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Chapitre   1.   Concepts   sur   le   transport   de   pesticides   dans   la   zone   non   saturée

3.   Interactions   modifiant   et/ou   limitant   le   transfert   des   pesticides

La caractérisation du comportement hydrodynamique est primordiale pour étudier le transfert de

pesticides dans la zone non saturée car l’eau est le vecteur principal du transport. Les processus

advectifs et dispersifs sont seuls responsables du transfert dans le cas de solutés inertes vis-à-vis des

phases solides (cf §2). Néanmoins, la plupart des molécules organiques interagissent avec les matrices

solides et ou les micro-organismes. Ces processus sont à l’origine de modifications et/ou de limitations

du flux de pesticides vers les eaux souterraines.

3.1. Dégradation

La dégradation est fondamentale dans les processus d’atténuation des pesticides dans les sols (Guo et

al. 2000). Elle peut conduire à l’élimination d’un groupe fonctionnel dans la molécule et produire des

métabolites ou conduire à une dégradation complète du pesticide appelée minéralisation.

Le taux de biodégradation dépend d’une variété de paramètres microbiologiques, physico-chimiques

des sols et des propriétés des pesticides (Topp et al., 1997 ; Rao et al. 1983). Des voies de

transformations biotiques et abiotiques interviennent dans la dégradation.

Le taux de dégradation varie généralement au cours du temps : une première phase lente suit

directement l’application du pesticide, puis le taux de dégradation augmente parallèlement à

l’augmentation de la population microbienne. Une cinétique d’ordre 1 est généralement employée pour

décrire la biodégradation des pesticides. Le temps de demi-vie t

1/2

, appelée aussi DT

50

(Disappearance

time for 50% loss) correspond à la durée nécessaire pour la disparition de la moitié de la quantité de la

molécule mère. Les valeurs de DT

50

peuvent varier de quelques jours à plusieurs mois et années selon

le pesticide considéré. A titre d’exemple, les valeurs de DT

50

des 14 pesticides présélectionnés (voir

Chapitre 3 § 3.3.) pour l’étude varient entre 1 jour et plus de 400 jours (Annexes A Table 8).

La dégradation biotique est souvent considérée comme le processus majeur de dégradation des

pesticides bien que d’autres processus abiotiques puissent intervenir. Les pesticides peuvent être

notamment dégradés sous l'action de la lumière (photolyse), par hydrolyse ou par oxydo-réduction.

Dans les solides géologiques de la zone non saturée, les voies de transformation des pesticides sont

peu renseignées, la dégradation des molécules étant généralement supposée faible. Par exemple, la

minéralisation (dégradation complète) du MCPA (herbicide) a été étudiée dans des sols danois à

différentes profondeurs entre 0 et 115 cm (Badawi et al. 2013). Les résultats montrent qu’au-delà des

horizons des sols riches en matière organique et en communautés bactériennes, la minéralisation du

MCPA devient inexistante bien que des populations bactériennes dégradantes aient été identifiées.

Cette absence de minéralisation ne signifie toutefois pas une absence de dégradation, qui dans ce cas

peut être incomplète et conduire à la formation de métabolites.

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Un réel besoin d’enrichissement des connaissances sur la dégradation des pesticides dans la zone non

saturée reste à faire, pour à terme mieux comprendre la dissipation des pesticides. Le changement des

conditions microbiologiques lié au passage d’une matrice riche à une matrice pauvre en matière

organique avec la profondeur laisse supposer une expression plus prononcée des voies de dégradation

abiotique dans les matériaux géologiques de la zone non saturée.

3.2. Sorption

La sorption se décompose en deux processus dynamiques antagonistes, l’adsorption qui conduit à la

fixation d’un composé en solution à la surface d’une matrice solide et la désorption qui conduit au

passage en solution d’un composé fixé à la surface d’un solide. La sorption joue un rôle fondamental

dans le transport par advection et dispersion, la persistance et la dégradation des pesticides (Calvet et

al. 2005).

L’adsorption des pesticides dans les sols est très variable et dépend à la fois des propriétés

physico-chimiques des molécules et des paramètres constitutifs des sols. La matière organique est considérée

comme le constituant des sols le plus important pour l’adsorption des composés neutres (Wauchope et

al. 2002). D’autres phases comme les argiles et les oxydes fournissent des surfaces d’adsorption pour

les pesticides chargés (Arias-Estevez et al. 2008 ; Wauchope et al. 2002). Par ailleurs, l’adsorption des

acides organiques faibles, comme le 2,4-D ou la bentazone, est dépendante du pH (Clausen and

Fabricius 2002). Différentes liaisons sont impliquées dans l’adsorption en fonction de la nature

chimique des pesticides : des liaisons ioniques, de complexation, hydrogène ou encore des interactions

polaires (Calvet et al. 2005).

Alors que les facteurs gouvernant l’adsorption des pesticides dans les sols sont largement étudiés et

décrits dans de nombreux travaux, les paramètres clés de l’adsorption des pesticides dans les

matériaux géologiques de la zone non saturée sont aujourd’hui peu connus et peu étudiés. Certaines

études mettent en avant l’impact de phases minérales sur l’adsorption des pesticides (Yeasmin et al.

2014 ; Werner et al 2013 ; El Arfaoui, 2012 ; Vischetti, 2010), mais les mécanismes associés sont peu

décrits. En réalité, les interactions physico-chimiques entre les pesticides et la zone non saturée plus

profonde que les sols sont rarement étudiées alors que la compréhension des processus de transfert

vers les eaux souterraines en dépend. D’autre part, les processus de sorption des métabolites des

pesticides sont peu décrits dans les sols et encore moins dans des solides géologiques. Des lacunes

importantes persistent donc sur la connaissance de l’adsorption et des éléments régissant l’adsorption

d’une part des pesticides dans les matériaux géologiques de la zone non saturée et d’autre part de leurs

métabolites dans la zone non saturée y compris les sols.

L’adsorption des pesticides est généralement étudiée à l’équilibre dans des réacteurs fermés statiques,

appelés batch d’adsorption. Un protocole normalisé (OCDE Guideline 106, 2000) fournit les

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recommandations expérimentales à suivre. Or, des études expérimentales dynamiques en colonnes

montrent globalement que l’équilibre locale d’adsorption n’est pas atteint au cours du transport de

pesticides dans les sols (e.g. Magga et al. 2012 ; Köhne et al. 2006 ; Kookana et al. 1992). Par

conséquent, un travail important de caractérisation des cinétiques d’adsorption des pesticides et des

métabolites est à établir dans les expérimentations en batch et en colonne, pour à terme mieux

appréhender et prédire leur transport vers les eaux souterraines.

Les différents facteurs impliqués dans le transfert des pesticides vers les eaux souterraines, explicités

dans ce premier chapitre, sont synthétisés dans la Figure 1.5.

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