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Chapitre III : Focalisation extrême et influence de la dimension de la

2. Caractérisation de la tache focale

Au cours de nos expériences, nous avons pu mettre en évidence la possibilité de réduire la tache focale standard de 4,4 μm (FWHM), obtenue avec la parabole f/2,7 du 100 TW (f=300 mm et d=105 mm), à 0,9 μm (FWHM) lorsque l’EPM était inséré. Ceci permet une diminution de la surface de focalisation d’un facteur quasiment 25 et une augmentation de l’intensité d’un facteur 8,4 malgré l’énergie perdue sur le miroir plasma. La référence de la tache focale a tout d’abord été prise à bas flux laser juste après la parabole puis à haut flux avec un miroir plasma plan à l’aide d’une simple lentille d’imagerie. La mesure avec l’EPM a, quant à elle, été effectuée grâce à un objectif de microscope de forte ouverture, à bas flux afin de ne pas l’endommager.

2.1. Conditions laser.

En novembre 2008 deux semaines d’expériences ont été menées avec le laser 100 TW du LULI à l’École Polytechnique, concernant la caractérisation et l’utilisation pour l’accélération de protons, de miroirs plasmas elliptiques.

Pour ces expériences la durée d’impulsion (τL) mesurée était de 400 fs. L’énergie maximale

disponible avant compression était de 30 J pour une longueur d’onde centrée sur 1057 nm et une bande spectrale d’environ 16 nm. Avant chaque tir laser, une correction du front d’onde était faite à l’aide d’un miroir déformable. Les autres paramètres laser seront détaillés plus spécifiquement par la suite.

 

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Au cours de cette expérience, le faisceau laser a été doublé en fréquence de manière à augmenter significativement le contraste de l’impulsion. Ceci est en effet important au vu du contraste intrinsèque du laser (1ω) qui n’est pas suffisant pour éviter le développement d’un plasma sur la face d’interaction, avant l’arrivée de l’impulsion principale. Or, l’utilisation de l’EPM, fonctionnant comme un miroir plasma, permet d’augmenter le contraste de l’impulsion et éviterait le développement de ce préplasma. Il modifierait en conséquence les mécanismes d’interaction et d’absorption lors de l’irradiation de la cible par l’impulsion refocalisée, ce qui rendrait la comparaison impossible entre un tir direct et un tir avec EMP. De plus, cela permet d’éviter le déclenchement prématuré de l’EPM qui pourrait fortement perturber la focalisation de l’impulsion.

Un cristal non linéaire de KDP (type II) de 2 mm d’épaisseur a été utilisé pour la conversion de fréquence. Il avait un taux de conversion de 67 % et permettait donc d’obtenir environ 10 J d’énergie après compression à λ=528 nm. En utilisant une mesure du contraste à 1ω, faite à l’aide d’un auto corrélateur 3ω en mars 2006 (Antici, 2007), il est possible d’estimer le contraste laser obtenu au cours de l’expérience après le doublage en fréquence, en sachant que le taux de conversion dépend de l’intensité à la puissance 2 (cf. Chapitre I). On estime de cette manière que le contraste est de l’ordre de 1014 à 2ω, jusqu’à quelques picosecondes avant l’arrivée de l’impulsion principale. Le ω résiduel était quant à lui filtré par 2 miroirs à 2ω ainsi que par la parabole, qui réfléchissait chacun environ 1% de ω. On obtient de cette manière une atténuation de l’intensité de la longueur d’onde résiduelle de 6 ordres de grandeur (10-6). Dans ces conditions, il est donc raisonnable de considérer que le contraste laser est suffisant pour permettre aux mécanismes d’interaction en face avant d’être comparables, que l’on tir sur cible directement ou à travers l’EMP.

  Figure 32 : a) Schéma de l’expérience comprenant le compresseur dans lequel le cristal doubleur était placé ainsi

que le système d’imagerie utilisé dans le cas du PM. b) Taux de conversion d’un cristal de KDP pour un angle thêta différent de la normale (θ=0) calculé avec le code Miro.

On peut noter que les mesures du champ proche du laser montraient une légère divergence (0,35˚ d’ouverture totale) du faisceau laser. Ceci peut expliquer le taux de conversion de 67 % obtenu expérimentalement au lieu de 84 % calculé théoriquement avec le code Miro (Donnat, 2000) à partir du profil temporel mesuré à 1ω. Même si cet angle reste suffisamment faible (0,175˚ d’écart maximum sur les réseaux) pour ne pas détériorer la recompression de l’impulsion dans le compresseur (Fiorini et al., 1994), il peut cependant dégrader le doublage. En considérant que l’angle de divergence des rayons lumineux décrit une Gaussienne de largeur à mi-hauteur de 0,35˚ on peut calculer (Donnat, 2000) que l’efficacité de conversion diminue à 71 %, ce qui se rapproche clairement de notre valeur expérimentale (cf. Figure 32.b).

Dans les conditions de notre expérience, avec une impulsion laser de longueur d’onde centrale de λ=528 nm et focalisée par la parabole f/2,7 on obtient ainsi une limite de diffraction de

 

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1,75 µm FWHM. Ceci est bien entendu, plus petit que ce qui est généralement obtenu expérimentalement à cause des aberrations résiduelles du faisceau.

2.2. Optimisation du miroir plasma plan.

La première partie des expériences consistait à optimiser l’énergie laser sur le miroir plasma (Doumy et al., 2004) afin de l’employer dans les meilleures conditions possible (cf. Figure 33). En effet, l’utilisation d’un tel dispositif n’est pas triviale dans le sens où c’est le faisceau laser lui- même qui va permettre à la lame de verre, traitée anti reflet ou non, d’être réfléchissante. Afin de simplifier grandement la calibration de l’EPM nous avons utilisé un miroir plasma plan qui nécessite peu d’ajustement. Nous avons ainsi fixé la distance entre le miroir plasma et le point de focalisation de manière à ce que l’extension transverse, et donc la fluence (J.cm-2) du faisceau

laser sur le PM, soit la même que celle sur l’EPM. Cette extension dépend en effet du design initial c.à.d. de la distance entre le premier foyer et la surface de l’EPM. Pour se faire, le PM a ainsi été placé à environ 7,2 mm du point de focalisation laser (cf. Figure 32.a). La façon la plus simple expérimentalement de modifier ensuite la fluence sur le PM a été de conserver le montage expérimental inchangé, et de modifier uniquement l’énergie laser à l’aide de densités optiques placées sur le trajet du faisceau avant la recompression de l’impulsion.

Rappelons que le déclenchement du miroir plasma se fait par l’ionisation de la surface de celui-ci à mesure que l’intensité laser croît. En effet, lorsque l’intensité dépasse le seuil d’ionisation (1013 W.cm-2) un plasma se crée sur la face avant du PM par des mécanismes tels que l’absorption muliphotonique. Lorsque ce plasma atteint une densité supérieure à la densité critique (nc), la réflectivité augmente brutalement ce qui permet à l’impulsion principale d’être réfléchie

(cf. Chapitre I). Il est donc important de veiller à ce que le miroir plasma ne se déclenche pas trop tôt afin que le front plasma réfléchissant, en expansion dans le vide, n’ait pas le temps de se déformer avant l’arrivée de l’impulsion principale. De plus, il est nécessaire que celui-ci se déclenche suffisamment tôt de manière à ce que le coefficient de réflexion soit le plus grand possible, ce qui impose un compromis entre les deux effets. Bien évidemment, cette optimisation est propre à chaque installation laser et dépend non seulement des caractéristiques durée d’impulsion et énergie laser, mais également du contraste initial de l’impulsion.

  Figure 33 : Caractéristiques de la tache focale mesurée après le PM, avec différentes fluences laser. Pour

l’ensemble des fluences, le taux de réflectivité du miroir plasma est d’environ 30%.

Si l’on regarde la Figure 33 on peut voir que la fluence optimale a été obtenue pour une valeur d’environ 90 J.cm-2, soit une énergie laser d’environ 3,5 J sur le miroir plasma. Cependant, pour cet optimum, le coefficient de réflexion est relativement bas (30 ± 10 %), ce que nous

 

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n’avons pas été en mesure d’expliquer. En comparant ces résultats avec ceux de la référence (Antici, 2007), obtenus sur la même installation, on voit que la fluence optimale est proche de nos valeurs (60 J.cm-2), mais présente un coefficient de réflexion bien plus élevé (60 %).

2.3. Mesure de la tache focale à bas flux sans EPM et à haut flux avec PM.

La tache focale a tout d’abord été mesurée à bas flux laser, juste après la parabole, au cours de l’alignement de celle-ci afin d’obtenir une référence pour comparaison. Pendant la calibration du PM, à haut flux laser, nous avons également mesuré la dimension de la tache focale, permettant d’observer l’influence du PM sur celle-ci.

2.3.1. Mesure de la tache focale après la parabole : mesure à bas flux.

Une lentille de 2 pouces de diamètre et de 15 cm de distance focale imageait la tache focale sur une caméra CCD ANDOR 16 bits, avec un grossissement d’environ ×30 (cf. Figure 32.a). Après correction du front de phase avec un miroir déformable et alignement de la parabole de focalisation, nous avons mesuré une tache focale de largeur à mi-hauteur (FWHM) valant 4,4±0,4 µm. Celle-ci comprenait environ 29±3 % de l’énergie laser. Les incertitudes proviennent des différentes acquisitions et mesures faites de la tache focale après l’optimisation. Ces valeurs sont obtenues à l’aide d’une routine Matlab permettant d’analyser les images de la tache. Cette routine moyenne, de manière azimutale, l’intensité laser en fonction du rayon à partir du centre de la tache, qui est généralement le maximum d’intensité. À partir de cette moyenne azimutale, une intégration 2D est faite de manière à calculer l’énergie encerclée en fonction du rayon.

2.3.2. Mesure de la tache focale avec le PM : haut flux.

Afin de ne pas endommager les optiques d’imagerie, un miroir haute réflectivité à 2ω (99,5 %) et de qualité optique, a été placé en transmission sur la ligne d’imagerie et permettait de réduire significativement l’intensité laser. Après chaque tir laser, nous nous sommes cependant aperçus que le traitement du miroir s’endommageait à cause de l’importante fluence laser sur celui-ci. Nous avons donc dû le changer après chacune des mesures, de manière à conserver une imagerie de bonne qualité.

Le profil radial de la tache focale ainsi que l’énergie encerclée dans le FWHM sont représentés dans la Figure 34 lorsque le PM était utilisé. Ce profil a été obtenu après acquisition d’une image à haut flux laser puis traité comme précédemment. Suivant les différentes acquisitions, les mesures de ce profil fluctuaient de plus ou moins 10 % et l’image reportée dans la

Figure 34 correspond à la plus petite tache focale obtenue. La tache focale ainsi mesurée est de

3,9±0,3 µm (FWHM) et comprend 24±3 % de l’énergie laser lorsque que le PM était utilisé.

  Figure 34 : Tache focale mesurée et obtenue avec une parabole f/2,7 et le faisceau 100 TW du LULI dans le cas où

 

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2.3.3. Commentaires et comparaison.

La mesure de ces taches focales montre qu’il est très difficile de s’approcher de la limite de diffraction (1,75 µm FWHM) pour des raisons soit d’alignement soit de qualité de faisceau laser (front de phase ou répartition d’énergie dans le champ proche). Ceci justifie d’autant plus le fait que l’emploi d’une parabole de plus courte focale n’est pas nécessairement intéressant dans le sens où il est d’autant plus difficile de l’aligner. À noter que l’ouverture du système d’imagerie est légèrement inférieure (10 %) à celle de la parabole, ce qui limite sa résolution, mais ceci ne permet pas d’expliquer l’écart observé qui est supérieur à un facteur 2.

Il est également intéressant de faire remarquer que l’utilisation d’un miroir plasma plan réduit la dimension de la tache focale (cf. Figure 36). On peut expliquer ceci par le fait que le miroir plasma est proche de la zone de focalisation du laser, ce qui implique que l’intensité laser varie, spatialement, très fortement dans la zone du faisceau. On a donc une intensité moindre sur la périphérie de la tache, induisant un déclenchement plus tardif du miroir plasma. La tache focale est ainsi filtrée spatialement en fonction de l’intensité, ce qui aura tendance à réduire les dimensions de celle-ci. Cette description est uniquement valable dans le sens où ce filtrage à lieu proche du champ lointain du faisceau et donc parce que l’on filtre directement dans la tache focale quasiment formée.

2.4. Mesure de la tache focale à basse énergie avec l’EPM et comparaison.

Afin de mesurer les faibles dimensions de la tache focale obtenue avec l’EPM, il a été nécessaire de monter un système d’imagerie d’une résolution bien plus importante que précédemment. Nous avons utilisé un objectif de microscope d’un grossissement x40 avec une ouverture f/0,66 permettant une résolution proche de 0,35 μm à 528 nm. Cet objectif était placé à environ 13 mm après le second foyer et projetait l’image de la tache focale à l’infini. L’image était ensuite collectée par une lentille de 40 cm de distance focale et était imagée sur la caméra ANDOR, utilisée précédemment. L’objectif de microscope était monté sur un moteur piézoélectrique permettant une résolution inférieure au micron selon l’axe de focalisation. Cette précision est effectivement nécessaire à cause de la forte ouverture de l’EPM, induisant une très courte longueur de Rayleigh (~μm). Ne pouvant pas réduire l’énergie laser entre l’EPM et l’objectif de microscope, les mesures n’ont bien évidemment pas été effectuées à haut flux pour ne pas endommager le système d’imagerie. Ainsi, l’énergie laser était limitée à quelques microjoules.

  Figure 35 : Tache focale mesurée et obtenue avec la parabole f/2,7 du faisceau 100TW du LULI en insérant l’EPM

dans le trajet du faisceau à bas flux.

Le profil spatial et l’énergie encerclée de la tache focale, ainsi obtenus, sont montrés dans la

Figure 35 et ont été obtenus de la même manière qu’avec le PM, en moyennant le profil spatial de

l’intensité laser en fonction du rayon par rapport au centre de la tache. En utilisant l’EMP, nous avons ainsi obtenu une tache focale de 0,9±0,1 μm de largeur à mi-hauteur (FWHM) et qui

 

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comprend 26±3 % de l’énergie laser. Cette dimension de la tache focale ne peut pas être comparée avec la formule utilisée plus haut, car cette formule n’est valable que dans l’approximation paraxiale c.à.d. pour de petits angles, ce qui n’est plus le cas avec l’EMP. La formule conduirait à une valeur de la tache d’Airy de 0,21 μm, or on se rend bien compte que l’on ne peut pas focaliser le laser en dessous de la longueur d’onde (Born and Wolf, 1980). La Figure 36 résume les résultats obtenus, soit à haut flux dans le cas d’un tir avec le PM, soit à bas flux dans le cas d’un tir direct (sans miroir plasma) et avec l’EPM.

  Figure 36 : Profil (a) et énergie encerclée (b) des taches focales obtenues dans le cas de l’EPM (bas flux), du MP

(haut flux) et sans miroir plasma (tir direct : haut flux).

L’utilisation de l’EPM permet ainsi de réduire la dimension de la tache focale d’un facteur 4,4/0,9≈4,8 soit de diminuer la surface de focalisation d’environ 24. Cependant, seuls 30 % de l’énergie laser est réfléchie sur l’EPM. En considérant également la réduction de l’énergie encerclée lorsque l’on utilise l’EPM, on obtient ainsi un facteur d’environ 8,4 pour l’augmentation de l’intensité laser sur cible. Il est clair qu’une telle augmentation de l’intensité laser par des approches classiques (augmentation de l’énergie laser ou diminution de la durée d’impulsion) demanderait un développement significatif et coûteux de l’installation laser. On a de cette manière une approche relativement simple permettant une augmentation importante de l’intensité.