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2. Chapitre 2 : Une formation pour favoriser le « dialogue » entre les textes prescripteurs et les

2.3. Méthodologie de recueil et d’analyse des données

2.4.4.2. Les obstacles liés aux élèves

Les enseignants s’expriment également sur ce que la démarche d’investigation implique pour leurs élèves. Dans les questionnaires initial et final, ils font part des difficultés auxquelles ils ont eu à faire face lors de la mise en place de leurs séquences. Au cours de la séance de travail, ils s’expriment sur les difficultés qu’ils entrevoient pour la mise en place de la séquence d’investigation qu’ils sont en train d’élaborer. Ces difficultés portent principalement sur les capacités estimées et la motivation des élèves pour ce type de démarche.

2.4.4.2.1. Les capacités des élèves

Conscients de la nécessité de laisser aux élèves une certaine autonomie dans l’élaboration de leur propre démarche de résolution du problème, les enseignants de groupe 3 s’inquiètent de la réelle capacité de leurs élèves à gérer l’ensemble des phases de cette démarche.

G3 : 1h20’

– Si c’est à eux de tout faire… en même temps, ils vont trouver ça long. Gratter pendant 2 heures… – Et puis moi, je les vois bien… moi, je vois bien la position que vont prendre certains de mes élèves.

Exactement. Parce que soulever le problème, à eux de mettre ce qu’ils pensent… (soupir) trouver l’hypothèse, l’expérience, et ben…

De plus, pour être libre de formuler ses hypothèses et d’élaborer son protocole, l’élève doit disposer d’un ensemble de connaissances associées à l’item des programmes visé dans la séquence. Sans cet ensemble de prérequis, l’enseignant se verra dans l’obligation d’intervenir, dans une plus ou moins grande mesure, pour permettre à l’élève de progresser dans sa démarche. Il risque alors d’être transmissif quant aux connaissances nécessaires aux élèves pour formuler prévisions argumentées et hypothèses, et/ou directif quant aux tâches liées à l’élaboration du protocole et à la réalisation de l’expérience. Ainsi, les groupes 1 et 3 se retrouvent face au problème des prérequis des élèves.

Le groupe 1, travaillant à l’élaboration d’une séquence sur la conservation de la masse totale au cours d’une transformation chimique, se demande si les élèves connaissent suffisamment de transformations chimiques pour pouvoir en proposer une qui permettrait le test de l’hypothèse de la conservation de la masse. Ces enseignantes décideront finalement d’imposer aux élèves la transformation entre l’acide chlorhydrique et la craie, conscientes que cela ne respecte pas strictement les intentions des programmes :

Ils [les programmes, NDR] disent que l’élève doit participer à la conception d’un protocole donc effectivement, il ne peut pas parler de ça parce que je vois pas pourquoi lui, il devinerait…

– Que la craie et le vinaigre réagissent, oui, ça c’est sûr.

Pour le groupe 3, qui planifie une séquence sur les combustions, il est nécessaire que les élèves connaissent un certain nombre de tests de reconnaissance pour pouvoir conclure à la disparition des réactifs et l’apparition des produits. Un enseignant propose de demander aux élèves, avant la séquence, de trouver les tests de reconnaissance du dioxygène et du dioxyde de carbone, soit dans leur cours, soit en effectuant une recherche documentaire. Un autre enseignant se demande s’il faut mettre « l’idée des tests » dans l’énoncé du problème. Cette deuxième proposition, consistant à décrire en tout début de séquence les tests dont les élèves vont avoir besoin, constituerait une intervention majeure de l’enseignant dans l’élaboration du protocole.

2.4.4.2.2. Le manque de motivation des élèves

Comme nous l’avons dit plus haut (3e question de recherche), six enseignants, en début de formation, considèrent la démarche d’investigation comme une méthode susceptible de déstabiliser certains élèves, voire de les démotiver. Ils décrivent les réactions de certains de leurs élèves lorsqu’ils ont dû travailler en autonomie, lors de séquences mises en place avant la formation. P’2 et P’3 ont constaté que leurs élèves manquaient de repères et de directions habituellement données par l’enseignant :

P’2 : « Certains élèves sont déconcertés car ils n'ont pas de protocole bien défini à suivre et deviennent passifs. »

P’3 : « Certains élèves qui partent battus d'avance en disant qu'ils n'y arriveront pas seuls. D’autres élèves sont perdus par manque de repère classique : cours écrit, plan, ils ne comprennent pas où on veut en venir ».

Selon deux autres enseignants (P’9, P’10), l’autonomie qu’ils ont laissée à leurs élèves a provoqué une attitude passive. Un autre enseignant s’inquiète, au contraire, de l’excès de motivation chez ses élèves : « Une fois le débat engagé, les élèves peuvent être très passionnés et ce n'est pas toujours facile à gérer » (P’1).

En imaginant mettre en place la séquence qu’ils sont en train d’élaborer (deuxième séance de formation), les enseignants se heurtent à des difficultés de gestion de la classe. Au cours de leurs précédentes mises en place de démarches d’investigation, certains enseignants se sont trouvés face

à des élèves démotivés ou se retrouvant bloqués. Les enseignants se posent de nombreuses questions quant à leur rôle pour faire évoluer ce genre de situation. La démarche d’investigation telle qu’elle est présentée dans les programmes leur suggère d’adopter un rôle nouveau par rapport aux élèves : ils sont invités à devenir des « guides » dans le déroulement de la démarche.

Dans le groupe 3, par exemple, deux points de vue s’affrontent. Certains imaginent « donner la réponse », tandis que d’autres s’y refusent catégoriquement. Enfin, un autre enseignant annonce ne pas avoir de solution à ce problème.

G3 : 1h25’

– Hier, je leur ai demandé : « qu’est-ce qu’on obtient lors de la combustion du carbone et du dioxygène ? » et j’y ai passé une heure. Y en a pour qui c’est évident tout de suite et ils proposent le dioxyde de carbone et puis y en a qui proposent rien du tout. Y a des groupes qui décollent pas du tout.

– Et qu’est-ce que tu fais dans ce cas-là ?

– Je donne la réponse pour qu’ils puissent continuer avec leur expérience. – Moi, j’arrive pas à m’y résoudre, à ça.

– Mais je sais pas ! Qu’est-ce qu’il faut faire ? Faut les laisser faire leur expérience jusqu’au bout ? C’est ça ? – Je sais pas. Tu me demandes ça, mais j’ai pas de solution.

– Non mais au bout d’un moment, il faut donner la réponse. – Sinon ils restent comme ça pendant trois quarts d’heure.

Selon le groupe 3, l’apport de la réponse par l’enseignant est équivalent à l’influence des autres groupes d’élèves sur un groupe qui se retrouve bloqué. Un enseignant explique qu’il profiterait de cette situation pour impliquer de nouveau le groupe d’élèves dans la démarche en leur demandant de justifier le protocole qu’ils ont « emprunté » aux voisins.

G3 : 1h25’

– De toute façon, qu’on leur donne la réponse, ou qu’eux voient ce que font les voisins… et qu’ils demandent aux voisins ce qu’ils sont en train de faire, ça revient un peu au même.

– Moi, c’est le problème que j’ai au point de vue gestion. Quand tu leur demandes de trouver un protocole sur une expérience, par exemple, quand tu leur demandes de trouver le volume d’un caillou, ils ont tous un caillou différent et ils doivent trouver l’expérience qu’il faut faire. T’en as qui trouvent assez rapidement et d’autres qui rament comme des fous. Mais une fois que le premier groupe est lancé, tout le monde a trouvé !

– Evidemment ! Une fois que les autres, ils ont sortis l’éprouvette, ils sont en avance, je vais pas dire : « tu vas dans l’autre salle et tu t’enfermes à clé » ! Les autres, ils sont pas totalement stupides non plus. « Je veux la même chose que le groupe d’à côté ! »

– « Mais pourquoi ? » Moi, je leur demande pourquoi. « Parce que eux, ils savent pourquoi ils le font ! Et toi ? »

Enfin, dans le questionnaire final, quatre enseignants reviennent sur la question de la motivation des élèves. Pour eux, elle ne semble toujours pas réglée en fin de formation, puisqu’ils ont encore dû faire face au manque de motivation de certains élèves ainsi qu’à l’accessibilité limitée de ce type de démarche, lorsqu’ils ont mis en place la séquence d’investigation élaborée à la deuxième séance. Ces enseignants racontent qu’ils se sont trouvés dans l’obligation de diriger les élèves afin de faire avancer la séance. Ils semblent regretter d’avoir eu à en arriver là, jugeant cette attitude contradictoire avec un des principes d’une démarche d’investigation, l’autonomie des élèves :

P’6 : « Le problème de gestion des élèves qui ne s’investissent pas. Comment gérer et faire travailler un élève qui ne cherche pas à résoudre le problème posé ?? → Il faut trop les guider ! »

P’15 considère que les expériences des élèves qui « n’aboutissent pas », les démotivent fortement. De plus, ces élèves auraient des difficultés à analyser ces résultats :

P’15 : « Les élèves dont l’expérience n’aboutit pas → ils sont déçus. / → Ils ne savent pas forcément l’analyser. »