véritablement Flash
610, Cyborg
611et Aquaman
612ne fait que deux heures.
Il en va de même pour Suicide Squad qui, en définitive, s’articule majoritairement autour de
Harley Quinn et de Deadshot. Employer la durée d’un film à faire exister de façon équitable les
différents membres d’une famille recomposée est la problématique principale de la production
du DC extended Universequi a délibérément choisi de prendre une autre voie que son principal
concurrent, Marvel, produisant successivement plusieurs films autour d’un seul personnage
avant de les intégrer au fur et à mesure dans des productions réunissant différentes licences,
comme ce fut le cas pour The Avengers
613, deuxième plus gros succès en salle de l’histoire des
films de superhéros depuis 1978
614. Une explication plausible quant à la démarche
d’intronisation de ces différents produits par DC Comics serait de concevoir son catalogue de
personnages comme un véritable panthéon moderne, sous-entendant de fait que chacun de ses
superhéros est de toute évidence connu du grand public sans avoir besoin de le présenter,
609 François Theurel, Suicide Squad : l’impasse du système, Le Fossoyeur de Films, YouTube, 2016. 3min44. 610 Gardner Fox et Harry Lampert, Flash Comics #1, New York, DC Comics, 1940.
611 Marv Wolfman et George Pérez, DC Comics Presents #26, New York, DC Comics, 1980. 612 Paul Norris et Mort Weisinger, More Fun Comics #73, New York, DC Comics, 1941. 613 Joss Whedon, Marvel’s The Avengers, Marvel Studios, 2012.
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rejoignant la définition des mythes en tant qu’ « histoires que tout le monde connaît déjà »
comme le souligne Michel Tournier dans Le Vent Paraclet
615. Car, héritières d’une longue
tradition mythologique, les productions DC Comics sont finalement mythogènes au même sens
où l’entend Christian Chelebourg vis-à-vis des fictions de jeunesse
.616Cette définition renvoie
à ce qu’explique François Theurel : la culture populaire, au même titre que les mythes, parle à
un large public qui s’approprie la mythologie qu’elle crée. Si Zack Snyder met une énième fois
en scène la mort des parents de Bruce Wayne en ouverture de Batman V Superman, ce n’est pas
nécessairement pour que le public soit au fait des origines du justicier qu’il connait sans doute
déjà, mais pour amener des éléments scénaristiques propres à son récit, à savoir l’épiphanie
future autour de Martha. La réécriture sert avant tout à instaurer l’élément familial comme clé
de l’œuvre.
Pour Justice League, film fédérateur de cet univers cinématographique étendu, chaque
composante de l’équipe-titre, si elle n’a pas été introduite par un film précédent, bénéficie d’une
rapide scène visant à installer son histoire personnelle, et chacune d’elles se focalise sur la
cellule familiale : le quotidien de Barry Allen est rythmé par ses visites en prison pour
s’entretenir avec un père potentiellement à l’origine d’un drame familial
617, Victor Stone est
ramené à la vie par un père à qui il a du mal à confier son mal-être de se transformer finalement
en créature synthétique à mi-chemin entre la vie et la mort
618et Arthur Curry est adopté par une
communauté de pêcheurs dont il est devenu la figure tutélaire et le protecteur
619. Dans Justice
615 Michel Tournier, Le Vent Paraclet, Paris, Gallimard, 1979. P.189.
616 Christian Chelebourg, « Du Mythe au mythogène : fictions de jeunesse et réécriture » in Riccardo Barontini et Julien Lamy, L’Histoire du concept d’imagination en France (1918-2014), Classiques Garnier, 2015. P.6: La prolifération des réécritures témoigne d’une aptitude du personnel des fictions de jeunesse à s’ériger au rang du mythe. On pourrait parler à ce propos de mythogénie, autrement dit de tendance de ces histoires non plus seulement à imiter le mythe, à en reproduire la forme, mais à le générer, à en retrouver la dynamique.
617 Zack Snyder, Justice League, Warner Bros, 2017. 17min10. 618Ibid. 19min23.
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League, chaque personnage possède une famille plus ou moins dysfonctionnelle dont il
s’émancipe pour rejoindre la Ligue des Justiciers. Dans Suicide Squad, l’équipe-titre est plus
nombreuses mais seulement certains de ses éléments sont approfondis : Harleen Quinzel, Floyd
Lawton, June Moon
620et Chato Santana
621bénéficient tous d’une backstory retraçant leurs
déboires familiaux ou les problématiques de leurs couples. Le DC Extended Universe semble
instaurer une certaine idée de la caractérisation des personnages : le passif familial semble être
le seul moyen de donner du corps à un personnage que le public rencontre pour la première fois
à l’écran, et ce procédé s’articule entièrement autour de la notion d’empathie. Des individus au
passé trouble ou inexistant, comme le Joker dans The Dark Knight ou Bane dans The Dark
Knight Rises, sont nécessairement des antagonistes dont l’objectif est d’être uniquement perçus
comme de véritables menaces, contrairement au Ra’s Al Ghul de Batman Begins dont le rôle
de mentor puis d’ennemi se fait dans une logique de basculement psychologique du héros sur
lequel se focalise le public et auquel il s’identifie. Les origines du Joker de Suicide Squad ne
sont jamais soulignées, car il ne fait pas partie de la tribu et possède un rôle d’électron libre
divinisé comme un élément chaotique apparaissant à des nœuds scénaristiques pour bouleverser
le cours du récit. Avoir une famille c’est être humain et bénéficier de l’empathie du public.
L’accueil mitigé des films de l’écurie DC s’explique essentiellement en termes de production,
étant donné que les studios Marvel jouent également la carte de la thématique familiale
surexploitée dans le fond de leurs intrigues. Plus encore, les deux univers sont pratiquement
similaires en tout point : les schémas des films sérialisés Warner Bros/DC et Marvel Studios se
retrouvent d’un univers à l’autre. Le noyau dur de la production, les longs métrages chorals
regroupant les personnages de différentes licences comme Justice League et The Avengers, sont
composés de justiciers occupant des statuts et des postes similaires au sein de leur tribu : Bruce
Wayne/Batman et Tony Stark/Iron Man sont les chefs de file ayant regroupé leurs semblables
et sont tous deux des milliardaires technologiques. Captain America et Superman, deux
surhommes symbolisant la toute puissante Amérique sont à la fois leurs amis et collaborateurs
les plus proches mais également leurs rivaux sur certains points idéologiques. Wonder Woman
et Thor sont tous deux des personnages mythologiques, une amazone et un dieu nordique,
adoptés par l’humanité qu’ils servent et protègent tout en s’adaptant à son mode de vie.
Hollywood est le champ de bataille de deux géants luttant l’un contre l’autre en proposant au
public la même recette appliquée de façons différentes. Car l’enjeu est de taille et la licence se
doit de marquer les esprits, les cultures et le temps, conformément à ce qu’en écrit Joseph
620 David Ayer, Suicide Squad, Warner Bros, 2016. 18min. 621Ibid. 1h21min31.