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2. Chapitre 2 : Une formation pour favoriser le « dialogue » entre les textes prescripteurs et les

2.3. Méthodologie de recueil et d’analyse des données

2.4.1.1. Savoirs

2.4.1.1.2. La notion de conflit cognitif

Au cours de la première séance de formation, le questionnaire initial permet de savoir si les enseignants considèrent le dépassement d’obstacles cognitifs comme le type de problème qui doit être posé dans le cadre d’une démarche d’investigation. De plus, nous pouvons analyser le sens qu’ils attribuent à ce type de problème, grâce au contexte dans lequel ils s’expriment.

Dans ce questionnaire, trois enseignants (P’1, P’15, P’16) évoquent l’idée du conflit cognitif. Ces références sont apparues aux questions 1 et 3 du questionnaire initial.

Tableau 15 : réponses des enseignants relatives au dépassement d’obstacles cognitifs, dans le questionnaire initial

Q1 :

Qu’est-ce qui vous semble nouveau, important dans la démarche d’investigation telle qu’elle est préconisée dans les programmes de collège ?

P’1 : Elle met en évidence la nécessité d’une « confrontation » entre l’idée qu’on peut se faire de la réponse à une question et la réalité (pratique).

Q3 :

Quels sont les points positifs de cette démarche ?

P’1 : Confrontation entre schéma intellectuel et réalité

P’15 : Les élèves ont l’impression de réaliser leur propre expérience et lorsqu’elle s’avère ne pas fonctionner, cela permet de « casser » leurs conceptions

P’16 : Les faire se rendre compte de leurs erreurs (conceptions)

Les verbes et substantifs utilisés pour signifier l’idée de conflit ou de déstabilisation de conceptions sont variés, ainsi que les contextes dans lesquels ils sont employés.

On trouve deux fois le mot « confrontation » chez P’1, qui confronte « la réalité », soit avec « l’idée qu’on peut se faire de la réponse » (Q1), soit avec un « schéma intellectuel » (Q3). Ces deux expressions semblent renvoyer aux idées des élèves, voire aux conceptions lorsqu’il parle de « schéma intellectuel ». La « réalité », qu’il complète par « pratique », entre parenthèses, dans sa réponse à la première question, semble correspondre à des résultats expérimentaux. P’1 semble donc faire référence au conflit cognitif, plutôt qu’au conflit sociocognitif.

P’16 évoque plutôt une prise de conscience, par les élèves, de leurs erreurs. En classe, un épisode de la séquence permet aux élèves de faire le point sur leurs savoirs, et en particulier sur ceux qu’ils doivent remettre en question.

P’15 utilise, quant à lui, un vocabulaire plus radical puisque selon lui, les résultats d’expérience qui ne correspondent pas aux prévisions des élèves, permettent de « casser » les conceptions de ces derniers. Il y a dans ce terme l’idée de disparition définitive des idées des élèves grâce à l’observation et à l’interprétation des résultats de ces expériences.

Les enregistrements audio des discussions des enseignants pour l’élaboration d’une séquence d’investigation nous permettent de savoir comment leurs références au conflit cognitif ont évolué depuis les apports théoriques de la première séance.

Seules les enseignantes du groupe 1, travaillant sur la conservation de la masse totale au cours d’une transformation chimique, utilisent à plusieurs reprises le terme « conflit », soit seul (deux fois), soit dans l’expression « conflit cognitif » (quatre fois). L’adjectif « contradictoire », ou le terme « contradiction », sont également utilisés en référence à un conflit cognitif, c'est-à-dire à une confrontation entre une « idée » et une situation, des résultats d’expérience, etc.

G1 : 10’

– Je vois pas trop une démarche d’investigation parce que je vois pas trop une perception pour eux qui serait contradictoire avec la réalité scientifique.

Les termes « confronter », ainsi que « confrontation », sont utilisés six fois au total, dans un contexte particulier : lorsque les enseignantes évoquent la phase d’interprétation, par les élèves, des résultats de leur expérience. En effet, les enseignantes du groupe 1 ne planifiant pas, intentionnellement, de lever toute ambiguïté en début de séance sur la signification de la « masse totale », elles prévoient que la plupart de leurs élèves réalisent leur expérience en omettant de boucher leur flacon. Les enseignantes souhaitent alors que naisse un conflit sociocognitif au moment de confronter les résultats des élèves, ces derniers ayant des résultats différents en fonction de leur protocole.

G1 : 1h40’

– Ben il va y avoir confrontation forcément. Parce qu’y en a qui vont dire « ça diminue pas » et d’autres qui vont dire « ben si ! ça diminue. Regarde ! »

Enfin, une enseignante du groupe 1 évoque le conflit sociocognitif en disant son intention de mettre les élèves « en situation de désaccord entre eux ».

Les trois autres groupes, bien qu’élaborant aussi des situations-problèmes en vue de créer des conflits cognitifs, ne prononcent jamais le mot « conflit », ni aucune expression qui s’y rapporte. Leurs intentions de créer un conflit chez les élèves sont présentes mais implicites. Il est clair que les enseignants prennent en compte les conceptions des élèves, et travaillent à l’élaboration d’une situation-problème en vue de les déstabiliser, mais ils n’explicitent pas cette intention au moment de la formulation du problème. Ils n’évoquent aucune confrontation entre une « idée » et une expérience, ou entre une « idée » d’un élève avec celle d’un autre élève, en vue d’une déstabilisation.

Les enseignants ont clairement montré leur appropriation des instructions quant à la déstabilisation des conceptions des élèves. Dans le groupe 4, par exemple, un enseignant explicite sa nouvelle façon d’appréhender la démarche d’investigation depuis la première séance de formation. Il considère désormais que la déstabilisation des conceptions est l’objectif principal d’une démarche d’investigation.

G4 : 10’

– Je suis assez d’accord pour identifier les concepts des élèves, pour se baser là-dessus, c'est-à-dire : démarrer sur ce que pensent les élèves pour pouvoir élaborer notre problème.

Le questionnaire final permet de savoir comment les enseignants s’expriment au sujet de la formulation et de la finalité des problèmes posés à leurs élèves. Nous pouvons observer dans quelle mesure le dépassement d’obstacles cognitifs est évoqué en fin de formation.

Tableau 16 : réponses des enseignants relatives au dépassement d’obstacles cognitifs, dans le questionnaire final

Q4

P’9 : Au collège, j’essaie d’abord de travailler sur les conceptions des élèves, mais en général c’est moi qui corrige les conceptions fausses. Le problème principal est de les faire se corriger eux-mêmes. P’15 : J’essaie de trouver plus de situations déclenchantes

P’19 : J’aimerais modifier davantage ma manière d’enseigner en amenant les élèves à se questionner davantage, en créant des débats ou des discussions sur des sujets scientifiques et environnementaux (pollution, nucléaire, réchauffement climatique, développement durable, etc.).

Q5

P’12 : Oui. J’ai rencontré des difficultés : Je ne sais pas si j’ai bien mis en place cette démarche ou si j’ai bien posé le problème.

P’16 : La première difficulté avait été de trouver comment commencer la séance : trouver une question, une situation déclenchante…

Un seul enseignant (P’9) s’exprime sans ambiguïté sur la déstabilisation de conceptions. Il dit avoir fait évoluer ses pratiques vers une prise en compte des conceptions des élèves en vue d’une déstabilisation. Cependant, le vocabulaire employé laisse entrevoir certaines incompréhensions quant au processus de dépassement d’obstacles cognitifs. En effet, P’9 affirme « corriger les conceptions fausses » des élèves, ce qui est en décalage avec le constructivisme sous-jacent à ce processus.

P’19 semble avoir principalement retenu d’une démarche d’investigation l’aspect de débat dans la classe, permettant aux élèves d’exprimer leurs idées. P’19 souhaite favoriser des débats autour de questions mêlant sciences et société (pollution, nucléaire, etc.), mais il n’aborde pas ici la confrontation des idées des élèves autour d’un phénomène pour lequel ceux-ci pourraient proposer plusieurs interprétations, selon leurs conceptions.

P’12, sans plus de précision, se demande s’il a « bien posé le problème ». Nous ne pouvons pas savoir s’il s’agit de difficultés quant à la formulation, la contextualisation du problème, ou encore si cette réponse recouvre une réflexion sur la finalité des problèmes qu’il a posés à ses élèves et leur adéquation avec le type de problème suggéré par la démarche d’investigation.

Enfin, P’15 et P’16 ont focalisé leur attention sur la formulation du problème, et sur la contextualisation de ce dernier. P’15, en fin de formation, explique avoir fait évoluer ses pratiques vers une recherche plus systématique de « situations déclenchantes ». P’16 aborde également la

question de la contextualisation par des situations déclenchantes pour démarrer ses séances, en avouant trouver cette tâche difficile. Chez ces deux enseignants, la contextualisation du problème semble avoir pris plus d’importance que le problème lui-même.