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Observatoire des évolutions et relations en santé au travail

Chapitre 5 – Des « expériences intéressantes »

1. Dispositifs d’évaluation et de suivi

1.3. Observatoire des évolutions et relations en santé au travail

Î Dans deux entreprises que l’on vient déjà d’examiner (AERO1 et 2), appartenant à un même groupe industriel, un dispositif de suivi des conditions de travail et de la santé des seniors a pris appui sur un Observatoire pluriannuel par questionnaire, créé au sein de ce groupe plusieurs années avant l’accord – et que l’on baptisera ici Obs (à noter que plus récemment, ce dispositif a été repris par de nombreuses entreprises au niveau interprofessionnel, et qu’une base nationale de données a été constituée).

Chez AERO, ce dispositif a été initié au début des années 2000 par des médecins du travail apparte- nant à divers établissements du groupe. Il visait à recueillir et à suivre sur plusieurs années un en- semble d’informations sur le travail et la santé des salariés. La production de données collectives par les médecins du travail devait permettre de rendre compte de la réalité de la santé au travail, de produire de nouveaux repères dans l’entreprise et de suivre les évolutions de la santé et du travail accompagnant les changements de l’entreprise.

Ces données sont recueillies à l’aide d’un questionnaire court posé lors des visites médicales. Avec la participation initiale de médecins appartenant à plus de dix établissements, 3 à 5 000 question- naires annuels ont été remplis entre 2002 et 2005, et 10 à 11 000 dans les années plus récentes. De par sa réalisation facile et sa capacité à donner rapidement des indicateurs longitudinaux, Obs est adopté par un nombre croissant de médecins du travail de l’entreprise, qui ont utilisé les chiffres pour convaincre différentes instances de l’entreprise des enjeux de santé au travail. Les chiffres contribuent à soutenir leur action en apportant une assurance à leur diagnostic, et à lancer ou à enri- chir des débats sur des thèmes variés. De plus, les résultats d’Obs ont fourni des éléments de ca- drage pour des études plus ciblées, en tant que de besoin.

L’accord sur les seniors a été l’occasion de lancer, et répéter ensuite, une de ces études ciblées. Dans son article consacré à « l’amélioration des conditions de travail et de la santé au travail », l’accord stipule en effet que « les médecins du travail du groupe assurent un suivi particulier de la

population âgée de 50 ans et plus dans le cadre de l’enquête Obs, déployée lors des visites médi- cales » (NB. Obs est ici baptisé « enquête », mais cette terminologie prête à discussion). Les résul-

tats de ces analyses particulières doivent, toujours selon l’accord, trouver place dans un rapport spé- cifique, indépendant du rapport médical d’ensemble, et consacré chaque année à la santé au travail des seniors.

Dans sa dernière version disponible, ce rapport, intitulé « Les seniors et les autres : analyse de

quelques tendances à moyen terme », repose sur des analyses faites en considérant des couples

d’années, ce qui permet d’augmenter les effectifs et de mieux prendre en compte le rythme des vi- sites médicales et donc la population suivie. En l’occurrence, sont considérées les populations de salariés vus à la fois en 2006-7, et en 2008-9. Le centrage sur des salariés identiques pour les deux couples de dates permet d’éviter des biais dus à d’éventuelles modifications de champ (par

Rapport de recherche du Centre d’études de l’emploi, n° 79, juillet 2012

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exemple : un nouveau médecin du travail d’AERO ayant décidé d’intégrer le dispositif) ou d’échan- tillonnage (un médecin qui modifierait son taux de sondage d’une année à l’autre).

Dans sa version 2010 par exemple, le rapport propose des comparaisons entre les moins de 50 ans et les 50 ans et plus (l’âge considéré est celui de la dernière année : 2008 ou 2009 selon les individus). Sont présentés : les résultats des années 2008/2009 (en transversal) ; les évolutions de court terme : comparaison 2006+2007/2008+2009 (longitudinal) ; et quelques comparaisons avec les résultats 2008/2009 de l’observatoire analogue, développé à présent au niveau interprofessionnel en France. Le schéma général est le suivant, illustré ici par les résultats concernant les troubles cardio-respiratoires :

1

Existence d’un problème d’ordre cardio‐

respiratoire

0 5 10 15 20 25 30 < 50 ans ≥ 50 ans po u rce n ta ge p arm i la cl asse d ge 2006+2007 2008+2009 OBS national 2008+2009 transversal AERO 2008-2009

Ces données, qui portent sur sept mille salariés appariés, dont deux mille ont 50 ans ou plus, per- mettent des analyses assez précises. Le rapport peut ainsi, au-delà de résultats généraux comme celui que l’on vient d’indiquer, présenter des résultats spécifiques aux « opérateurs » (les personnels d’ateliers, soit à peu près un tiers des effectifs) et aux « non opérateurs » (les autres personnels). Ces derniers étant globalement plus âgés, la distinction évite que des effets de structure ne viennent brouiller des interprétations dans lesquelles on souhaite se centrer sur les effets de l’âge.

Outre les problèmes cardio-respiratoires, la santé des seniors fait l’objet de graphiques concernant les problèmes neuropsychiques (avec des compléments plus précis sur la fatigue, les troubles du sommeil, l’anxiété) ou ostéo-articulaires (avec un complément sur les « gênes » qu’ils peuvent en- traîner dans le travail).

À chaque fois, le graphique est assorti d’un bref commentaire, attirant l’attention des lecteurs – le rapport sera notamment présenté en CE et Chs-Ct – sur les résultats saillants.

Des analyses comparatives du même type (par âge, date de la visite, et en distinguant « opérateurs » et « non opérateurs ») sont menées dans le domaine des conditions de travail, en particulier sur le travail en 3 x 8, les contraintes posturales, la pression temporelle élevée, la possibilité ou non d’apprendre dans le travail, les possibilités de coopération, l’existence ou non d’une formation dans l’année écoulée, et la fréquence des déplacements professionnels.

Les commentaires, même brefs, et une conclusion finale, brève aussi, sont rédigés de façon à favo- riser la discussion entre les acteurs concernés chez AERO. Dans la dernière édition du rapport, la conclusion évoque ainsi l’existence probable de « régulations » qui, dans cette grande entreprise, permettent dans une certaine mesure des mises à l’abri des seniors vis-à-vis des conditions de tra- vail les plus difficiles, et limitent ainsi la dégradation de la santé au fil de l’âge. Mais les médecins

Les conditions de travail dans les accords et plans d’action « seniors »

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auteurs du rapport attirent l’attention sur des éléments de contexte, susceptibles de remettre en cause ces régulations : l’accroissement numérique du nombre de seniors, l’allongement de la vie active, et la diminution progressive des postes « légers ». Ils s’inquiètent en outre des effets néfastes qu’une protection des âgés serait susceptible d’impliquer pour la santé des plus jeunes, qui prennent en charge davantage de tâches pénibles.