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4 8 ,5 8 4 8 ,6 4 8 ,6 2 4 8 ,6 4 4 8 ,6 6 4 8 ,6 8 4 8 ,7 4 8 ,7 2

Figure I.13. Concentrations larvaires (larves m-3) en trois sites de l’estuaire de Morlaix.

Echantillonnage du 30 juillet 2008 à marée haute de morte-eau.

•Site MX1 (0,7 larve par m-3), MX2 (0,5 larve par m-3) et MX3 (0,4 larve par m-3):

Echantillonnage horizontal (trait d’une minute).

MX1

MX2

MX3

CHAPITRE I

Présente depuis plus de 60 ans sur les côtes françaises, Crepidula fornicata s’est installée au sein de nombreuses baies et estuaires où son introduction s’est souvent accompagnée de prolifération locale, comme dans le cas de la baie de Cancale, de la rade de Brest ou encore de la baie de St-Brieuc. Cependant, quelques populations ont montré un succès d’installation plus mitigé. C’est notamment le cas de la population du bassin d’Arcachon (de Montaudouin et al. 2001) et de la baie de Morlaix. Nos résultats suggèrent que les processus d’exportation larvaire dans la baie de Morlaix pourraient être à l’origine d’un auto-recrutement local limité. Cela ne semble pas être le cas dans le bassin d’Arcachon où seulement 30% de la masse d’eau est renouvelée après 15 jours en fond de la baie, là où sont situées les principaux bancs de C. fornicata (Plus et al. 2006). Par ailleurs, de Montaudouin et al. (2001) ont souligné le rôle de plusieurs traits hydrosédimentaires du bassin et la présence d’herbiers de Zostera pour expliquer la faible prolifération de la crépidule.

En revanche, dans les baies où l'espèce est devenue envahissante, les processus rétentifs pourraient expliquer sa prolifération locale. Par exemple, la baie du Mont St-Michel présente une biomasse estimée à plus de 160000 tonnes de crépidules dans la partie ouest de la baie (Blanchard et Ehrhold 1999). Or, dans cette zone, le courant résiduel de marée occasionne des phénomènes de structures tourbillonnaires pérennes (notamment en baie de Cancale) qui pourraient favoriser la rétention larvaire. Ceux-ci ont été décrits comme étant à l’origine d’intenses événements de recrutement chez le polychète Sabellaria alveolata (Ayata et al. soumis). De même, la rade de Brest (10000 tonnes de C. fornicata estimées dans le fond de la rade) est une baie semi-fermée favorable à la rétention larvaire en fond de baie. Au sein de la baie de Morlaix, bien qu’un nombre suffisant de larves puisse se maintenir ou être importé, permettant la persistance des populations, l’export larvaire par la marée apparait comme un facteur potentiellement limitant pour la prolifération de la crépidule.

Notre étude montre que la variabilité de la distribution spatiale à micro-échelle des concentrations larvaires et des tailles pourrait s’expliquer par la localisation de la population émettrice et les caractéristiques hydrodynamiques de la baie. Ces deux paramètres pourraient limiter le recrutement local et freiner la prolifération de l’espèce au sein de la baie de Morlaix. Si l’importation larvaire est réellement limitée et de nouvelles introductions empêchées, l’éradication des adultes de crépidules en baie de Morlaix pourrait se traduire par la disparition durable de cette espèce.

-3,98 -3,96 -3,94 -3,92 -3,9 -3,88 -3,86 -3,84 Densité (σT) Pr ofo ndeur (m ) Densité (σT) Pr ofo ndeur (m ) Densité (σT) Densité (σ T) Pr ofo ndeur (m ) Pr ofo ndeur (m )

Figure 14. Profils de densité de l’eau de mer (σT) pour quatre sites de la baie de Morlaix le 21/08/06.

La densité a été calculée, avec les valeurs de température et de salinité obtenues au cours des échantillonnage aux trois dates, d'après l’équation d’état de l’eau de mer (Unesco 1981). Les sites 2 et 5 sont représentatifs des profils obtenus pour les sites en sortie de baie. Les sites 0 et 9 sont représentatifs des sites situés en fond de baie (voir annexe I3A-C pour les profils des dix sites aux pour les trois échantillonnages).

48,58 48,60 48,62 48,64 48,66 48,68 48,70 48,72 24,0 24,5 25,0 25,5 26,0 26,5 27,0 0 2 4 6 8 10 12 14 16

Site 0

24,0 24,5 25,0 25,5 26,0 26,5 27,0 0 5 10 15 20

Site 9

24,0 24,5 25,0 25,5 26,0 26,5 27,0 0 5 10 15 20 25 30

Site 2

24,0 24,5 25,0 25,5 26,0 26,5 27.0 0 5 10 15 20 25 30

Site 5

CHAPITRE I

L’étude présentée dans ce chapitre nous a amené à réfléchir sur les interactions larves –adultes et sur le rôle des apports larvaires dans la dynamique de la population de Crepidula fornicata de la baie de Morlaix. Plusieurs travaux peuvent être envisagés pour compléter les données déjà acquises. Une meilleure connaissance de la population adulte de la baie est nécessaire avec une estimation précise des densités et l’exploration de zones plus en amont dans l’estuaire. Sur ce dernier point, il est tout à fait envisageable que les larves de crépidules remontent également l’estuaire et rencontrent des zones de rétention leur permettant de rester à proximité des populations à fortes densités d’adultes. La figure I.13 montre en effet la présence de larves (échantillonnage ponctuel effectué le 30 juillet 2008) en trois sites (MX1-3) en amont de l’estuaire.

Des tests d’assignation génétique entre adultes, larves et juvéniles permettraient de mieux préciser la part de l’allo-recrutement et de l’auto-recrutement dans la population, les données acquises jusqu’alors en baie de Morlaix (thèse de Lise Dupont, 2004) n’ayant pas intégré la phase larvaire mais uniquement les individus sédentarisés et adultes. Ces méthodes ont en effet permis chez certaines espèces de poissons (e.g. Jones et al. 2005) de quantifier avec succès le niveau de rétention local de populations.

La distribution verticale des larves joue un rôle majeur, notamment dans les phénomènes de rétention liés aux courants de marées (Levin 1986 ; Chen et al. 1997). En effet, en fonction de leur position dans la colonne d’eau, les larves peuvent être exposées à des conditions hydrodynamiques différentes. Par exemple, l’intensité du courant peut décroitre en s’approchant du fond, voire dans certain cas, s’inverser. Ainsi, en baie de Seine, Thiébaut et al. (1992) ont montré que les larves au stade 1 du polychète Owenia fusiformis étaient localisées en surface et par conséquent transportées vers le large par les courants. A l’inverse, les larves à des stades plus âgés étaient localisées dans les eaux proches du fond dans des conditions de courant inverses à celles de surface, ce qui contribuait à leur rétention près des populations adultes. Durant les mois de juillet et août 2006, la faible, voire l’absence de stratification de la colonne d’eau, nous a amené à négliger ce paramètre (Fig. I.14 et annexes I.3A-C). Cependant, il est envisageable que la colonne soit stratifiée à d’autres saisons de l’année durant la période de présence des larves, pouvant influencer ainsi le transport larvaire et l’origine des recrues à d’autres périodes de l’année. Un effort particulier devrait être porté sur la possibilité de l'existence de tels mécanismes chez C. fornicata.

CHAPITRE II : DYNAMIQUE TEMPORELLE

DU NUAGE LARVAIRE DE CREPIDULA

CHAPITRE II

La durée de la période de reproduction, la période et l'intensité des évènements de recrutement sont des paramètres clés de la dynamique des populations d'invertébrés marins. Le plus souvent, ces paramètres sont sous le contrôle des variations de l'environnement, en particulier les variations saisonnières (Coma et al. 2000). Ainsi, par exemple, Orton (1920) proposait déjà les fluctuations de température comme facteur exogène le plus important dans la régulation de la période de reproduction annuelle des invertébrés marins. La disponibilité en nourriture a également été identifiée comme facteur environnemental crucial affectant la dynamique saisonnière des populations benthiques (e.g. Giese et Pearse 1974; Hadfield et Strathmann 1996; Coma et al. 2000). Outre son rôle sur le déroulement de la gamétogenèse chez les individus adultes (Giese et Pearse 1974), la disponibilité en nourriture pour les stades larvaires pourrait conditionner le développement et la survie des larves, ainsi que le succès du recrutement (Olson et Olson 1989). Ainsi, dans de nombreux cas, une synchronie entre l’émission des larves et le bloom phytoplanctonique, nécessaire au bon développement des larves dans la colonne d’eau, a été montrée, majoritairement durant la période printanière / estivale, souvent suivie d’événements de recrutement dans les populations benthiques (e.g. Olson et Olson 1989; Chicharo et Chicharo 2000; Chícharo et Chícharo 2001; Amend et Shanks 1999 ; Freire et al. 2006; Fisher 2006).

Cependant, la présence d’une telle adéquation entre des phénomènes se produisant dans des milieux différents et sous l'influence d'autres paramètres ne se vérifie pas toujours car des variations environnementales interannuelles ou la présence d’événements climatiques exceptionnels peuvent déstabiliser les interactions environnement-espèce. A titre d’exemple, Cushing (1975) expliquait les fortes fluctuations dans le recrutement de populations de poissons par la présence certaines années d’un décalage entre le bloom de production primaire et secondaire et les périodes de ponte, provoquant des mortalités massives chez les larves (théorie du match-mismatch). Les variations interannuelles de température peuvent également modifier la dynamique des populations benthiques. Par exemple, en mer du Nord, la rigueur de certains hivers pourrait être responsable d’importants changements dans la dynamique de l’écosystème benthique, modifiant notamment les patrons d’abondance larvaire (Pulfrich 1997) ou de recrutement de certaines espèces de bivalves (Beukema et al. 1998; Dekker et Beukema 1999).

Malgré l’importance des interactions environnement-espèce, qui lorsqu’elles échouent génèrent des dysfonctionnements dans la dynamique des populations et des communautés, de nombreux invertébrés marins ont une période de reproduction étendue sur plusieurs mois (e.g

CHAPITRE II

favorables à leur bon développement. Les fluctuations des conditions environnementales tout au long de cette période sont susceptibles de fortement influencer les traits d’histoire de vie larvaire tels que par exemple, le taux de croissance, qui varie fortement en fonction de la température (e.g. O'Connor et al. 2007), de la salinité (e.g. Zimmerman et Pechenik 1991) et de la quantité de nourriture disponible (e.g. Bos et al. 2006), ou la survie, qui dépend de la pression de prédation (e.g. Johnson et Brink 1998) et des stress environnementaux (e.g. Davenport et al. 1975). Par conséquent, le nuage larvaire est susceptible de varier dans le temps aussi bien sur le plan quantitatif (variations des concentrations) que qualitatif (qualité des larves). Ces fluctuations du nuage larvaire conditionneront ensuite la dynamique du recrutement en modulant le nombre et l’état des larves disponibles pour la population adulte (e.g. Dunstan et Bax 2007).

L’étude des patrons saisonniers est d’autant plus pertinente chez les espèces invasives que l’environnement nouvellement colonisé n’a pas forcément les mêmes caractéristiques que l’environnement d’origine de l’espèce. Un des traits caractéristiques des espèces invasives réside ainsi souvent dans leur tolérance envers des environnements a priori défavorables (Sax et Brown 2000 ; Verween et al. 2007). De plus, des changements de traits d’histoire de vie dans l’aire d’introduction ont déjà été décrits chez certaines espèces invasives aquatiques, dont des changements de la phénologie (e.g. Yan et al. 2001). En particulier, du fait du rôle fondamental joué par les larves (cas des invertébrés marins à cycle bentho-pélagique) aux différentes étapes des invasions biologiques (voir introduction générale), la caractérisation de la dynamique de production de larves au sein de l'aire d'introduction est nécessaire pour la compréhension de la dynamique d'invasion.

Depuis l'apparition de Crepidula fornicata sur les côtes européennes, ses populations ont fait l’objet d’un grand nombre de suivis annuels aussi bien concernant la dynamique temporelle de la reproduction (e.g. Chipperfield 1951 ; Richard et al. 2006), la dynamique de la population benthique (e.g. Deslou-Paoli 1985) ou la période de présence larvaire (e.g. Quiniou et Blanchard 1987 ; Thieltges et al. 2004). Dans les populations du littoral français, ces différents travaux ont montré que la reproduction débutait en fin d’hiver (mi-février / mars) pour s’achever à la mi-octobre avec un effort majeur de reproduction situé en fin de printemps et début d’été. Des suivis annuels des concentrations larvaires sur le littoral français de la Manche occidentale ont par ailleurs montré la présence de larves dans le milieu entre

mars et octobre à des concentrations larvaires élevées (de 500 larves m-3 à Brest à plus de

CHAPITRE II

l’environnement rencontré par les larves durant leur période de présence dans la colonne d’eau. Lors d’un suivi des concentrations larvaires de C. fornicata en baie du Mont Saint Michel de fin-mars à début octobre, Lasbleiz (2003) a toutefois mis en évidence la présence de larves à des températures comprises entre 10,3 et 20,3°C, des salinités de 34,5 à 35,5 et des

concentrations en chlorophylle a de 0 à 2,66 mg m-3. De plus, seulement un suivi larvaire sur

les côtes françaises (Quiniou et Blanchard 1987, deux années) a excédé une durée d’un an ce qui ne permet pas d’explorer les variabilités saisonnières interannuelles des concentrations larvaires au regard des paramètres environnementaux.

En parallèle de l’étude de la distribution spatiale des larves de Crepidula fornicata (cf. chapitre I), nous avons mis en place un suivi bimensuel des concentrations et des tailles de larves dans le but de décrire la dynamique temporelle du nuage larvaire en baie de Morlaix et de rechercher l’existence de patrons saisonniers. Ce suivi a été réalisé avec un enregistrement systématique à chaque échantillonnage larvaire de trois paramètres environnementaux (température, salinité et concentration en chlorophylle a) afin de décrire les fluctuations environnementales rencontrées par les larves. Les résultats obtenus ont été également analysés en regard de données acquises de façon concomitante sur la population benthique (ici : période de reproduction estimée par le pourcentage de femelles en ponte et détermination des périodes de recrutement) par Sabrina le Cam au cours de sa thèse, afin d'analyser la synergie entre la dynamique de la population larvaire et benthique en baie de Morlaix.

3°50'0"W 3°50'0"W 3°52'0"W 3°52'0"W 3°54'0"W 3°54'0"W 3°56'0"W 3°56'0"W 3°58'0"W 3°58'0"W 4°0'0"W 4°0'0"W 4°2'0"W 4°2'0"W 4°4'0"W 3°48'0"W 3°46'0"W 48°50'0"N 48°50'0"N 48°48'0"N 48°48'0"N 48°46'0"N 48°46'0"N 48°44'0"N 48°44'0"N 48°42'0"N 48°42'0"N 48°40'0"N 48°40'0"N 48°38'0"N 48°38'0"N 48°36'0"N 48°36'0"N 48°34'0"N 48°34'0"N 0 2 500 5 000Meters Roscoff Carantec Morlaix Estuaire de la Penzé Estuaire de Morlaix Pointe de Primel 8 Taureau N O S E

La Manche

Mètres

Zone intertidale (La limite en bleu indique le 0 des cartes marines),

Figure II.1. Localisation du point d’échantillonnage temporel par rapport aux sites de l’étude spatiale

présentée au chapitre I. Le point bleu indique la position du point Estacade de SOMLIT où ont été obtenues les données de température, de concentration en chlorophylle a et de salinité pour l’année 2005.

Point d’échantillonnage du suivi temporel

CHAPITRE II