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Chapitre 2 : Etat des connaissances

2.1 Une histoire géologique commune

L'histoire géologique des bassins versants du Maroni et de l'Oyapock est entièrement héritée de celle du bouclier des Guyanes alors que celle du bassin versant de l'Orénoque n'y est qu'en partie liée. Le bouclier des Guyanes s'est construit en plusieurs phases dont les limites temporelles font encore l’objet de discussions au sein de la communauté scientifique (Tassinari and Macambira, 1999; Santos et al., 2000; Delor et al., 2003; Delor et al., 2003b). Il couvre une superficie d'environ 1 500 000 km² et est délimité par le fleuve Amazone à l'est, la rivière Negro au sud-est, la rivière Guaviare au sud-ouest (Sierra de Chiribiquere), le fleuve Orénoque à l'ouest et l'Océan Atlantique au nord. Localisé au nord du bassin amazonien il correspond à la partie ouest du Gondwana, un supercontinent datant du Précambrien (~5,40 à 4,55 Ga) qui suite à des mouvements tectoniques s'est morcelé au Mésozoïque (vers 100 Ma) pour former aujourd'hui les continents que nous connaissons. Le bouclier des Guyanes a donc ainsi la même origine géodynamique que celle du craton d'Afrique de l'ouest.

Le modèle d'évolution du bouclier des Guyanes le plusabouti (Figure 2-1) est celui de

Delor et al. (2003b) qui regroupe les descriptions de Gibbs and Barron (1983), (Tassinari and Macambira (1999) et de Santos et al. (2000). La première phase tectonique et magmatique (~2,18 et 2,14 Ga), débute avec la destruction de la croûte juvénile océanique. Cette fracturation entraîne la scission progressive nord-sud des continents africain et américain. Elle s’est accompagnée par le développement de diverses formations de roches volcano-sédimentaires connues sous le terme de ceintures de roches vertes. Les ceintures de roches vertes sont les formations lithologiques dominantes des bassins versants du Maroni et de l'Oyapock

(Théveniaut and Delor, 2004). Elles sont également présentes au Venezuela au niveau du bassin du Caura. Elles se caractérisent lorsque leur origine est volcanique par des laves (formation du Paramaca) allant des basaltes jusqu’aux rhyolithes et pyroclastites associées à des formations sédimentaires comprenant des dolomies, des schistes et des quartzites. Au-dessus de la formation essentiellement volcanique du Paramaca on observe une deuxième série de roches vertes de nature sédimentaire correspondant probablement au remplissage d’un bassin post- volcanique (formation d’Armina) (Théveniaut and Delor, 2004). Elles correspondent à des grès de fins à grossiers, et à des perlites (argilites et/ou siltites) parfois très abondantes qui ont évolué en schistes. Ces schistes et grès de la formation d’Armina présentent des intercalations variées en particulier des lentilles de fer (hématite et goethite) ou d’oxydes de manganèse riches en

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matières organiques. Ces formations de Paramaca et d’Armina sont ainsi composées essentiellement de fer, de silice et d’alumine et mais aussi d’or et de diamants (Goodwin, 1981).

Entre 2,11 et 2,08 Ga, les deux continents Amérique et Afrique coulissent progressivement l’un par rapport à l’autre. Ces deux migrations s’accompagnent, de processus magmatiques et métamorphiques. Puis les directions de déplacement se modifient pour devenir nord-est/sud-ouest car formées dans un contexte de décrochement sénestre6 entre l’Afrique et le sous-continent sud-américain. Les roches granitiques et les bassins versants du Maroni et de l'Oyapock sont associés à ce stade de déformation. La deuxième phase tectonique et magmatique intense a lieu entre 2,08 et 2,06 Ga. Les grands ensembles plutoniques, volcaniques et sédimentaires sont mis en place sur les bordures de ce qui deviendra l'océan Atlantique. Des filons de roches magmatiques infiltrés (dykes) recoupent tous ces ensembles volcano- sédimentaires plus ou moins fracturés (Delor et al., 2003; Théveniaut and Delor, 2004; Nontanovanh and Roig, 2010).

Au Cénozoïque (~65 Ma), les terres basses, moyennes et hautes des pays du bouclier des Guyanes commencent alors à se dessiner. Elles se construisent lors d'une succession de grandes phases d'érosion continentale et de dépôts sédimentaires. Au cours du temps, l'évolution de la montée des mers a engendré la connexion ou déconnexion des bassins (de Mérona et al., 2012). Le trait de côte prend progressivement sa forme en fonction des variations des niveaux marins, des apports sédimentaires véhiculés par les fleuves des Guyanes et surtout des charges particulaires considérables expulsées par le delta de l’Amazone dans l’océan Atlantique au niveau de l’Equateur pour le sous-continent sud-américain. En raison de cette localisation le transit des apports sédimentaires est peu affecté par la force de Coriolis et est essentiellement contrôlé par les grands courants océaniques, en l’occurrence le courant équatorial nord et son prolongement le courant de la Guyane.

6Faille souvent verticale, le long de laquelle deux compartiments rocheux coulissent

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Figure 2-1. Schémas géologiques simplifiés du bouclier des Guyanes tiré de Delor et

al.(2003b) selon A : Gibbs and Barron (1983), B : Tassinari and Macambira (1999), C :

Santos et al. (2000).

A) CENOZOIQUE : 1 couverture alluvionnaire ; MESOZOIQUE : 2 - dolérite et sédiments ; PALEOZOIQUE : 3 - sédiments de la marge amazonienne ; NEOPROTEROZOIQUE : 4 -

basalte alcalin, 5 - plutonisme alcalin; MESOPROTEROZOIQUE : 6 - granites, 7 - sédiments, 8 - dyke basique, 9 - sédiments (Roraima group), 10 - plutono-volcanisme acide; épisode thermo tectonique TRANSAMAZONIEN : 11 - granitoïde, 12, pluton ultrabasique, 13 - ceinture de roche verte, 14 - granulite; ARCHEEN : 15 - granulite et migmatique. B) 1 -

Amazonie centrale (> 2,3 Ga), 2 - Maroni-Itacaiunas (2,2 - 1,95 Ga), 3 - Ventuari-Tapajos (1,85 - 1,88 Ga), 4 - Rio Negro -Juruena (1,88 - 1,55 Ga), 5 - Rondonian-San Ignacio (1,55 -

1,3 Ga), 6 - Sunsas (1,25 - 1,0 Ga), 7 - zone mobile néoprotérozoïque, 8 - couverture phanérozoïque. C) 1- Carajas -Imataca (3,10 - 2,53 Ga), 2 - Amazonie centrale (1,88 - 1,70

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Ga), 3 - Transamazonien (2,25 - 2,00 Ga), 4 - Tapajós-Parima (2,10 - 1,87 Ga), 5 Rio Negro (1,86 - 1,52 Ga), 6- Rondona-Juruena (1,80 - 1,50 Ga), 7 - K'Mudku (1,33 - 1,10 Ga), 8-

Sunsas (1,33 - 0,99 Ga), 9 - zone néoprotérozoïque, 10 - couverture phanérozoïque. En Guyane, au quaternaire (-100 000 à -10 000 ans), plusieurs périodes glaciaires se sont succédées. Pendant la dernière période interglaciaire (Riss-Würm : -180 000 à -120 000 ans), le climat est chaud et humide avec une faune homogène (Boujard and de Morais, 1990). La transgression marine a pu atteindre + 15 m durant cette période (Pujos and Odin, 1986; Boujard and de Morais, 1990). L'ensemble des bassins versants actuels étaient connectés et les échanges d'eau douce et d'eau de mer plus ou moins chargés de sédiments étaient importants (Figure 2-

2). Puis lors de la dernière période glaciaire (le Würm : -120 000 à -10 000 ans), le climat était

plus sec et plus frais, la régression marine traduite par un retrait de la mer pourrait avoir atteint -100 m (Pujos and Odin, 1986; Boujard and de Morais, 1990). Deux grands bassins se sont formés, l'un à l'est et l'autre à l'ouest de la Guyane et la dispersion des espèces s'est ralentie. Peu à peu le réseau hydrique se forme, certains petits fleuves ont pu être amenés à disparaitre ou à se construire. Les grands fleuves Mana-Maroni et Oyapock-Approuague avaient certainement des embouchures communes à plus de 200 km de leur emplacement actuel. Aujourd'hui, sept bassins versants principaux et quelques petits bassins versants côtiers se dissocient.

Figure 2-2. Evolution des limites des bassins versants en Guyane suivants les périodes

climatiques (adaptée de : Allard (2014)).

L'histoire géologique du bassin versant de l'Orénoque est plus complexe. Elle est liée (i) comme précédemment à l'activation des processus d'ouverture de l'océan Atlantique et de la séparation de l'Amérique du Sud avec l'Amérique du Nord (~ 2,0 Ga) mais aussi (ii) à l'orogenèse des Andes du nord et de l'ouest et (iii) à des dynamiques volcano-sédimentaires

Une histoire géologique commune internes entre les terres du bouclier des Guyanes et les montagnes andines (Potter, 1997; Gregory-Wodzicki, 2000).

Au Jurassique au cours du Mésozoïque, il y a 2,0 Ga, commence une grande période d'érosion et d'orogénèse qui résulte du mouvement des plaques tectoniques de Nazca et de l'Amérique du Sud. Elle concerne la branche la plus septentrionale de la Cordillère des Andes "la Sierra de Perijà" au nord-ouest et les Andes de Mérida, ainsi que la Cordillère Côtière de la Caraïbe (Hoorn et al., 1995; Baby et al., 2009). Au même moment les deux continents de l'Amérique du Sud et du Nord se séparent. Il se forme alors un grand bassin central, qui deviendra celui de l'Orénoque. Il sera ensuite submergé par l'océan jusqu'à son point le plus septentrional entre le bouclier des Guyanes, les Andes et la Cordillère Côtière. Pendant cette période dans le futur bassin de l'Orénoque une part importante des matières organiques continentales et marines élaborées au cours du Crétacé (~ 1,45 Ga) co-sédimentent. Ces matériaux formeront postérieurement des hydrocarbures, exploités aujourd'hui dans ce que l'on désigne comme la « frange pétrolière » de l'Orénoque.

Au Cénozoïque (~ 66 Ma), la mer se retire et les bassins intérieurs de l'Orénoque sont construits. Néanmoins, la formation des sous-bassins tels qu'on les connait aujourd'hui est assez récente et date de la fin du Tertiaire et du début du Quaternaire (~ 2 Ma). Après plusieurs phases d’intrusion marine les sous-bassins sud fortement influencés par la tectonique se soulèvent, induisant une déviation progressive du lit fluvial de l'Orénoque qui finit par s’accoler au bouclier des Guyanes (Potter, 1997; de Almeida et al., 2000). Une intense période d'érosion affecte alors les reliefs des Andes conduisant au remplissage des sous-bassins en rive gauche de l’Orénoque et à la formation de grandes plaines alluviales. L’estuaire du fleuve évolue alors vers la création d’un delta.

Un régime de précipitation contrôlé par les mouvements de la ZCIT