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Chapitre   3.   Pression   agricole   et   sélection   des   pesticides   d’intérêt

4.1.   Adsorption du glyphosate et de l’AMPA

Le glyphosate est considéré comme peu mobile du fait de ses coefficients d’adsorption élevés dans les

sols (Borggaard and Gimsing 2008 ; Vereecken 2005; Cheah et al. 1997). Néanmoins, les analyses

dans les eaux de drainage (Norgaard et al. 2014 ; Kjaer et al. 2011; Candela et al. 2010) ou dans des

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percolats de colonnes expérimentales (Landry et al. 2005 ; Dousset et al. 2004) mettent en avant le

transfert possible du glyphosate et de l’AMPA à travers le sol et par conséquent le risque de

contamination des eaux souterraines. En France, la compilation des données eaux souterraines de la

base ADES pour les dernières années montre que sur environ 10 000 analyses produites chaque année,

environ 0.5 à 1% des analyses révèle des teneurs en glyphosate supérieures à 0.1 µg/L, cette fréquence

étant généralement plus élevée pour son métabolite majeur l’AMPA. Si ce chiffre peut paraître faible

au premier abord, la cartographie de ces dépassements montre une répartition nationale qui concerne

l’ensemble du territoire, dans des aquifères de lithologies variées, et aussi bien pour le glyphosate que

pour l’AMPA. La mobilité du glyphosate dans les sols est gouvernée par la composition

minéralogique des sols, et notamment par la présence d’oxydes de fer et d’aluminium (Morillo et al.

2000 ; Gerritse et al. 1996 ; Piccolo et al. 1994). L’adsorption du glyphosate sur les oxydes entre en

compétition avec l’adsorption du phosphate, qui prend la place du glyphosate sur les sites d’adsorption

à la surface des oxydes (Gimsing and Borggaard 2007, 2002 ; Gimsing et al. 2004 ; de Jonge et al.

2001). Le facteur majeur qui gouverne l’adsorption du glyphosate reste cependant le pH car il

détermine le nombre de charges portées à la fois par la molécule et par la surface des oxydes

(Wauchope et al. 2002).

Le glyphosate est une molécule zwiterrionique qui possède 4 constantes de dissociation, pKa1 = 0.8;

pKa2 = 2.23; pKa3 = 5.46; pKa4 = 10.14 (Tomlin 1997), liées aux groupements fonctionnels

carboxylate, phosphonate et amine portées par la molécule (Figure 3.2). Avec l’augmentation du pH,

ces groupements se déprotonent conférant à la molécule une charge globale de plus en plus négative.

Le pH contrôle la charge de surface portée par les oxydes de fer qui interagissent avec le glyphosate et

l’AMPA (Barja and Afonso 2005 ; Sheals et al. 2002), et plus globalement la charge des minéraux

chargés dans le sol. Cette charge est liée à la présence de groupements hydroxyles à leur surface. La

charge de ces groupements hydroxyles est susceptible de varier en fonction de leur degré de

protonation. Ainsi les groupements hydroxyles protonés sont chargés positivement tandis que les

groupements hydroxyles déprotonés sont chargés négativement. La constante d’équilibre des réactions

de protonation des groupements hydroxyles varie suivant la nature du minéral. Pour chaque minéral, il

est ainsi possible de déterminer une valeur de pH pour laquelle la charge de surface est nulle car la

concentration en groupement hydroxyle protoné, chargé positivement, est égale à celle en groupement

hydroxyle déprotoné, chargé négativement. Cette valeur de pH est appelé point de charge nulle

(« point of zero charge », pH

PZC

). Lorsque le pH de la solution est inférieur au pH

PZC

, la charge de

surface du minéral est positive. A l’inverse, une charge de surface négative est obtenue lorsque le pH

de la solution est supérieur au pH

PZC

. Des exemples de minéraux chargés sont présentés dans la Figure

3.3 avec pour la goethite (oxyde de fer), la ferrihydrite (hydroxydes de fer) et la gibbsite (hydroxyde

d’aluminium) une charge nette de surface chargée positivement. Le terme « oxyde » sera utilisé par la

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oxyhydroxydes, ainsi que proposé par Cornell and Schwertmann (2003). Cependant, avec

l’augmentation du pH, les oxydes sont de moins en moins chargés positivement, en cause la

déprotonation des groupements hydroxyles et donc l’apparition de charges négatives. Par conséquent,

l’apparition de charges négatives à la surface des oxydes couplée avec l’augmentation des charges

négatives sur la molécule de glyphosate résulte d’une diminution de l’adsorption de la molécule (de

Jonge and de Jonge 1999 ; McConnell and Hossner 1985). Le glyphosate semble pouvoir s’adsorber

également sur les substances humiques (Albers et al. 2009) mais leur rôle dans son adsorption sur les

sols est encore mal compris. D’autres études ont montré la capacité du glyphosate à s’adsorber sur des

minéraux argileux (Pessagno et al. 2008 ; Damonte et al. 2007 ; Dion et al. 2001 ; Glass 1987 ;

McConnell and Hossner 1985). Mais l’affinité du glyphosate pour les oxydes de fer (goethite) serait

bien plus élevée que pour la kaolinite, l’illite ou la montmorillonite à pH neutre (Pessagno et al. 2008 ;

dos Santos Afonso et al. 2003 ; Gimsing and Borggaard 2002).

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Les minéraux argileux présentent des groupements hydroxyles sur les bords des feuillets qui peuvent

se protoner et donc avoir une charge qui évolue en fonction du pH. Ces charges contrôlent le pH

pzc

des

argiles qui, pour des valeurs de pH environnementaux, sont négativement chargées (Figure 3.3).

Figure 3.3 Variation de la charge nette de surface de certains minéraux

La molécule d’AMPA est aussi chargée aux pH environnementaux et son état de ionisation est

contrôlée par 3 constantes de dissociation : pKa

1

=1.8; pKa

2

=5.4; pKa

3

=10.0 (Chen et al. 2009), liées

aux groupements fonctionnels phosphonate et amine portées par la molécule (Figure 3.4). Dans les

sols, l’adsorption de l’AMPA est principalement reportée à la surface d’oxyde de fer (Rampazzo et al.

2013 ; Gerritse et al. 1996) et d’aluminium (Baez et al. 2015) par le même mécanisme d’adsorption

que le glyphosate, c’est-à-dire par le biais du groupement fonctionnel phosphonate (Barja and Afonso

2005 ; Sheals et al. 2002). Toutefois, les interactions entre l’AMPA et les composants des sols sont

encore mal renseignées dû au faible nombre d’études disponibles (Baez et al. 2015 ; Rampazzo et

al. 2013 ; Gerritse et al. 1996).

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4.2. Adsorption du S-métolachlore et de ses métabolites

La présence du métolachlore dans les eaux souterraines en Europe a été démontrée, notamment, dans

une étude portant sur les eaux souterraines de 23 pays, analysées au regard de leur contamination en

polluants organiques (Loos et al. 2010). Le métolachlore a été détecté dans 20% des échantillons

analysés (n=164), ce qui atteste de la mobilité de la molécule dans le sol et dans la zone non saturée.

En France métropolitaine, les résultats de la campagne exceptionnelle de 2012 font état d’une

quantification du métolachlore dans les eaux souterraines à une fréquence de 2.8% sur l’ensemble des

498 points d’études répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain (Lopez et al. 2015 ; Lopez and

Laurent 2013). Le métolachlore occupe ainsi le classement des 12 molécules les plus fréquemment

quantifiées dans les eaux souterraines en France. Au cours d’une « campagne photographique » de la

contamination des nappes souterraines par les pesticides réalisée au cours de l’année 2013 sur

l’ensemble des bassins Rhône-Méditerranée et Corse (571 stations), le métolachlore a été quantifié

dans environ 4% des cas avec parfois des concentrations dépassant la norme de potabilité des eaux

(0.1 µg/L) autour de 1.5% (AERMC, 2014).

L’adsorption du S-métolachlore est peu décrite (Alletto et al. 2013; Baran and Gourcy 2013; Bedmar

et al. 2011) car la majorité des études publiées concernent le rac-métolachlore. Cependant, leur

rétention dans les sols est considérée comme similaire dès lors qu’aucune différence d’adsorption

(valeurs de K

d

) n’a été trouvée entre le S-métolachlore et le métolachlore pour 5 sols testés (Shaner et

al 2006). L’adsorption du métolachlore dans les sols serait positivement corrélée aux teneurs en

matière organique et en argile (Alleto et al. 2013 ; Baran and Gourcy, 2013 ; Bedmar et al. 2011 ;

Weber et al. 2003). Par conséquent, les solides de la zone non saturée, pauvres en matière organique,

devraient être peu réactifs vis-à-vis de l’adsorption du S-métolachlore et donc favoriser son transfert

vers les eaux souterraines. C’est ainsi que des faibles coefficients d’adsorption du S-métolachlore

(<0.08 mg(

1-1/n

) L

1/n

kg

-1

) ont été calculés expérimentalement par des isothermes d’adsorption sur trois

solides d’une zone non saturée fluvio-glaciaires riches en calcite (>75%) et pauvres en carbone

organique (0.41%) (Baran and Gourcy, 2013).

Outre la nécessité de comprendre les processus de transport et de rétention du S-métolachlore dans la

zone non saturée, l’enjeu porte aussi sur ses métabolites ESA-métolachlore et OXA-métolachlore qui

sont souvent dosés dans les eaux souterraines à des concentrations supérieures (Baran and Gourcy,

2013 ; Kolpin et al. 2004) à celle de la molécule mère. Ces métabolites semblent être plus mobiles de

par les très faibles coefficients d’adsorption déterminés par des isothermes d’adsorption en batch dans

les sols et dans les solides de la zone non saturée (valeurs de K

f

values entre 0.47 et 1.11, et entre 0.55

et 1.23 mg

(1-1/n)

L

1/n

kg

-1

pour le MESA le MOXA respectivement) (Baran and Gourcy, 2013; Krutz et

al. 2004). A notre connaissance ces études sont les deux seules disponibles qui décrivent l’adsorption

du MESA et du MOXA. Les paramètres clés gouvernant leur adsorption demeurent mal connus.

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Figure 3.5 Structure chimique du métolachlore, de l’ESA-métolachlore (ESA) et de l’OXA-métolachlore (OA)

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Partie B - Prélèvement et caractérisation des solides de la zone

non saturée du couloir de Meyzieu

La première étape de ce travail a consisté à prélever et caractériser les sols et les solides géologiques

de la zone non saturée du couloir de Meyzieu. L’échantillonnage des sols a été réalisé dans des

parcelles agricoles sur l’ensemble du couloir de Meyzieu. Le prélèvement des solides géologiques a

été effectué dans une carrière en activité, au Sud du couloir de Meyzieu. Après avoir identifié les

différents lithofaciès de la zone non saturée décrits préalablement (Goutaland et al. 2013), les solides

des deux lithofaciès principaux (Gcm,b et S-x) ont été prélevés sur un front de taille accessible dans la

carrière. Cette étape de prélèvement des sols et des solides géologiques est décrite dans le Chapitre 4.

La caractérisation des échantillons collectés intègre des mesures agronomiques classiquement réalisées

sur la fraction fine des sols ; et elle est effectuée dans notre étude à la fois pour les sols et pour les

solides fluvio-glaciaires. Les propriétés physico-chimiques des sols et des solides fluvio-glaciaires

issues de ces mesures sont présentées dans le Chapitre 4. Néanmoins, cette caractérisation apparaît

incomplète pour le cas des solides fluvio-glaciaires et une étude approfondie des phases minérales et

de leur distribution a été effectuée par l’utilisation de différentes techniques de caractérisation des

solides (Chapitre 5). Des analyses minéralogiques par diffraction de rayons X, des mesures de surface

spécifique et de porosité, ainsi que des observations à la loupe binoculaire et au microscope

électronique à balayage ont ainsi été menées afin de fournir une caractérisation des solides

fluvio-glaciaires la plus détaillée possible.

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