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Méthodes de récupération et échauffement

Chapitre 5 – Des « expériences intéressantes »

4. Prise en charge des individus

4.5. Méthodes de récupération et échauffement

Î AERO1 explore différentes pistes permettant de réduire ou de gérer la pénibilité des postes

de travail. Cette entreprise a engagé des améliorations techniques, technologiques, organisation- nelles (voir les autres paragraphes de ce chapitre). Elle initie, à présent, une réflexion et une étude portées par l’ergonome, sur ce qu’elle appelle « améliorations intégrité physique ». Cela part d’un constat selon lequel certaines personnes résistent mieux que d’autres sur les mêmes postes de tra- vail. Une même contrainte génère des effets variables selon les individus. L’entreprise juge alors intéressant de creuser cette piste individuelle, dans un contexte où l’entreprise a déjà initié des amé- liorations collectives.

C’est donc l’ergonome qui décide de lancer une étude préliminaire sur cette question avec l’appui d’un étudiant qui en maîtrise les méthodes utilisées dans le milieu du sport, et à qui il est demandé de les adapter au milieu du travail. Les études existantes à partir du protocole mis en place sont conduites pour des sportifs ou pour des personnes en rééducation/réparation fonctionnelle. Il n’y a pas de protocole de ce type concernant les salariés en activité de travail. Il s’agit donc d’un projet expérimental permettant d’apprécier la faisabilité dans le monde du travail. Le projet vise à définir un accompagnement des salariés volontaires dans l’individualisation des phases de récupération pendant et après le travail.

Trois objectifs au départ :

‐ « avoir une meilleure gestion de la récupération pour la réduction et la prévention des dou- leurs musculaires et articulaires ;

‐ permettre aux salariés de mieux comprendre leur corps et ses potentialités ;

‐ comprendre pourquoi, dans certaines situations, le salarié se trouve en difficulté par rapport à d’autres, afin d’employer d’autres stratégies posturales et organisationnelles pour mieux gérer son effort, ainsi que des techniques de récupération adaptées à l’effort ».

Il s’agit d’optimiser la récupération des compagnons pendant le travail (réduire les douleurs articu- laires et musculaires), de montrer que chacun réagit différemment face au travail, d’anticiper favo- rablement le maintien dans l’emploi des compagnons tout au long de leur vie professionnelle.

L’expérimentation prend la forme suivante : il est fait appel au volontariat au sein d’un groupe de salariés qui sont dans les mêmes conditions d’exposition aux risques professionnels (groupe homo- gène d’exposition). Une vingtaine de compagnons est volontaire pour que soit étudié le besoin de récupération au moyen d’une série de tests issus du milieu du sport de haut niveau (rythme car- diaque, souplesse…). Il s’agit des salariés sur les postes structure/finition barque particulièrement sollicitants en raison des postures et contraintes de travail. Il n’y a donc pas de ciblage senior. On retrouvera une personne de plus de 50 ans parmi les volontaires. Le choix de ces postes est validé par le chef d’unité.

Les tests sont réalisés selon un protocole qui norme les capacités physiques, intégrant la variabilité des individus. Citons parmi les tests :

Les conditions de travail dans les accords et plans d’action « seniors »

80 ‐ le test du soulevé de charge,

‐ le test de la distance entre le doigt et le sol, ‐ le test de souplesse,

‐ test de la fréquence cardiaque.

Cette étude est réalisée au cours de la journée de travail, sans focalisation particulière sur les activi- tés de travail considérées comme particulièrement difficiles. Chacun est reparti avec son pro- gramme individualisé d’exercices. Depuis le départ du stagiaire, il n’y a pas d’évaluation de ce qu’a produit cette expérimentation.

Celle-ci comprend un certain nombre d’implicites qui permettent de comprendre ce que poursuit l’ergonome dans le déploiement de cette expérimentation. Il se heurte aux limites des améliorations de conditions de travail tant techniques qu’organisationnelles. En effet, « travailler dans un fond de barque reste dans un fond de barque », le contexte n’est pas à la réduction des contraintes de temps, le lean est en expansion dans l’entreprise, les gammes évoluent sans cesse et l’ergonome n’a pas la main sur ces évolutions. Dans ce contexte, pourrait-on intégrer dans les temps de fabrication, du temps de récupération pour les compagnons ? C’est une évolution à laquelle pense l’ergonome, cette étude vise alors à faire évoluer les représentations de l’entreprise sur l’intérêt d’ouvrir une réflexion sur la question du temps de récupération…

Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que cette expérimentation prend place dans un con- texte où l’entreprise développe par ailleurs des actions visant l’amélioration des conditions de tra- vail selon l’approche collective. On ne peut ignorer en effet que cette expérience peut se heurter à un certain nombre d’écueils : celui de comparer les performances physiques des uns et des autres, d’orienter le recrutement de façon sélective en direction des individus présentant certaines caracté- ristiques physiques, de faire reposer la prévention sur les seules capacités des individus, sans inter- roger les choix d’organisation du travail. Par ailleurs, certaines entreprises développent déjà les pauses musculaires actives, les échauffements avant le travail, sans que l’on sache si ces actions ont un effet positif sur la prévention des risques.

Commentaire d’ensemble sur les dispositifs de prise en charge des individus

La préoccupation sous-jacente aux actions que l’on vient de décrire est assez apparente : en lien (probabiliste ou, si l’on veut, statistique) avec l’avancée en âge, des déficiences de santé peuvent se manifester, et entraîner des difficultés dans la réalisation du travail. Certes, les améliorations d’ensemble des conditions de travail (§V-B ci-dessus), ou l’élargissement des possibilités d’itinéraire (§V-C), s’ils sont menés de façon pertinente, restreignent numériquement ces difficul- tés. Elles ne les font pas disparaître, cependant. Les personnels qui se retrouvent en difficulté peu- vent même en souffrir davantage s’ils se vivent comme minoritaires.

Si l’on met de côté les actions à visée hygiéniste, centrées sur la promotion de la santé par des pra- tiques personnelles (ou les méthodes d’échauffement et récupération, qui en sont voisines), le suc- cès des mesures « individuelles » dépend d’une part, de possibilités d’anticiper – c’est la logique des entretiens médico-professionnels chez AERO1 et AERO2, ou de la veille sur l’absentéisme chez PATHO – ; d’autre part, des possibilités de réaffectations, dont témoignent les succès ou les échecs d’instances comme les commissions de maintien en emploi dans ces trois mêmes entreprises.

Dans ce contexte, le couplage entre actions « individuelles » et « collectives » présente un intérêt. La réussite ou l’échec des réaffectations dépend certes, comme on vient de le dire, des aménage- ments d’ensemble dans l’entreprise, mais elle contribue aussi à interroger ces aménagements, à les préciser. Encore faut-il que l’entreprise se dote d’une « mémoire » de ces scénarios personnels, en les cumulant, en les catégorisant, et en réalimentant ainsi une réflexion collective affinée.