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Chapitre 2 : Etat des connaissances

2.3 Les spécificités des bassins versants du Maroni et de l'Oyapock

2.3.6 Occupation des sols

L'histoire du peuplement de la Guyane et des bassins du Maroni et de l'Oyapock est directement liée à celle des amérindiens et remonterait à -6 000 ans (Zonzon and Prost, 1996). Les français s'installeront définitivement en Guyane en 1664 principalement, sur l'île de Cayenne. Peu à peu la population amérindienne se replie alors vers l'intérieur des terres et en partie le long du Maroni et de l'Oyapock. Avec la guerre civile au Suriname de 1986 à 1992, les Bushinengués (population de "noirs-marrons" descendants d’anciens esclaves de la traite négrière au Suriname en rébellion et qui avaient décidé de retourner vivre, comme leurs ancêtres, dans la forêt) se sont également repliés le long du Maroni. Aujourd'hui, plusieurs types de communautés cohabitent le long du Maroni et de l’Oyapock des populations amérindiennes et bushinenguées et également des populations d'origines européennes (essentiellement française), sud-américaines (brésilienne mais aussi péruvienne et colombienne) et caribéennes.

Du côté français le long du Maroni se succèdent Maripasoula (9 373 habitants en 2013), Papaïchton (5 176 habitants en 2013), Grand-Santi (5 183 habitants en 2013), Apatou (7 868 habitants en 2013) et Saint-Laurent-du-Maroni (41 515 habitants en 2013) (ONF, 2013a; Blaizeau, 2016). Du côté surinamais : Benzdorp (600 habitants en 2013) en face de Maripasoula, Dri tabiki (population non connue) le long du Tapanahoni, Langa tabiki (population non connue), Bigiston (population non connue) et enfin Albina (5 247 en 2012) en face de Saint-Laurent-du-Maroni.

Le long de l'Oyapock, les principaux villages du côté français sont Trois-Sauts et Camopi (1 707 habitants en 2013) au sud ainsi que Saint-Georges (3 907 habitants en 2013) localisé à une cinquantaine de km de l'estuaire (Blaizeau, 2016). Du côté brésilien, on trouve Oiapoque en face de Saint-Georges qui comptabilise 20 960 habitants en 2008 ainsi que Vila Brazil (population non connue) en face de Camopi.

A la population dénombrée par l'Insee, il faut ajouter une population clandestine non négligeable, provenant des pays frontaliers à la Guyane (Brésil, Suriname). En décembre 2010, le nombre de clandestins en Guyane était estimé entre 30 000 et 60 000. Les fleuves sont ainsi de plus en plus soumis aux incidences des pressions démographiques (urbanisation et création d’infrastructures), à la déforestation et donc à l'érosion des sols, avec des impacts non négligeables sur la qualité des eaux. Les moyens de transports vers l'intérieur des terres se font essentiellement par voie fluviale en pirogue et contribuent à la dégradation chimique et physique de l'eau respectivement via les rejets d'hydrocarbures (transbordement et transport de

Les spécificités des bassins versants du Maroni et de l’Oyapock carburant en fûts métalliques et résidus de combustion des moteurs hors-bords) et par le batillage le long des berges souvent mal aménagées et fragilisées par une intensification du trafic fluvial.

Il existe plusieurs types d'activités agricoles dans les bassins du Maroni et de l'Oyapock. Il s'agit principalement de territoires dédiés à l’agriculture avec conservation de la végétation naturelle. Ce mode de culture correspond à des abattis soit itinérants, exploités durant une période puis déplacés, soit fixes et résultant d’héritages culturels et parcellaires complexes

(Montabo, 2004). L'abattis-brûlis est une stratégie d’exploitation agricole d’origine amérindienne encore très appliquée et cela sans grands changements depuis 200 ans. Il correspond à une alternance de cycles de plantations et de jachères (Figure 2-12). Après l’abattage de quelques grands arbres, le défrichage est rendu plus aisé. Les palmiers sources de fruits comestibles comme l'awara, le comou ou le pinot sont épargnés. La végétation basse est ensuite brûlée en fin de saison sèche après une mise à feu par le déversement d'essence. La plantation se fait essentiellement par bouturage exécuté collectivement. Il s’agit donc d’un mode d’exploitation familiale, voire villageoise, qui dépasse rarement plus de trois hectares. Elle ne nécessite que très peu le recours à des outils et à la mécanisation. Il en est de même pour les apports d’engrais afin de fertiliser les sols.

Figure 2-12. Photos d'abattis © Parc Amazonien de Guyane

A l’échelle mondiale, l'impact des activités agricoles sur la qualité de l'eau de surface est relativement bien connu. Par le lessivage des sols tous les produits utilisés en agriculture peuvent se retrouver dans les milieux aquatiques. A partir de données recueillies pour 3 années, dans deux bassins témoins et trois parcelles expérimentales en forêt naturelle guyanaise, les concentrations de MES après défrichement étaient 20 à 30 fois plus importantes qu'en milieu

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naturel et, les charges de lit de fond étaient 50 à 100 fois plus élevées. Sur les parcelles de pâturages, et sans prendre en considération une activité d'élevage, elles seraient entre 2,4 et 3,2 fois supérieures à ce que l'on aurait observé sous forêt (Figure 2-13). L'érosion des sols des pâturages est donc faible, si on la compare avec celle de l'année du défrichement (Fritsch and Sarrailh, 1986).

Figure 2-13. Erosion cumulée sur des parcelles de pâturages en fonction de l'érodibilité de la

pluie (index de WISCHMEIER), des espèces de graminées cultivées, et en comparaison avec une parcelle sous forêt primaire (Fritsch and Sarrailh, 1986)

En Guyane, la forêt appartient principalement au domaine de l'Etat. Les exploitations forestières sont gérées par l'Office National des Forêts (ONF). Pour des raisons essentiellement économiques et logistiques, les parcelles d’exploitation sont principalement localisées à moins de 70 km de la côte. Depuis 2009, l'activité doit intégrer "la charte d'exploitation à faible impact" qui implique des normes à respecter pour l'exploitant (ONF, 2016). Parmi ces normes il est possible de citer : 1) le respect d'une distance minimale de 100 m du cours d'eau pour l'exploitation du bois, 2) l’extraction des arbres en période sèche pour éviter les chablis et par voie de conséquence la mise en suspension de particules des sols, pouvant atteindre les cours d'eau et en accroître la turbidité. La déforestation est essentiellement illégale pour permettre l’implantation d’activité minière ou pour le développement de l'agriculture et fait l'objet de nombreux conflits sur ce territoire.

Les exploitations forestières au Suriname et au Brésil sont moins soumises aux contrôles qu'en Guyane. Souvent dans ces deux pays la régularisation foncière passe par une étape de déforestation, en tant que preuve d'une occupation, puis l'utilisation et la valorisation des terres

Les spécificités des bassins versants du Maroni et de l’Oyapock justifient alors une demande d’appropriation (Fearnside, 2008). En Amazonie brésilienne, la conversion de la forêt est autorisée par la législation dans la limite de 20 % de la superficie totale de chaque propriété (Brasil, 2001). La déforestation est donc sans nul doute l’un des principaux moteurs du commerce de bois brésilien (Lentini et al., 2003). Néanmoins, les aménagements forestiers sont contrôlés depuis 1995 par le gouvernement, dans un souci de stimuler et de promouvoir la gestion des forêts (ITTO, 2005; de Freitas, 2010). En Amazonie surinamaise, la forêt n'appartient à personne, même si les Amérindiens et les Bushinengués en réclament la propriété. En outre il n’existe pas de critères nationaux formulés pour la gestion durable des forêts. En 1993, le Suriname invitait les investisseurs étrangers à venir exploiter des concessions dans le pays. Depuis 2003, 67 concessions ont été allouées exploitant 1,74 millions d'hectares et correspondant en 2000 à 2,5 % du Produit Intérieur Brut (ITTO, 2005).

Les activités minières du bouclier des Guyanes sont centrées dans la ceinture de roches vertes riches en bauxite, fer, manganèse, or et diamant (Fong-Sam, 2003; Daoust et al., 2011; Théveniaut et al., 2011; Rahm et al., 2015).Au Suriname, l'industrie des mines porte également sur la bauxite (Figure 2-14) (Fong-Sam, 2003). En Guyane Française, l'or est le principal minéral exploité (Figure 2-15). Au Brésil dans l'état d'Amapa, l'exploitation s'organise surtout autour de l'or. L'histoire de l'or en Guyane peut se subdiviser en deux périodes. Le premier cycle a commencé avec la découverte officielle d'or en Guyane en 1855 - dans la crique de Aïcoupaïe dans le bassin de l'Approuague (à l'est de Cayenne)- il a duré jusqu'à la seconde guerre mondiale. Le deuxième cycle, de l'après-guerre à nos jours, (Suriname, 1988; Montabo, 2004)

est marqué par une croissance incontrôlée depuis 1980. La réglementation des petites exploitations minières au Brésil a provoqué à cette date le déplacement des mineurs brésiliens à faibles revenus (garimpeiros) vers les Guyanes où les contrôles administratifs sont moins contraignants (WWF Guianas, 2012; Cremers et al., 2013). Avec la mécanisation (dragues à godets, concasseurs …), l'activité s'est rapidement répandue. En outre bénéficiant de l’augmentation du prix de l'or sur les places financières internationales et confrontée à l’absence d'autres activités économiques, l’exploitation de l’or a généré des bénéfices importants qui ont considérablement accru son attractivité (Hammond et al., 2007).

Les extractions se font souvent à petite échelle via des techniques de lavage à l'aide de jets d'eau afin de récupérer l'or contenu dans les sédiments des terrasses alluviales ou du lit des rivières (Cremers et al., 2013; Heemskerk et al., 2015). Si en Guyane Française en 1990, les activités minières ne concernaient que 212 ha elles occupaient respectivement 4 028 ha, 12 011 ha (Coppel et al., 2008) et 21 000 ha (Debarros and Joubert, 2010) en 2000, 2005 et 2008. Enfin

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en 2015, Rahm et al. (2015) ont estimé à près de 24 000 ha les surfaces utilisées par les activités d’orpaillage dont la plus grande part pratiquées illégalement. Les statistiques sur l'évolution de l'orpaillage au Suriname indiquent une augmentation de 8 300 ha en 2001, à plus de 27 000 en 2008 et enfin près de 54 000 ha en 2014 (Rahm et al., 2015) soit une croissance de 650 % en 15 ans. A l'opposé, dans la région de l'Amapa les surfaces occupées par les activités minières sont restées beaucoup plus stables avec même une très légère baisse entre 2001 (2 147 ha) et 2014 (2 124 ha).

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Les spécificités du bassin versant de l'Orénoque