Chapitre 3. Pression agricole et sélection des pesticides d’intérêt
3. Occurrence des pesticides dans les eaux souterraines du couloir de Meyzieu
Meyzieu
3.1. Etat des lieux de la qualité des eaux souterraines (ESO)
Une exportation de la base de données ADES (Administration des Données sur les Eaux Souterraines)
a été réalisée en novembre 2012 pour 12 qualitomètres situés dans le couloir de Meyzieu, ce qui
représente globalement des données échelonnées entre 1997 et 2012.
Figure 3.1 Fréquence de quantification des molécules (domaine de validité) dans la nappe fluvio-glaciaire du couloir de Meyzieu. Source : exportation des données ADES, novembre 2012.
Une première analyse des données englobe toutes les molécules quantifiées dans les ESO (>seuil de
quantification) (Annexe- Table A.5). Sur l’ensemble des 12 qualitomètres, les herbicides atrazine
(interdite d’utilisation depuis 2003) (et son métabolite atrazine déséthyl), bromacil (interdite
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d’utilisation depuis 2003), dinoterbe (interdite d’utilisation en 1997) et bentazone sont les pesticides
les plus fréquemment quantifiés dans les ESO (Figure 3.1). D’autres herbicides, des
chloroacétanilides, le métazachlore et le métolachlore ont été quantifiés ainsi que la prométryne, un
insecticide, mais à des fréquences beaucoup plus faibles (respectivement de 4.7 et 4.0). Le glyphosate,
herbicide non-sélectif, n’a été quantifié qu’une seule fois, tout comme les autres molécules visibles sur
le graphe (Figure 3.1). Les molécules les plus quantifiées sont donc principalement des herbicides
retirés du marché avant 2004. Cependant, n’étant plus appliqués aujourd’hui, le choix de ces
molécules est peu pertinent dans un objectif de mise en place de mesures de gestion.
Une seconde analyse des données issues d’ADES a été menée en ne retenant que les molécules
appliquées en 2010 sur les couloirs de l’Est lyonnais dont la liste précédemment décrite (dans le § 2) a
été enrichie par une liste de molécules appliquées sur la plate-forme expérimentale d’Arvalis (Arvalis,
2011). Ce site expérimental est situé en très proche périphérie du couloir de Meyzieu, dans sa partie
Sud. Il présente les mêmes caractéristiques pédologiques, géologiques et climatiques que sur
l’ensemble du couloir (Annexe Figure A.15). Des dispositifs sont installés sur plusieurs parcelles afin
d’évaluer les risques de transfert de nitrates et de produits phytosanitaires vers les eaux souterraines.
L’analyse des données exportées d’ADES a été élargie à toutes les molécules retrouvées dans les eaux
souterraines, c’est-à-dire celles dont les concentrations sont supérieures à la limite de détection. Les
molécules dont les concentrations sont inférieures au seuil de quantification sont détectées dans les
échantillons d’eau mais à des concentrations inférieures à la concentration à partir de laquelle le
laboratoire s’engage sur la fiabilité de la concentration annoncée. Néanmoins, leur présence dans les
eaux souterraines indique l’existence d’un transfert dans la zone non saturée.
Un grand nombre de molécules appliquées sur le couloir de Meyzieu a été détecté dans la nappe
fluvio-glaciaire (Table 3.2). Au total, 73 substances ont été retrouvées dans les eaux souterraines.
Parmi les substances les plus détectées (entre 145 et 133 fois) sont retrouvées entre autres des
herbicides de la famille des urées substituées (chlortoluron, isoproturon), des chloroacétanilides
(acétochlore, métazachlore, métolachlore), des diazines (bentazone) et triazines (métribuzine), des
fongicides azoles (époxiconazole et tébuconazole) et un insecticide pyréthrinoïde (deltaméthrine). Le
métolachlore figure dans cette analyse. Rappelons que le rac-métolachlore (mélange racémique des
énantiomères R et S) a été retiré du marché en 2003. Il a été remplacé par le S-métolachlore (80 à 100
% d’énantiomère S) suite à son interdiction d’usage. Le S-métolachlore supplémente aussi l’atrazine,
retiré du marché en France depuis 2003. Les analyses classiques dans les eaux souterraines ne
permettent pas de faire la distinction entre le rac-métolachlore et le S-métolachlore. La séparation
énantiomérique requiert une méthode analytique complexe avec notamment l’utilisation d’une colonne
chirale (Klein et al., 2006). A cette liste non-exhaustive s’ajoutent le glyphosate et son métabolite
majeur l’AMPA.
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La majorité des substances retrouvées sont des herbicides, utilisés notamment sur céréales (Annexe-
Table A.6). Cependant, la contamination des eaux souterraines reste faible avec peu de substances
quantifiées (domaine de validité). Les plus quantifiées sont des substances qui ont été retirées du
marché avant 2004. La contamination des eaux souterraines par ces substances résultent donc
d’applications antérieures à 2004. Les substances aujourd’hui appliquées sur les cultures agricoles ne
sont pas quantifiées ou que rarement dans les eaux souterraines, exception faite de la bentazone et du
métolachlore.
Le devenir des substances appliquées actuellement en surface est mal connu dans cette zone d’étude.
L’occurrence actuelle dans les pratiques agricoles constitue ainsi un premier sous-critère de choix pour
les substances d’intérêt à retenir.
Table 3.2 Substances appliquées sur le couloir de Meyzieu en 2010 et retrouvées dans les eaux souterraines (ESO) dont les concentrations sont dans le domaine de validité (DV) (> limite de quantification) ou inférieures à la limite de quantification mais supérieures à la limite de détection (LD). Sources : diagnostic agricole de l’Est lyonnais (Conseil Général du Rhône, 2011) et base de données ADES exportée en novembre 2012.
3.2. Contamination mixte entre les pesticides et leurs métabolites
Par des processus biotiques ou abiotiques, les pesticides peuvent être dégradés au cours de leur
transfert dans la zone non saturée (Chapitre 1, §3.1.). Actuellement, les eaux souterraines sont
surveillées régulièrement pour un large nombre de pesticides aux Etats-Unis et en Europe. Cependant,
les métabolites des pesticides sont peu recherchés dans les eaux souterraines et d’importantes lacunes
Nombre de fois retrouvées dans les ESO du couloir de Meyzieu (12 qualitomètres)
entre 145 et 133 entre 74 et 64 entre 48 et 21 entre 16 et 7
Aclonifène 2,4-D Metconazole fosetyl-aluminium
AMPA 2,4-MCPA Fluroxypyr Mesosulfuron methyle
Bifénox Bifenthrine Azoxystrobine Abamectin
Chlortoluron Bromoxynil Cloquintocet-mexyl Tefluthrine
Diflufenicanil Chlorothalonil Diclofop méthyl Boscalid
Epoxiconazole Clomazone fenoxaprop-ethyl Florasulam
Fenpropimorphe Cyperméthrine Krésoxym-méthyl Mécoprop-P
Flurtamone Cyproconazole Metsulfuron méthyle Méfenpyr diethyl
Isoproturon Cyprodinil Chlorthal Mésotrione
Métribuzine Dicamba Fludioxonil Métaldéhyde
Napropamide Difénoconazole Benoxacor Metrafenone
Pendiméthaline Imidaclopride Betacyfluthrine Picoxystrobine
Propyzamide Ioxynil Dimétachlore Prosulfuron
Prosulfocarbe Iprodione Iodosulfuron
Tébuconazole Isoxaben Pyraclostrobine
Acétochlore Isoxaflutole
Glyphosate (1 dans DV) Nicosulfuron Deltaméthrine (1 dans DV) Pencycuron Métazachlore (4 dans DV) Prochloraze Métolachlore (7 dans DV) Sulcotrione Bentazone (40 dans DV) Fluvalinate-tau
Lambda-cyhalothrine Clopyralide
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sur leur mobilité dans l’environnement persistent (Postigo and Barcelo 2015). Leur contamination est
pourtant avérée dans les eaux souterraines aux Etats-Unis et en Europe (Postigo and Barcelo 2015 ;
Reemtsma et al. 2013 ; Amalric et al. 2013 ; Kolpin et al. 2004). Des études européennes ont montré
que les métabolites les plus abondants sont dérivés des herbicides chloroacétanilides acétochlore,
alachlore et métolachlore, des herbicides s-triazines atrazine et terbutylazine et des herbicides
chloridazon et dichlobenil (Köck-Schulmeyer et al. 2014 ; Amalric et al. 2013 ; Reemtsma et al.
2013 ; Loos et al. 2010). Les métabolites issus de pesticides interdits d’utilisation sont retrouvés dans
les eaux souterraines. C’est le cas de la déséthyl-atrazine, métabolite de l’atrazine interdit depuis 2004
en Europe, retrouvé dans les eaux souterraines du couloir de Meyzieu (Figure 1.8), et plus largement
en Europe à des concentrations pouvant dépasser 0.1 µg L
-1(Loos et al. 2010). Ces observations
suggèrent l’existence d’un potentiel de stockage des aquifères et/ou des transferts lents dans la zone
non saturée. L’hypothèse de l’existence d’un temps de transfert très long est d’autant plus justifiée que
la zone non saturée dans le couloir de Meyzieu est profonde, dans un contexte d’aquifère
non-karstique.
Les métabolites des pesticides sont parfois dosés à des concentrations supérieures à celles de leur
molécule parent. Cela a été reporté pour les herbicides chloroacétanilides alachlore, acétochlore et
métolachlore et leurs métabolites acide sulfonique éthane (ESA) et acide oxanilique (OXA) et pour le
glyphosate et son métabolite l’AMPA (Van Stempvoort et al. 2014 ; Amalric et al. 2013 ; Kolpin et al.
2004). Dans le couloir de Meyzieu, l’AMPA a été détecté dans les eaux souterraines au même titre que
le glyphosate, sa molécule mère (Table 3.2). La présence des métabolites ESA et OXA du
métolachlore, quantifié dans les eaux souterraines du couloir de Meyzieu (Figure 3.1), n’est pas
renseignée sur ADES au démarrage de l’étude en 2012 car ces molécules n’étaient pas recherché en
routine. Depuis le nouvel arrêté du 7 août 2015, ces deux métabolites sont désormais inscrits dans le
programme de surveillance des eaux souterraines. Une étude récente a mis en évidence une
contamination mixte du métolachlore et de ses métabolites ESA-métolachlore et OXA-métolachlore
dans la nappe de l’aquifère alluvial de la plaine de l’Ain, secteur voisin de l’Est lyonnais (Baran and
Gourcy 2013). Le métabolite ESA-métolachlore est quantifié à des concentrations supérieures à celles
du métolachlore.
Les données exportées depuis la base de données ADES ne renseignent donc que partiellement sur la
présence des métabolites dans les eaux souterraines du couloir de Meyzieu, tous les métabolites
n’étant pas recherchés dans les campagnes de suivi. Cependant, les études menées à plus grande
échelle (nationale et internationale) montrent clairement que l’évaluation de la qualité des eaux
souterraines peut être biaisée et la présence de polluants organiques sous-estimée si les métabolites des
pesticides ne sont pas recherchés en parallèle des molécules mères. L’évaluation du risque de transfert
vers les ESO doit s’attacher non seulement à la molécule mère mais doit aussi prendre en compte le
devenir des métabolites. Il paraît donc important de considérer et caractériser le comportement des
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pesticides et de leurs métabolites dans les études environnementales, et plus particulièrement dans le
cadre de cette thèse.
3.3. Choix des molécules d’intérêt
A partir des données disponibles sur les pesticides appliqués dans le couloir de Meyzieu et sur les
pesticides et métabolites retrouvés dans les eaux souterraines, quatorze pesticides ont été sélectionnés
pour leur intérêt environnemental et leur possibilité d’analyses au BRGM (Table 3.3). Les pesticides
retenus sont principalement des herbicides (2,4-D, dicamba, glyphosate, diquat, bentazone,
S-métolachlore, nicosulfuron, mésosulfuron, metsulfuron-méthyl, mésotrione et sulcotrione) ainsi que
trois fongicides, le boscalid, le tébuconazole et l’époxiconazole. Les insecticides ont été écartés de la
sélection, car leurs usages sont très variables d’une année sur l’autre alors que les herbicides sont
utilisés plus systématiquement.
Une première approche bibliographique sur le potentiel transfert des quatorze pesticides vers les eaux
souterraines a été menée à partir de i) leurs principales propriétés physico-chimiques comme la
solubilité dans l’eau, le coefficient de partage octanol/eau (logK
ow), la constante de dissociation dans
l’eau (pKa) et la constante de Henry (Annexe- Table A.7) et ii) des données disponibles sur
l’adsorption et la dégradation dans les sols (Annexe- Table A.8). L’objectif de cette approche
bibliographique est de sélectionner des pesticides présentant des comportements contrastés dans les
sols afin de travailler sur une gamme large de mécanismes impliqués dans la mobilité des pesticides
vers les eaux souterraines.
Table 3.3 Pesticides d’intérêts pré-sélectionnés pour l’étude expérimentale du transfert dans la zone non saturée avec en gras les substances quantifiées au moins une fois dans les eaux souterraines du couloir de Meyzieu