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Mercredi 23 mai 2018

M. Olivier Paccaud. – Ou qui en sont découragés

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. – En effet, cela arrive aussi. Nous discuterons ultérieurement du mode de réponse concernant ces recours. Il faut, d’une certaine manière, vulgariser le recours pour que celui-ci soit une forme d’appel, d’autant qu’il est de nature à favoriser le dialogue en ouvrant la porte à un débat contradictoire au sein de la CRPA. Cela pourrait ainsi faciliter l’approfondissement et l’unification de la doctrine en matière de protection du patrimoine.

Je rappelle en effet que le recours formé par le maire auprès du préfet à l’encontre de la décision de l’ABF s’accompagne d’un passage devant la CRPA, au cours duquel le maire a la possibilité de mettre en avant des arguments économiques ou sociaux que l’ABF n’avait pas eu à connaître auparavant. Évidemment, la vulgarisation du recours ne peut intervenir que par voie réglementaire : si j’évoque ce point devant vous aujourd’hui, c’est pour faire savoir que nous jugeons ce dernier important.

Plus largement, des attentes fortes se font sentir pour que les ABF disposent d’instructions plus précises permettant d’homogénéiser leurs pratiques sur tout le territoire et de garantir une continuité des avis. C’est d’autant plus vrai en matière d’abords de monuments historiques, dont la protection, de dimension nationale, du fait de la présence d’un monument historique, appelle l’application de règles claires et identiques. Aujourd'hui, pour chaque modification, le plan local d’urbanisme doit être révisé. Progressivement, les abords seront portés par des règles qui feront l’objet d’une enquête publique. L’élaboration d’une instruction générale de méthodologie, ainsi que la mise en œuvre d’un référentiel d’harmonisation des avis, serait une bonne chose. Une nouvelle fois, de tels outils relèvent du pouvoir réglementaire. Appelons donc le ministère chargé de la culture à agir en ce sens.

Au final, il me semblait utile de parvenir à un consensus, sans rien lâcher sur la protection du patrimoine. L’amendement que je propose répond, me semble-t-il, aux situations évoquées par certains d’entre vous, qui ont connu des expériences négatives avec les ABF. La nouvelle génération des ABF me paraît beaucoup plus ouverte et moins arrogante.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. – Votre exposé est utile, monsieur le rapporteur pour avis, en ce qu’il rappelle les enjeux que j’avais évoqués devant vous dès la semaine dernière. Il était important de dialoguer avec nos collègues auteurs et rapporteurs de cette proposition de loi au sein des autres commissions et d’agir.

Mme Marie-Pierre Monier. – Globalement, nous sommes d’accord avec ce que vous proposez, monsieur le rapporteur pour avis. Nous avons aussi travaillé en amont de cette réunion et l’article 7 nous inquiète beaucoup en ce qu’il remet en cause le travail réalisé dans le cadre de la loi LCAP. Nous avons eu la volonté d’associer tous les acteurs et de mener une concertation jusqu’au niveau local. Il ne saurait être question de revenir sur l’équilibre auquel nous sommes parvenus. La protection du patrimoine est très importante.

L’une des pierres d’achoppement est la nature de l’avis de l’ABF. Comme vous l’avez souligné, il faut que l’avis soit conforme. Après le passage à l’avis simple dans les sites inscrits, dans les années quatre-vingt, ceux-ci ont été irrémédiablement dégradés. Si nous sommes soucieux de ne pas bloquer les procédures de rénovation des centres anciens délabrés par des procédures longues et des dialogues stériles entre les élus et l’ABF, il nous paraît essentiel que l’avis conforme de l’ABF reste la norme lors de la mise en œuvre des périmètres des opérations OSER, afin de ne pas mettre en péril le patrimoine protégé. En effet, c’est par

la protection et la mise en valeur du patrimoine que nous pourrons revitaliser nos centres-bourgs, et non pas par une remise en cause systématique.

En outre, nous sommes contre la mise en place de dérogations aux dispositions s’appliquant aux abords de monuments historiques et aux sites patrimoniaux remarquables.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. – Tout à fait.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. – Très bien.

Mme Marie-Pierre Monier. – Pour en revenir à l’avis simple, le délai de cinq jours qui lui est octroyé nous semble totalement déraisonnable.

Enfin, nous craignons qu’une directive nationale ne tienne pas suffisamment compte de la spécificité des territoires, alors que l’élaboration des SPR constitue un travail de terrain, en concertation avec les acteurs locaux et au travers d’une enquête publique.

Enfin, nous aimerions modifier le délai d’un mois qui a été retenu et réfléchissons à l’idée de déposer un amendement en ce sens.

Mme Sonia de la Provôté. – Je vous remercie, monsieur le rapporteur pour avis, d’avoir obtenu cet accord, qui concilie les enjeux de revitalisation d’un centre-bourg ou d’un centre-ville dans une situation désespérée, de préservation du patrimoine et d’autres considérations qui n’ont pas été évoquées, telles que le respect des normes environnementales. Ayant participé au groupe de travail, je souhaite revenir sur le fait que les 31 articles que comprend cette proposition de loi constituent des outils pour les élus locaux et qu’aucun territoire n’est oublié : les mesures proposées sont de nature à accompagner les maires pour pouvoir avancer.

La rédaction proposée me convient. Il y aura de moins en moins d’ABF rigides et acariâtres ; le dialogue s’instaure de plus en plus. Nous devons nous arcbouter sur l’avis conforme, non pas parce que nous sommes des défenseurs rigides du patrimoine, mais que celui-ci permet de protéger le maire : on ne saurait accepter une grande surface à la place d’une belle maison à colombages dans un ensemble urbain cohérent et d’intérêt patrimonial, sauf à détruire alors tout le centre-ville. On ne peut faire revenir les habitants qu’en leur offrant une qualité de vie.

Pour ma part, j’estime que le terme de « normes » n’est pas adapté.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis. – Je vous propose de le supprimer.

Mme Sonia de la Provôté. – Dans le cas contraire, je vous suggère de modifier les termes ainsi : « Ils visent à rendre conciliables les contraintes imposées dans ces périmètres aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et aux opérateurs avec la réalisation de leurs projets de revitalisation du centre-ville ou du centre-bourg. ». Il s’agit en réalité de contraintes et non pas de normes. Il importe stratégiquement de pouvoir développer et revitaliser le centre-ville et le centre-bourg.

M. Alain Schmitz. – Je tiens à souligner l’émoi suscité par l’article 7 au sein des associations de défense du patrimoine, d’autant que cette proposition de loi émane du Sénat –

Jean-Pierre Leleux a parlé d’une constante dans la position des ABF, mais le Sénat, lui, a toujours été le défenseur par excellence du patrimoine. Or ces associations ont l’impression que tous les acquis sont remis en cause, notamment le travail considérable réalisé par le Sénat dans le cadre de la loi LCAP. Quinze associations nationales ont aussitôt manifesté leurs inquiétudes.

L’article 7 est en quelque sorte une mesure de défiance à l’égard des ABF. La suppression de l’avis conforme en un avis simple impliquait une remise en cause du bien-fondé du jugement porté par les ABF. Pour ma part, je me suis efforcé pendant de très nombreuses années de travailler en amont avec les ABF ; c’est le gage de la réussite.

D’ailleurs, en cas de recours, l’avis négatif de l’ABF est de nature à renouer le dialogue, ce qui permet souvent d’aboutir finalement à un accord. Comme l’a évoqué Jean-Pierre Leleux et comme l’a souligné l’Association nationale des ABF, seul 0,01 % de décisions font l’objet d’un recours, et, dans 80 % des cas, la décision de l’ABF est confirmée. L’ABF est donc fondamental. Aussi, je remercie Jean-Pierre Leleux d’être parvenu à un accord en si peu de temps, ce qui évite toutes ces incompréhensions.

Je souscris aux propos de M. Leleux d’aller dans le sens d’une homogénéisation des pratiques des ABF et d’une continuité des avis. Les opérations OSER allaient totalement à l’encontre des traditionnels plans de sauvegarde de mise en valeur et des sites patrimoniaux remarquables. Rappelons-nous que le but de la loi Malraux était d’empêcher la démolition pure et simple des « îlots insalubres » à une époque où l’on cherchait à avoir les coudées franches pour revitaliser les centres anciens dégradés. Nous le savons très bien, la revitalisation passe par une requalification patrimoniale de ces centres anciens, vecteurs de développement économique et touristique. Tout cela ne peut bien entendu se faire qu’avec l’accord des ABF.

M. Claude Malhuret. – Je tiens tout d’abord à féliciter Jean-Pierre Leleux d’avoir pris cette initiative. Si, comme l’a relevé Alain Schmitz, l’article 7 a suscité des réactions au sein des associations de patrimoine, il suscite depuis quinze jours une émotion considérable au sein de notre commission et, plus généralement, au sein du Sénat. Il est donc louable d’avoir essayé de régler ce problème par un compromis.

Ce compromis est difficile parce que le sujet est très délicat. La zone de contact entre le maire et l’ABF est souvent une zone de conflit : on a tous connu des maires destructeurs et des ABF butés ! Il est donc difficile de penser que, au moyen d’une loi, on va régler les problèmes ; il y aura toujours des contentieux, des oppositions de personnes, mais notre rôle est d’essayer de parvenir au fine tuning, à la nuance la plus juste possible pour éviter tout contentieux.

Le diable se niche souvent dans les détails. Aussi, je poserai quatre questions.

Premièrement, ce compromis oral est-il solide, notamment si l’on veut supprimer une nouvelle phrase du texte de l’article 7 ? Si nous n’arrivons pas à un nouveau compromis, je ne suis pas sûr que nos collègues suivent la position de notre commission en séance publique.

Deuxièmement, le mot « directive » a certes été supprimé, mais la rédaction « les ministres chargés de l’urbanisme et du patrimoine fixent les objectifs et les orientations » est maintenue. Ce faisant, ils peuvent fort bien décider de les fixer au moyen d’une directive. Dès lors, on se retrouverait dans la situation initiale. N’y a-t-il pas là une faille ?

Troisièmement, est-on absolument certain que l’avis conforme est maintenu avec la rédaction proposée ? Le texte initial prévoyait, au paragraphe III, que l’autorisation de travaux était conforme aux prescriptions et recommandations, alors que ces termes n’apparaissent plus dans les deux autres versions. L’avis conforme est-il mentionné ailleurs, sans qu’il soit besoin d’y faire référence ici ? Ou y a-t-il là encore une faille ?

Quatrièmement enfin, M. Leleux a relevé que le délai d’un mois pour émettre des prescriptions et recommandations et l’avis donné réputé en l’absence de réponse dans les cinq jours étaient invraisemblables. Or je ne suis pas sûr que les auteurs de cette proposition de loi aient compris que ce délai risque d’être contreproductif. Quand le délai est trop court, on ouvre le parapluie : l’ABF opposera un refus, faute de temps.

M. Pierre Ouzoulias. – Je souscris totalement aux propos de notre collègue Alain