy et al., 2004) afin d’augmenter significativement le contraste de l’impulsion laser et ainsi vérifier que celui-ci était effectivement bien la cause de la faible énergie des protons mesurée.

 Amélioration de l’efficacité d’accélération.

Les premiers résultats obtenus avec le miroir plasma ont immédiatement montré une amélioration importante de l’efficacité d’accélération des protons en face arrière des cibles utilisées. La focalisation du laser sur une cible mince permettait désormais d’accélérer des protons jusqu’à une énergie de 5,8 MeV, pour une intensité laser d’environ 7,2.1018 W.µm².cm-² (540 mJ sur cible). L’optimisation de l’amplification nous a permis d’atteindre cette intensité bien qu’environ 50 % de l’énergie laser soit perdu sur le miroir plasma. Le miroir déformable n’était pas encore fonctionnel.

Malgré ces meilleurs résultats, un point restait toujours étrange et concernait la tendance observée à la défocalisation. En effet, même si la tendance en bosse de chameau avait disparu il n’en reste pas moins que l’énergie maximale des protons ne diminuait pas aussi rapidement qu’attendu lorsque l’on défocalisait le laser sur la cible. Aucune explication claire sur cette tendance n’a encore été trouvée, mais comme il le sera rappelé plus loin, nous avons réussi à la supprimer lorsque le contraste picoseconde a été amélioré au niveau du laser lui-même.

 Calibration du miroir plasma.

La calibration du miroir plasma présentée ici correspond à la calibration faite à l’été 2010 au plus proche des résultats expérimentaux qui seront présentés par la suite. Elle correspond également au moment où le contraste intrinsèque du laser était le meilleur et lorsque le miroir déformable fonctionnait. Il faut néanmoins noter que l’ensemble des calibrations faites pour le miroir plasma présentait environ la même fluence optimale et le même coefficient de réflexion.

L’observation de la tache focale après le miroir plasma montre que la modification de la fluence sur celui-ci ne modifie que très peu la qualité de focalisation du faisceau laser (cf. Figure

52.a), même lorsque celle-ci est très importante (jusqu’à 330 J.cm-2). De plus, au-delà de 120 J.cm-

2 le coefficient de réflexion du miroir plasma est maximum et reste environ constant (cf. Figure

52.b) avec une valeur de 70 %. Cette fluence correspond donc à la valeur optimale permettant

d’éviter la détérioration de la focalisation tout en conservant un coefficient de réflexion maximal (cf. Chapitre I).

 

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Bien que l’optimum d’utilisation soit aux alentours de 120 J.cm-2, soit 3,3 mm entre le miroir plasma et la cible, nous avons préféré travailler avec une fluence plus réduite. Ce choix a été fait en grande partie pour des aspects pratiques et de complication du montage expérimental. En effet, travaillant à 45˚d’incidence laser sur la cible (cf. Figure 53), nous avons reculé un peu le miroir plasma afin d’observer le faisceau de protons accéléré à partir de la face avant. De plus, pour augmenter autant que possible le contraste de l’impulsion laser, il est important que le miroir plasma se déclenche le plus tardivement possible. Nous avons donc préféré réduire l’efficacité de réflexion et obtenir un diagnostic plus complet de l’accélération ainsi que pour optimiser le gain de contraste. Nous avons travaillé avec un miroir plasma placé à 5 mm de la cible soit une fluence de 54 J.cm-2.

  Figure 52 : Calibration du miroir plasma avec (a), le pourcentage d’énergie encerclé en fonction du rayon par

rapport au centre de la tache focale et (b) coefficient de réflexion du miroir plasma.  Remarque sur le contraste.

Depuis la première utilisation du miroir plasma, beaucoup de travail a été effectué sur le laser pour augmenter l’énergie laser délivrée et améliorer le contraste, notamment grâce à un réalignement complet de l’étireur. Ce réalignement a ainsi permis une amélioration significative du contraste picoseconde comme le montre la courbe noire de la Figure 51.a. L’apport majeur de ce réalignent constitue la réduction du temps de monté de l’impulsion qui permet de maintenir un bas niveau d’intensité laser parasite au plus prêt de l’impulsion principale. Depuis ce réalignement, nous avons ainsi pu observer les tendances attendues lorsque le laser est défocalisé sur la cible (cf.

Figure 51.b), c.à.d. un optimum clair en position de focalisation. Ceci montre que l’amélioration

du contraste picoseconde a conduit à supprimer cette tendance, mais il reste difficile de comprendre ce comportement, d’autant qu’il est compliqué de vérifier si seul le contraste picoseconde est à mettre en cause. Quoi qu'il en soit, l’efficacité d’accélération des protons a encore été améliorée, ce qui prouve encore une fois, la très grande importance du contraste laser dans les mécanismes d’accélération. Celui-ci semble d’autant plus important pour une durée d’impulsion ultracourte.